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Pologne : le SPF s’engage pour un accueil digne des réfugiés

Mis à jour le par Pierre Lemarchand
Derrière Katia et sa petite soeur, qui ont fui leur ville bombardée, Tchernihiv, se découvrent les 180 lits du gymnase où elles sont accueillies à Przemysl en Pologne. ©J-M Rayapen/SPF

Nicolas Jaffré, membre du Bureau national du Secours populaire, a conduit la mission qui s’est rendue en Pologne, à Przemysl, à la frontière Ukrainienne, du 7 au 11 mars. Sur place, il a retrouvé les équipes de PKPS, le partenaire polonais du Secours populaire, afin de prendre le pouls de la situation et imaginer avec PKPS les actions à conduire ensemble, afin de venir en aide aux centaines de milliers de réfugiés qui arrivent en Pologne depuis l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes. Entretien.

Ce jeudi 10 mars en fin d’après-midi, la mission qu’a conduite tambour battant Nicolas Jaffré, à Przemysl en Pologne, arrive à son terme. Dans quelques heures, il serait dans le train qui le conduirait à Varsovie, afin d’honorer un rendez-vous à l’ambassade le lendemain matin puis de retourner en France. Accompagné d’Annie-Claire Cottu, Médecin du SPF et d’Etienne Fradin-Beaugerie, secrétaire départemental de la fédération du Rhône, Nicolas Jaffré, par ailleurs directeur de la fédération du Loiret, a pris la mesure, sur ce bout de frontière qui sépare l’Ukraine de la Pologne, de l’ampleur du drame qui se joue depuis le 24 février, à l’aube duquel les premières bombes russes ont commencé de s’abattre sur l’Ukraine. A l’heure où ces lignes s’écrivent (le 15 mars – ndlr), plus de 3 millions d’Ukrainiens ont fui leur pays et, parmi ceux-ci, plus de la moitié se sont réfugiés en Pologne. L’enjeu humanitaire est historique et la réponse solidaire au drame l’est tout autant : c’est ce que constatent immédiatement Nicolas et ses compagnons. PKPS (Comité polonais d’aide sociale), le partenaire du Secours populaire, s’est mobilisé dès l’arrivée des premiers réfugiés, en s’inscrivant dans un vaste dispositif incluant autorités locales, associations et citoyens. L’enjeu pour la mission du SPF était d’identifier des besoins criants auxquels PKPS, avec son soutien, répondrait dans les semaines et mois à venir et d’imaginer un programme d’aide en conséquence. Dans un gymnase scolaire transformé en centre d’accueil et d’hébergement, tandis que les bénévoles de PKPS s’activent pour rendre le lieu fonctionnel et chaleureux, Nicolas revient sur les journées intenses qu’il vient de vivre.

Quelles ont été les premières actions de la mission du Secours populaire en Pologne ?

Nous sommes arrivés lundi 7 mars à Varsovie, avec une première soirée et une nuit pour rencontrer les responsables nationaux de PKPS, dans un de leurs centres d’accueil de jour pour personnes âgées, qui est historiquement le cœur de leur activité. Dès le lendemain matin, nous avons pris la route pour nous rendre ici, à 6 heures de route, à Przemysl, à la frontière polonaise, et avons été accueillis par l’équipe locale, et notamment sa responsable Krystyna Makara. Dès notre arrivée, nous avons été plongés au cœur du dispositif important déployé ici. Nous sommes, avec la gare de Przemysl, dans un lieu de transit. Les personnes qui fuient l’Ukraine sont accueillies et emmenées ensuite dans d’autres villes de Pologne ou des pays d’Europe de leur choix. Le but est de ne pas créer d’embouteillages à la frontière, et en particulier du côté ukrainien, ce qui pourrait être très dangereux pour les personnes. Le travail accompli par les volontaires, dont ceux de PKPS, est, pour quelques heures ou une nuit ou deux, de prendre en charge ces personnes, leur proposer un repas chaud, une nuit à l’abri, avant qu’elles ne repartent.

Avez-vous accompagné les volontaires de PKPS dans leurs actions ?

Oui, nous avons participé à des distributions effectuées par les bénévoles de PKPS le soir : ils sont souvent jeunes et donnent de leur temps après leur journée de travail. Sur un des quais de la gare, ils offrent aux femmes et aux enfants réfugiés d’Ukraine de quoi se restaurer, se réchauffer, des produits d’hygiène, un petit jouet… Nous avons aussi visité plusieurs des six hébergements d’urgence de la ville, qui peuvent être une école, un institut pour enfants en situation de handicap ou un gymnase. C’est le cas de celui où nous nous trouvons actuellement et qui accueille près de 180 réfugiés tous les jours. Là aussi, les bénévoles de PKPS, selon leurs disponibilités, viennent renforcer les équipes locales dans les différents centres pour apporter une présence bienveillante auprès des réfugiés, divertir les enfants, aider à confectionner et distribuer les repas, faire le ménage et veiller à l’entretien du centre.

