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Ukraine : 200 jours de guerre et de solidarité

Mis à jour le par Pierre Lemarchand
Alexandr et sa mère Svitalana sont ukrainiens. Devenus bénévoles au sein de l’association polonaise PKPS, partenaire du Secours populaire, ils accueillent les familles qui viennent trouver refuge en Pologne. Gare de Przemysl, 10 mars 2022.
Alexandr et sa mère Svitalana sont ukrainiens. Devenus bénévoles au sein de l’association polonaise PKPS, partenaire du Secours populaire, ils accueillent les familles qui viennent trouver refuge en Pologne. Gare de Przemysl, 10 mars 2022. ©J-M Rayapen/SPF

Il est de tristes décomptes. Ainsi, celui-ci : cela fait 200 jours que la guerre a éclaté en Ukraine, jetant des millions de personnes en pâture à la peur, la violence et l’exil. En Ukraine comme dans les pays frontaliers, aux populations déplacées comme réfugiées, le Secours populaire apporte, grâce à son réseau de partenaires locaux, une solidarité concrète et chaleureuse. Depuis le 24 février, ses bénévoles se mobilisent pour collecter les moyens financiers qui permettent au Secours populaire d’apporter, au plus près, ce soutien. Y compris en France même, pour les familles ukrainiennes qui s’y installent. Retour sur 200 jours de solidarité.

Mercredi 9 mars 2022, 17h. Przemysl, Pologne. La guerre en Ukraine a éclaté depuis deux semaines à présent. Kirill (4 ans), Zlata (5 ans) et leurs mamans Alena et Anastasia descendent du train qui les a menés de Kiev, où ils vivaient, jusqu’à cette ville polonaise située à la frontière. La neige tombe à petits flocons et le froid est mordant. Les enfants sont épuisés et, s’ils étaient parvenus durant tout le long chemin à ne pas pleurer, leurs larmes coulent à présent. Une silhouette approche : c’est Marta, une bénévole de l’association PKPS, le partenaire polonais du Secours populaire qui s’active depuis le 24 février pour accueillir les réfugiés qui arrivent en nombre. Elle leur sourit, leur offre à boire et à manger, les prend dans ses bras.

Ce même jour, même heure. Marseille, France. Deux enfants à nouveau : Isra (12 ans) et Mohamed (15 ans), frère et sœur. Ce sont des « Copain du Monde », des jeunes bénévoles du Secours populaire. Sur leur manteau, ils ont endossé une chasuble bleue avec, imprimée au dos, la main ailée de l’association. Des adultes sont là avec eux, dont Meriem, leur maman. Ils bravent le froid et collectent pour l’Ukraine, où la guerre fait rage à plus de 2000 km de là. Où des centaines de milliers de personnes fuient les bombes et l’horreur. Majoritairement des femmes et des enfants, comme Kirill et Zlata. Les premières images, à la télévision, ont apeuré et attristé les deux petits Français. Puis, vite, fait naître l’élan de venir en aide à tous ces enfants qui devaient se cacher ou fuir.

La solidarité aux frontières

Aujourd’hui, 200 jours après l’invasion de l’Ukraine par les forces russes, la mobilisation du Secours populaire pour collecter les moyens nécessaires à la solidarité n’a pas faibli. Ses bénévoles, de tous âges et toutes conditions, se démènent. La guerre fait toujours rage en Ukraine et ce sont environ 15 millions de personnes [1], soit presqu’un tiers de la population, qui ont dû fuir leur foyer, dont près de la moitié dans un pays étranger. Comme la Pologne. Les bénévoles de PKPS ont ainsi, dès le 24 février, distribué des sandwiches et des boissons chaudes aux familles réfugiées sur le quai de la gare Przemysl, à la frontière. Puis très vite, ils se sont investis dans leur accueil dans les huit centres mis à disposition par la ville – écoles ou gymnases pour la plupart. Grâce au soutien du Secours populaire, PKPS a pu les équiper en réfrigérateurs pour les aliments et les médicaments ainsi qu’en laveries. Trousses de toilette offerts aux familles en exil, dératisation et désinfection des lieux : l’hygiène et la dignité ont très vite été l’axe privilégié de l’action d’urgence conjointe de PKPS et du Secours populaire. Aux familles installées, PKPS prodigue depuis une aide alimentaire régulière ainsi qu’un soutien psychologique, des services de traduction, un accompagnement aux droits et à l’insertion professionnelle. Dans la foulée de Przemysl, les autres antennes locales de PKPS ont déployé une aide aux familles réfugiées, mobilisant pour elles, dans leurs centres d’hébergement traditionnellement dédiés aux personnes âgées, dépendantes ou sans-abri, des lits. Les bénévoles apportent aux mamans et aux enfants de l’aide alimentaire mais aussi la possibilité de bénéficier de sorties culturelles et de loisirs comme à Plock, ou des consultations avec une psychologue – c’est le cas à Milanówec, près de Varsovie.

