Six mois après les ouragans : de l’urgence à la reconstruction

Intervenu dès les lendemains de la série d’ouragans qui ont ravagé les Antilles et le golfe du Mexique, le Secours populaire maintient son aide. Avec ses partenaires locaux, il accompagne les victimes et met en place des programmes pour leur permettre de se relever.

Urgences ouragans : mission du Secours populaire à la Dominique

« À notre arrivée à Saint-Martin, on s’est demandé si la vie existait encore », se souvient Christian Causse, membre du bureau national du Secours populaire français. Présent lors de la première mission qui s’est rendue sur l’île dévastée, une semaine après le passage de l’ouragan Irma dans la nuit du 5 au 6 septembre 2017, il décrit « un spectacle de désolation : une décharge à ciel ouvert avec des maisons partiellement ou totalement détruites ».

Six mois après l’odyssée destructrice et meurtrière des ouragans qui ont frappé les Antilles et le golfe du Mexique (Texas, Nouvelle- Orléans), le SPF, dont les missions se succèdent dans cette région, continue d’apporter une aide adaptée aux besoins des populations.

Ses équipes travaillent en étroite relation avec des partenaires locaux, comme à Houston avec l’association Texan French Alliance for the Arts (TFAA), qui soutient des enfants des quartiers défavorisés inondés par l’ouragan Harvey. Pour faire face à la multiplication de ces aléas climatiques, le Secours populaire dispose d’un fonds d’urgence qui lui permet d’activer des ressources et d’intervenir rapidement auprès des populations sinistrées (voir l’article « Notre fonds d’urgence sécurise l’action et l’efficacité de l’intervention« ).

Max Bordey, représentant du Secours populaire aux Antilles.

Plusieurs tonnes de produits alimentaires distribuées

Au lendemain du passage de l’ouragan, l’association débloque 100 000 euros de ce fonds et lance un appel à la solidarité relayé dans ses fédérations qui organisent des actions de collecte pour les Antilles (voir article « Les fédérations du Secours populaire se mobilisent pour les Antilles »). Basée en Guadeloupe, la première mission du SPF se mobilise pour rejoindre les zones dévastées, notamment à Saint-Martin, où a lieu une distribution d’aide d’urgence adaptée aux enfants de 3 à 6 ans.

Partie de Pointe-à-Pitre à bord d’un voilier qui lui a été prêté, elle achemine un fret réduit vers la Dominique, pays anglophone situé entre la Guadeloupe et la Martinique. À son arrivée sur cette île ravagée par l’ouragan Maria et non secourue jusqu’alors, c’est le choc :

Il n’y a plus du tout de nature : les dégâts sont considérables, déplore Annie-Claire Cottu, alors membre du comité national du SPF. C’est comme s’il y avait eu une bombe atomique.

Sur place, la mission distribue l’aide d’urgence (bâches et pastilles pour l’eau), évalue les besoins des populations et rencontre les autorités locales, dont le chef des Kalinagos, les derniers Indiens caraïbes qui vivent dans la localité de Salybia (côte nord-est de l’île).

Arrivée le samedi 30 septembre sur l’île de la Dominique, la mission du Secours populaire constate qu'il ne reste presque plus rien des habitations de tôle et de bois.
Arrivée le samedi 30 septembre sur l’île de la Dominique, la mission du Secours populaire va à la rencontre des populations qui ont tout perdu.

Depuis septembre 2017, les équipes du Secours populaire ont apporté la solidarité à 10 000 habitants sinistrés de Saint-Martin (partie française et néerlandaise), de la Dominique et de Basse-Terre en Guadeloupe. À Saint-Martin, 80 % des ménages aidés sont des familles avec enfants. En six mois, de septembre 2017 à mars 2018, près de 62 tonnes de produits alimentaires (pâtes, conserves, colis de Noël…) ont été distribuées aux Antilles (1), dont de la farine donnée à l’hôpital de Saint-Martin ainsi qu’à deux boulangeries locales qui fabriquent et offrent ce pain.

