Émanciper
Un début de campagne vacances à couper le souffle

Pour marquer le coup d’envoi de ses « Vacances d’été » 2025, le Secours populaire a invité 200 personnes aidées, du 28 mai au 1er juin, pour un séjour exceptionnel en région parisienne. Laurent, Laetitia et leurs enfants ont découvert Disneyland Paris, une croisière sur la Seine, le musée du Quai Branly et le château de Versailles. « On s’est régalé », insiste Laurent alors que pour Magali, qui était du voyage, a surtout apprécié un moment de détente avec ses fils.
« Allez, on prend la photo ! » Venue avec tout le groupe de la Charente, la famille de Laetitia et Laurent se serre autour de l’effigie en pierre de Charles de Valois, qui fut duc d’Angoulême du vivant de Louis XIV, dans la grande galerie des Bustes du château de Versailles, ce vendredi 30 mai. « Avec lui, la photo, c’est obligé », rigolent les parents, leurs grands enfants et les deux bénévoles, Martine et Michelle, avec qui ils font la visite.
« On en a plein les yeux ! », s’exclame Laurent
Émerveillés, c’est la première fois qu’ils visitent le domaine du Roi-Soleil. Leurs deux filles – Janas, 19 ans ; Latika, 15 ans – et leur fils Ibrahim, 21 ans, se prennent en photo en posant devant les immenses tableaux de la salle des Batailles, dans la chambre du roi et bien sûr la galerie des Glaces. « Je me régale. Ça ressemble à ma série préférée, Game of Thrones », se réjouit Janas, en montrant les grands miroirs qui reflètent l’image des jardins qui s’étalent à perte de vue. « On en a plein les yeux ! », s’exclame Laurent. « On va raconter notre séjour à la famille en rentrant et leur montrer les photos », ajoute Laetitia, sa femme.
Faisant les saisons de la vigne – de Cognac à la Champagne, en passant par le Bordelais –, la famille reçoit habituellement une aide alimentaire de la part du Secours populaire. Elle n’a pas non plus les moyens de s’offrir des vacances, comme près d’un Français sur deux, selon l’édition 2024 du baromètre de la pauvreté et de la précarité Ipsos / Secours populaire. C’est pourquoi les bénévoles de la Charente les ont invités tous les cinq, ainsi que 200 personnes confrontées aux mêmes difficultés, à passer un séjour exceptionnel à Paris et sa région, autour du week-end de l’Ascension. « Les gens que l’on aide ont souvent des postes de travail précaires, ou sont au chômage, précise Martine, l’une des bénévoles venues d’Angoulême. Nous accompagnons aussi beaucoup de femmes qui élèvent seules leurs enfants et des personnes ayant migré. »

C’est aussi avec ce séjour que le Secours populaire a donné le coup d’envoi de ses « Vacances d’été » 2025, du 28 mai au 1er juin. Avant la visite du domaine royal de Versailles, les familles venues de Charente, Dordogne, Haute-Garonne et de Loire-Atlantique s’étaient rendues la veille au musée du Quai Branly pour y découvrir les arts non européens. « J’ai beaucoup aimé l’exposition ‘‘Au fil de l’or’’ », raconte les yeux encore ébahis Latika, la plus jeune, à propos de la présentation dans le musée de l’art de marier l’or aux tissus, dans des pays allant du Proche-Orient au Soleil-Levant.
« Les vacances sont un droit et sont essentielles au bien-être, à la santé et à l’équilibre, rappelle Catherine Luffroy, membre du Bureau national du Secours populaire chargée des vacances. Véritable clé de voûte de l’éducation populaire, les vacances offrent à chacun et chacune la possibilité de s’émanciper, de se construire et d’ouvrir de nouvelles perspectives : partir permet d’oublier ses tracas quotidiens, de renforcer les liens sociaux et de passer des moments inoubliables, pour revenir plus fort. »
Pause à l’ombre d’un bosquet près du bassin de Neptune
Quelques heures avant la visite du musée, les Charentais avaient profité d’une croisière en navette sur la Seine, le matin ; mais ce qui ressort spontanément quand ils en discutent entre eux est la gentillesse de leur chauffeur de car : dans la capitale, il « est passé juste pour nous faire plaisir auprès de la tour Eiffel, de l’Arc de Triomphe et nous a fait descendre les Champs-Élysées, alors que ce n’était pas prévu », se rappellent joyeusement Janas et sa mère au cours d’une pause à l’ombre d’un bosquet près du bassin de Neptune. Après le déjeuner, Laetitia n’a pas pu tout de suite repartir à la découverte des jardins de Lenôtre, parce que la marche du matin avait réveillé des douleurs aux pieds.
Le séjour avait commencé le jeudi 28 mai par une journée à Disneyland Paris où ils ont retrouvé 600 autres personnes aidées par le Secours populaire venues de différentes régions. Laurent, le père de famille, s’est bien amusé mais n’est pas habitué aux manèges à sensations : « Je fermais les yeux, tellement c’était rapide ». Ses enfants ont au contraire recherché ces attractions. « On a tellement crié que je n’ai plus de voix aujourd’hui », souffle en riant Janas à la fin du pique-nique.