Des familles ont fui plus au sud en Roumanie, autre pays frontalier de l’Ukraine. Là, la fondation Bethany, grâce au soutien et à l’expertise du Secours populaire, a mis en place dans la ville de Iaşi un centre d’accueil. Pour les enfants ukrainiens y sont proposés un accompagnement scolaire et des activités récréatives, pour leurs parents un dispositif d’accès aux droits et, pour toute la famille, un soutien psychologique. Fin août-début septembre s’y est tenu un village Copain du Monde, où durant une semaine 30 enfants de Roumanie et d’Ukraine se sont retrouvés autour d’activités ludiques et citoyennes. Plus à l’est, dans un autre pays frontalier, la Moldavie, s’est également tenu un village Copain du Monde, dans la localité de Chişināu : c’est alors avec son partenaire MilleniuM que le Secours populaire a conjugué ses efforts pour offrir deux semaines de vacances, de répit, de jeux et de joie à 50 enfants ukrainiens exilés et 40 enfants moldaves en situation de pauvreté. Ainsi en Pologne, en Moldavie et en Roumanie, après plus de six mois de violence et d’exil, l’aide aux familles ukrainiennes réfugiées ne se déploie plus uniquement dans les champs de l’urgence et du soutien matériel. Ce sont les âmes qu’il convient de soutenir et reconstruire. « Les réfugiés sont terrorisés, parce qu’ils ne pouvaient pas imaginer que la guerre était synonyme de telles horreurs », témoigne Oresta, psychologue embauchée par PKPS, ukrainienne elle-même réfugiée en Pologne et mère de deux enfants. « Au début, les familles espéraient que la guerre cesserait vite ; ils attendaient, jour après jour, qu’elle s’arrête. Mais elle n’a jamais cessé », poursuit-elle. Aussi, au cœur de cette attente, tandis que le nombre de victimes grimpe et nourrit l’angoisse, il faut aider les mères et les enfants à continuer à vivre.

En Ukraine, l’enfance au cœur

En Ukraine même, bien sûr, se poursuit l’indispensable et inlassable travail de solidarité. C’est alors avec son partenaire UAS-Four leaf clover qu’il s’effectue. Des distributions de nourriture et produits d’hygiène se déroulent régulièrement dans le sud du pays, à Odessa ainsi qu’à Mykolaiv, « une ville sur laquelle les bombes tombent sans discontinuer », témoigne Liudmyla Havriliuk, présidente de l’association ukrainienne UAS-Four leaf clover. Dans les gares et les camps de réfugiés, elles sont l’occasion de créer des moments conviviaux et fraternels, des îlots d’humanité quand, autour, exsude la barbarie. Elles s’effectuent également au domicile même des personnes les plus vulnérables, isolées ou âgées : chaque colis porté s’accompagne d’un sourire, de paroles. « A travers cette solidarité, nous souhaitons signifier aux gens qu’ils ne sont pas abandonnés ni oubliés, que la communauté internationale les soutient, que l’espoir demeure », éclaire Liudmyla. Ce sont aussi des goûters, des spectacles et des distributions de jouets qui sont initiés pour les enfants de la région d’Odessa. Ainsi, 500 d’entre eux ont pu participer à une Journée bonheur en juillet. Ateliers créatifs (peinture, cuisine, poterie, broderie), structures gonflables, stands de jeux, musique, maquillage et cadeaux : le temps d’une journée, la guerre fut vaincue et l’insouciance propre à l’enfance triomphait. « Les moments de joie, pour les enfants d’Odessa, sont devenus si rares. Ce jour-là, nous étions là pour eux, nous avons pris soin d’eux, leur avons apporté de la joie et de la chaleur », continue-t-elle.