Grâce en partie aux dons des entreprises partenaires, près de 154 000 litres d’eau et 200 000 pastilles pour purifier l’eau et plus de 37 tonnes de produits d’hygiène (nettoyage, antimoustiques…) ont été affrétées sur place et distribuées aux populations. Près de mille bâches, des matelas, des tentes, des douches solaires et des moustiquaires ont également été répartis selon les besoins.

Mission du Secours populaire français aux Antilles
Décharger des containers, recenser les besoins, préparer les colis, organiser les distributions… les bénévoles du SPF ont développé une expertise dans l’intervention d’urgence.

« Effacer l’ouragan »

Surmontant leurs propres difficultés, des habitants de Saint-Martin ont spontanément proposé leur aide aux équipes du SPF. « On venait d’essuyer une catastrophe et je n’avais plus de travail : être bénévole, c’était le meilleur moyen d’effacer l’ouragan », explique Jeff Pierre, travailleur social, qui a rejoint l’association vers la fin du mois de septembre 2017. Cette vingtaine de bénévoles actifs ont déchargé des containers, préparé les colis et organisé les distributions sur toute l’île, partie française et néerlandaise. Des référents de quartier ont été choisis parmi eux afin d’identifier au plus près les personnes les plus vulnérables et ce dont elles avaient besoin.

Tant qu’il y avait à faire, nous étions toujours disponibles, témoigne Jeff.

Les distributions dans les quartiers se font de la main à la main par les référents et une équipe de bénévoles identifiables à leurs gilets bleus aux couleurs du SPF. Les liens se créent et se renforcent au fil des tournées entre les volontaires et les familles aidées. Cette proximité facilite le recensement des besoins.

Urgence ouragans : Emmanuel, sinistré et bénévole, témoigne.

« Nous nous sommes beaucoup appuyés sur la population des quartiers », souligne Corinne Makowski, secrétaire nationale chargée de la solidarité dans le monde. « Cette mise en mouvement des bénévoles a fédéré des personnes de diverses origines. Elles ont ainsi appris à travailler ensemble. Cette capacité de mobilisation des personnes est une force précieuse. »

Jouets et colis festifs à Noël

Pour les fêtes de fin d’année, les bénévoles et les associations partenaires du Secours populaire se sont mobilisés : plus de 5 000 enfants de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de la Dominique ont reçu des colis festifs et des cadeaux accompagnés pour certains de lettres d’écoliers de métropole. Dans cinq communes de Basse-Terre (Guadeloupe), à Portsmouth et en territoire kalinago (la Dominique), l’association Soleil d’or a organisé des festivités dans les écoles primaires et des distributions de ces colis.

enfants de Saint-Martin
En décembre 2017, des enfants de Saint-Martin découvrent les messages d’amitié et les dessins que leur ont envoyés par bateau par les copains du monde de Clermont-Ferrand.

À Saint-Martin, ce sont les associations Cobraced, Sandy Ground on the Move Insertion et la fondation Richardson pour la partie néerlandaise qui ont orchestré ces célébrations. « En deux jours, nous avons offert 2 000 colis de fêtes », note la secrétaire générale de la Fédération du Puy-de-Dôme, Nicole Rouvet, qui a accompagné la mission. « Cela s’est très bien passé grâce au travail en amont des bénévoles qui ont fait du porte-à- porte dans les quartiers les plus sensibles pour rencontrer les familles. Pendant la distribution, elles se sont retrouvées et ont pu choisir un jouet pour leur enfant : cela leur a fait du bien. Pour moi, c’était fort ! ».

Durant cette campagne des Pères Noël verts aux Antilles, 8 000 fêtes ont été organisées, très souvent dans les écoles, avec le soutien des enseignants (voir témoignage de Béatrice, institutrice à Saint-Martin). Environ 10 000 kg de jouets, jeux, articles de sport, livres et fournitures ont été acheminés sur place et donnés à ces écoles, aux enfants et aux associations de quartier.

Les Pères Noël verts se posent à Houston.