Pologne : le Secours populaire s’engage pour un accueil digne des réfugiés
Les bénévoles de PKPS accueillent les réfugiés ukrainiens à la descente du train pour leur offrir sandwiches et chaleur humaine – Gare de Przemysl, 9 mars 2022 – ©Jean-Marie Rayapen/SPF

Cette mission avait un double objectif. Tout d’abord, rencontrer PKPS, découvrir l’inscription de ses volontaires dans l’élan de solidarité organisé pour les réfugiés. Ensuite, imaginer avec PKPS des actions sur le plus long terme – car le conflit va malheureusement durer. Pouvez-vous évoquer ces actions, qui ont été imaginées au regard des besoins exprimés ?

Une première action de grande urgence, à travers un soutien financier du Secours populaire, a été décidée : c’est la constitution, par PKPS, de milliers de trousses de toilette, contenant des produits d’hygiène et sanitaires – pour les adultes et pour les enfants – qui seront remises à toutes ces familles. Przemysl n’est qu’une étape dans le parcours et ce premier soutien est une réponse utile, pratique, qui correspond aux besoins des populations sur place. Ces kits seront distribués par les bénévoles de PKPS au sein de ces six centres et, peut-être, au niveau de la gare. Très vite, nous allons mettre en œuvre une deuxième phase, pour laquelle nous avons identifié de pressants besoins. C’est une action plus pérenne. Ces centres se sont montés dans la première nuit qui succéda à la déclaration de guerre pour faire face à l’arrivée des premiers réfugiés, à laquelle ont dû faire face les pouvoirs publics, les associations et la population. Avec quelques jours de recul, on se rend compte que dans ces centres d’hébergement mis en place dans l’extrême urgence, des besoins ne sont pas couverts. Nos échanges, nos observations ont mis en lumière un besoin de machines à laver, de sèche-linge, de produits de nettoyage pour l’entretien des centres, des blocs sanitaires et des douches supplémentaires. Prenons le cas de ce centre en particulier : il est équipé de huit douches et il accueille 180 personnes en permanence… C’est insuffisant. Notre partenaire PKPS est en train de lister, pour chacun des 6 centres, en lien avec la ville de Przemysl et les autres associations, l’intégralité des besoins et le Secours populaire soutiendra financièrement la réponse à ces besoins. Un premier fonds d’urgence de 50 000 € a été débloqué et nous sommes prêts pour verser d’autres soutiens financiers.

« En agissant sur les plans de l’hygiène, du confort, nous allons contribuer à ce que l’accueil réservé aux réfugiés soit le plus digne possible. »

L’aide du Secours populaire, à travers son partenaire PKPS, est donc ciblée sur la question de l’hygiène, une condition indispensable à la dignité…

Absolument. Nous allons nous concentrer sur l’hygiène, à la fois des personnes et des centres qui les accueillent. Nous allons aussi financer l’achat de lits de camp quand ceux-ci sont insuffisants. En agissant sur les plans de l’hygiène, du confort, nous allons contribuer à ce que l’accueil réservé aux réfugiés soit le plus digne possible et que les conditions de travail des bénévoles soient confortées.

Qu’est-ce qui vous a particulièrement marqué, au cours de cette mission ?

C’est le fort élan de mobilisation, de solidarité et de générosité, de la part de la population polonaise et, au-delà, de nombreux citoyens de pays européens qui viennent faire du bénévolat, apporter de la chaleur humaine. Et aussi, les conséquences terribles de cette guerre, la situation dramatique que vivent toutes ces personnes exilées, en très grande majorité des femmes seules avec leurs enfants, des personnes âgées. Ce sont des vies brisées du jour au lendemain, des conditions de voyage extrêmement difficiles pour arriver jusqu’ici, tandis que sévit une vague de froid, souffle un vent glacial. Les familles ont témoigné de trajets pouvant durer entre deux et quatre jours pour franchir la frontière – de longs parcours effectués avec au mieux une valise, parfois un seul sac plastique, voire aucun bagage. Je me souviens de deux jeunes mamans qui m’ont marqué par leur optimisme, leur détermination, le sourire qu’elles affichaient malgré tout. Ce que je retiendrai, c’est l’immense tristesse de ces réfugiés et, en même temps, leur très grande force. J’ai rencontré des parcours de vie bouleversants chez ces personnes réfugiées comme chez les bénévoles ! Ici, à Przemysl, ce sont 40 bénévoles de PKPS qui sont quotidiennement mobilisés. Hier soir, nous étions à la gare avec une équipe de 6 volontaires, dont une dame ukrainienne, arrivée il y a quelques jours. Elle a été accueillie par PKPS et les a rejoints ensuite, pour aider à son tour ses compatriotes… On retrouve là la valeur de réciprocité chère au Secours populaire.

Pologne : le Secours populaire s’engage pour un accueil digne des réfugiés
Nicolas Jaffré, devant le gymnase transformé en centre d’hébergement pour les réfugiés ukrainiens – Przemysl, 10 mars 2022 – ©Jean-Marie Rayapen

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