Ukraine : 200 jours de guerre et de solidarité
Liudmyla Havriliuk et un volontaire de UAS-Four Leaf Clover remettent un colis alimentaire à une femme hébergée dans le centre pour réfugiés de Mayaki, à une cinquantaine de kilomètres d’Odessa. Elle a dû fuir sa maison bombardée, à Kherson, où elle vivait seule. 17 mars 2022. ©Four-Leaf Clover / SPF

Ce sont aussi vers les enfants malades ou blessés que l’action de l’UAS-Four leaf clover et du Secours populaire s’est portée, comme au sein du service pédiatrique de l’hôpital universitaire d’Odessa. La fourniture en matériel médical d’urgence et en médicaments a permis d’en équiper une salle de consultation et de soins, afin de « pouvoir prendre en charge et soigner, dans l’urgence et de manière adaptée, les enfants vivant à Odessa ou dont les familles sont venues s’y réfugier », précise Liudmyla. Le soutien apporté à l’hôpital universitaire a également permis d’équiper cinq cliniques mobiles, « équipées en matériel de premiers secours et travaillant à la frontière de la Moldavie jusqu’aux régions de Mykolaïv et de Kherson, afin d’apporter une aide d’urgence aux soldats blessés et aux civils qui résident dans ces zones d’action militaire », développe l’Ukrainienne. Dans ce contexte de guerre, l’aide sanitaire est cruciale. Aussi, en direction de l’hôpital clinique régional de Kiev, dans le nord du pays, la fédération de Charente-Maritime du Secours populaire a acheminé des équipements coûteux et rares, mis à disposition par les hôpitaux de l’agglomération de la Rochelle : récupérateurs de sang, respirateurs de transport ou encore stérilisateurs sont cruciaux pour les médecins. Dans ce contexte de guerre, chaque geste compte. « Ce que nous faisons est peut-être une goutte d’eau versée dans la mer, concède Liudmyla. Mais cette goutte est très précieuse. C’est une situation de toutes les urgences où chaque contribution compte. »

En France, l’énergie et l’imagination pour boussoles

En France, les efforts des bénévoles du Secours populaire se sont d’abord concentrés sur la collecte, afin de réunir les moyens nécessaires à une solidarité qu’ils savaient devoir déployer sur un temps long. Et là aussi, chaque contribution compte. « Cette guerre, qui est arrivée si brutalement, nous a bouleversés dans l’association comme dans l’ensemble du pays », témoigne Christine Bernard, secrétaire générale de la fédération de Dordogne. Tandis qu’au plus près du drame, en Ukraine, en Pologne, en Moldavie, des missions du Secours populaire partaient pour assurer ses partenaires de son soutien et identifier avec eux les actions à mettre prioritairement en œuvre pour les déplacés et réfugiés, partout en France les bénévoles, y compris les enfants Copain du Monde tels Isra et Mohamed, se sont mobilisés. Collectes dans la rue ou sur les marchés, organisation de concerts ou de braderies, de tournois sportifs ou de ventes d’œuvres d’art : l’énergie et l’imagination furent les deux boussoles qui permirent aux bénévoles de réunir les moyens nécessaires à la solidarité.

Puis leurs efforts se sont portés sur l’accueil des familles ukrainiennes. Le nombre d’Ukrainiens venus se réfugier en France est aujourd’hui estimé à 100 000 [1]. Pour ceux-ci, femmes, enfants, personnes âgées, les bénévoles ont d’abord accueilli leur détresse en leur témoignant chaleur et soutien puis accueilli leurs besoins, en y répondant concrètement : vêtements et nourriture bien sûr, mais aussi jouets pour les enfants et mobilier pour équiper les logements, quand les familles quittaient les lieux d’hébergement collectifs. Aide aux démarches administratives et accès aux droits, accompagnement des adultes dans l’apprentissage de notre langue et de leurs enfants pour leur scolarisation – l’achat de fournitures scolaires, d’un ordinateur portable, de chaussures de sport sont des coups de pouce régulièrement prodigués par les équipes locales du Secours populaire aux nouveaux écoliers. La solidarité humaine de l’association, qui de l’aspiration à l’émancipation, au rêve et à la culture prend la mesure, s’est déployée dans sa grande diversité. Invitation des familles à des sorties ou des spectacles, inscription à une pratique sportive, organisation de séjours de vacances ou participation à des villages d’été Copain du Monde : tout a été mis en œuvre pour que les femmes et les enfants ukrainiens puissent chasser un temps les traumatismes, trouver leurs repères, se reconstruire et imaginer des lendemains plus sereins.

Ukraine : 200 jours de guerre et de solidarité
Oksana et ses enfants ont fui l’Ukraine et ont tout laissé derrière eux. A Périgueux où ils ont trouvé refuge, le Secours populaire les accompagne, notamment en leur offrant des vêtements, des jouets et des fournitures scolaires. 20 mars 2022. ©Yoann Léguistin / SPF

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