À Houston (Texas), les Pères Noël verts ont apporté des cadeaux à 240 jeunes issus de l’immigration qui ont suivi le programme Be the Peace Be the Hope dispensé par Texan French Alliance for the Arts, le partenaire local du SPF. Grâce à cet enseignement fondé sur « l’art thérapie », ces jeunes, qui habitent dans des quartiers défavorisés de la ville frappés par l’ouragan Harvey, peuvent dépasser leurs traumatismes et se projeter dans un avenir meilleur.
En lien avec son partenaire, le SPF souhaite accueillir une partie d’entre eux dans un village Copain du monde en France.

Tournée des Pères Noël verts à Houston.
À Houston (Texas), les Pères Noël verts ont apporté des cadeaux à 240 jeunes victimes des ouragans et aidés par Texan French Alliance for for the Arts, le partenaire du SPF.

Encore de nombreuses familles non relogées

Aux Antilles, le Secours populaire et ses partenaires locaux accompagnent dans leurs démarches administratives les habitants les plus vulnérables, dont ceux qui ne pourront pas bénéficier d’indemnisation. Son soutien va s’inscrire dans le temps, notamment avec la mise à disposition de produits alimentaires et de matériels d’équipement. À Saint-Martin, six mois après le passage des ouragans, beaucoup de familles ne sont pas encore relogées.

Pour nous, l’urgence continue : elle n’est plus liée à l’impact des ouragans, mais s’inscrit dans la durée, avec des problèmes d’urbanisme, de logement (2), alerte Christian Causse. Avant le retour de la période cyclonique, il faut permettre à tout le monde d’être au moins à l’abri et protégé.

À Saint-Martin, la vie reprend son cours après le passage des ouragans, mais les besoins restent immenses : Céline, mère de famille sinistrée de Saint-Martin, témoigne.

Le Secours populaire travaille avec des pêcheurs sur des techniques visant à préserver les ressources. « À la Dominique, nous regardons comment redynamiser l’agriculture et réhabiliter les carbets, petits habitats locaux, en intégrant une toiture résistante aux vents violents. À Saint-Martin, nous envisageons de soutenir des actions en faveur des enfants et des jeunes », détaille Corinne Makowski. Le Secours populaire, qui dispose d’une antenne temporaire à Saint-Martin, compte déployer son action sur l’ensemble des Caraïbes, en s’appuyant sur la solidarité interinsulaire. Localement, il va renforcer la capacité d’agir des associations pour relancer au plus vite leurs activités. Les actions qui favorisent la cohésion sociale (sports, culture, accès aux vacances), la prévention des risques et la formation, spécifiquement en direction des jeunes et pour lutter contre l’illettrisme, seront privilégiées.

« Nous souhaitons développer le réseau du mouvement Copain du monde dans la zone Antilles-Guyane, en favorisant la création de villages Copain du monde et en invitant les enfants de cette région en métropole », précise Corinne Makowski.

Aux Antilles, le Secours populaire accompagne dans leurs démarches administratives les habitants les plus vulnérables.
Aux Antilles, le Secours populaire accompagne dans leurs démarches administratives les habitants les plus vulnérables.

Des projets de réhabilitation de l’habitat

Soutenus par la région SPF des Pays de la Loire à hauteur de 70 000 euros, des projets de réhabilitation de l’habitat sont menés par l’association Soleil d’or à Basse-Terre et à la Dominique. En territoire kalinago (côte est de la Dominique), le modèle en cours de construction est une maison traditionnelle en bois, qui est montée par un artisan local et un autre venu de Guadeloupe. À Portsmouth, dans le nord de l’île, c’est l’école St Johns, dont une partie du toit a été emportée, qui sera réhabilitée.

Notre souci dans la réhabilitation de l’habitat est de le faire en respectant des normes qui prennent en compte la prévention des risques et de minimiser les dégâts en cas de nouvelles catastrophes, note Christian Causse.

Des aléas climatiques plus intenses et plus fréquents

« Des cyclones 3 d’une intensité plus grande sont l’une des conséquences attendues du changement climatique », explique Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue et membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). « Plus la température de l’eau et le taux d’humidité sont élevés, plus le cyclone peut prendre de l’intensité. Or, ces deux éléments sont [renforcés par] l’augmentation de l’effet de serre. » Le changement climatique ne provoque pas directement ces phénomènes, mais accentue leur intensité, leur fréquence ou leur durée.