Dans les parterres du Roi-Soleil, la température est déjà celle d’un chaud mois de juillet. En milieu d’après-midi, les peaux ont légèrement rougi. Les t-shirts se font plus collants. S’approchant d’une fontaine, les familles de Magali et Céline viennent de remonter l’allée royale qui relie le grand canal au château et ses dépendances. « On vient de faire un grand tour et on a pris le temps de déguster une glace, maintenant on va se rafraîchir », lance Céline, entourée de son mari et de leurs filles Colinne, 11 ans, et Clémence, 8 ans, toutes les deux avec de belles casquettes roses pour les protéger.
Cette dernière regarde les grands espaces arborés et géométriques, tout en confiant qu’elle est très contente d’être venue à Paris parce qu’elle voulait voir depuis longtemps la tour Eiffel. À leurs côtés, Magali et ses fils Noa et Léo, l’ainé, se sont assis sur le parapet de la Fontaine du Point du Jour. Serveuse à l’origine, « j’ai dû m’arrêter de travailler parce que les horaires ne sont pas compatibles » : elle élève seule ses cinq enfants, alors que l’un de ses fils nécessite beaucoup de soins. Alors ce séjour, elle le savoure. « J’avais vraiment besoin de souffler, d’un moment de détente. »
« Lundi, on reprend le travail », lance en souriant Laetitia
« Lundi, on reprend le travail », avait lancé en souriant Laetitia, une heure avant, comme un retour à la réalité. La mère de famille fait les vendanges, tandis que son mari Laurent « travaille la vigne ». « Ça n’a rien à voir. C’est pas les mêmes contrats, pas les mêmes gestes, pas le même métier », dit-elle, fière de leurs professions. Son mari fait la taille de la vigne et le relevage du bois avant les vendanges « pour éviter que les grappes fassent ployer les branches et ne finissent par pourrir à terre », précise ce dernier.
En cette année exceptionnelle des 80 ans de l’association, « le Secours populaire se mobilise plus que jamais pour faire partir les personnes privées de vacances », souligne Marion Jaffart, cheffe de projet accès aux vacances et villages « Copain du Monde ». D’innombrables temps de détente et de loisirs organisés par les bénévoles sont prévus cet été, dans toute la France et au-delà des frontières : Journées bonheur, séjours en famille, accueils en familles de vacances, séjours intergénérationnels, villages d’enfants « Copain du Monde » ou encore une Journée « de ouf » des oubliés des vacances, le 20 août, qui réunira 80 000 enfants privés de vacances et leurs parents à Paris. Pour leur part, Colinne, Clémence, Noa, Léo, mais aussi les enfants de Laurent et Laetitia sont repartis avec des souvenirs plein la tête.