Quatre mois après les ouragans qui ont touché les Antilles, le Secours populaire a poursuivi ses actions auprès de ceux qui ont tout perdu.

« Aujourd’hui, nous sommes confrontés à des risques d’aléas climatiques qui sont des situations d’urgence en apparence temporaires mais qui en fait durent dans le temps, comme la sécheresse dans la Corne de l’Afrique ou en Mauritanie (voir dossier « Des programmes pour réduire la vulnérabilité aux aléas climatiques »), où le SPF aide les populations qui en sont victimes », relève Christian Causse.

Dans son dernier rapport d’évaluation publié en 2014, le GIEC estime « très probable que la fréquence et la durée des vagues de chaleur augmenteront et que les précipitations extrêmes vont devenir plus intenses et plus fréquentes dans de nombreuses régions [du monde] ». Ce changement climatique va « amplifier les risques existants et en engendrer de nouveaux pour les systèmes naturels et humains ». Irrégulièrement répartis, ils sont généralement « plus grands pour les populations et les communautés défavorisées de tous les pays, quel que soit leur niveau de développement ».

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Voir la vidéo sur le site lesechos.fr.

Face à ces aléas climatiques, l’une des forces du Secours populaire français est de travailler avec des partenaires locaux qui sont en mesure de réagir très rapidement, dès les premiers besoins vitaux : mise à l’abri, nourriture, habillement et accès à l’eau ou à des soins.

« Le SPF, qui agit indépendamment des pouvoirs publics, aide sans condition toutes les personnes en état de vulnérabilité après une catastrophe », précise Christian Causse. « Il intervient dans les situations d’urgence, mais surtout sur la reconstruction et l’accompagnement des personnes pour leur permettre de reprendre une vie dans des conditions correctes ou meilleures qu’avant. »

Depuis septembre 2017, le Secours populaire français a aidé 10 000 personnes, principalement à Saint-Martin, à La Dominique, à Basse-Terre en Guadeloupe et dans les quartiers défavorisés de Houston.

1 Dons pour l’alimentaire (Monoprix, Panzani, Bonduelle, Candia), les produits d’hygiène (Henkel, Unilever), des bouteilles d’eau (Cristaline, Volvic), des bâches (SNCF, Abri sans frontière) et des matelas (Emma France).

2 L’habitat, qui a résisté aux ouragans, est structurellement fragilisé par le choc et par des mois de pluie qui ont suivi l’ouragan.

3 Nommés ouragans dans l’Atlantique nord, le golfe du Mexique et l’est du Pacifique nord, ou typhons en Asie.

Arrivée le samedi 30 septembre sur l’île de la Dominique, la mission du Secours populaire a délivré une aide d’urgence aux populations qui ont tout perdu.

Liens

Témoignages

Pendant les distributions de l’aide d’urgence, nous mettons de côté nos propres difficultés matérielles – perte de notre travail ou de notre logement – pour apporter du réconfort aux personnes qui viennent vers nous, témoigne Jeff Pierre, travailleur social et bénévole du Secours populaire français à Saint-Martin. Mon souhait serait d’avancer dans la reconstruction et de créer à Saint-Martin un comité du SPF animé par les bénévoles : les Saint-Martinois se sont toujours pris en main.
 

Jeff Pierre, travailleur social, bénévole du Secours populaire français à Saint-Martin

 

Repousser nos frontières et jeter un œil sur ce qui se passe au-delà de notre pays, c’est facile de nos jours. Nul ne peut donc ignorer ces enfants, ces femmes et ces hommes qui comptent sur notre solidarité, notre savoir-faire et notre altruisme pour s’accrocher à la vie. Une main tendue, c’est tellement de sourires et de réconfort que nous ne pouvons rester les bras croisés !
Le Secours populaire, c’est vous, c’est moi et c’est eux aussi.

 

Alessandra Sublet, animatrice, marraine de la campagne Printemps de la solidarité mondiale 2018