Émanciper
Solidarité internationale : changer les vies et les regards

Tout au long de l’année, les bénévoles du Secours populaire collectent pour financer des projets de solidarité internationale, dans environ 80 pays du monde en lien avec quelque 200 partenaires étrangers, afin de soulager la détresse partout dans le monde. Dans le même temps, ils promeuvent, là où ils s’engagent partout en France, les valeurs humanistes liées à cette solidarité sans frontière. Et s’inscrivent ainsi fidèlement dans la démarche d’éducation populaire du Secours populaire.
Quand, en 1945, les membres fondateurs du Secours populaire en rédigèrent les statuts, ils s’attachèrent à rappeler, dès l’article 1, que le but de l’association était inséparable de son esprit. Que fin et moyens étaient nécessairement liés. Ainsi, la pratique de la solidarité, qui est l’objet unique du Secours populaire, doit s’effectuer « dans l’esprit de la Déclaration universelle des droits de l’Homme ». Et, s’il rassemble toutes les personnes de bonne volonté, il doit veiller « à développer, avec elles, la solidarité et toutes les qualités humaines qui y sont liées ».
Là est la démarche d’éducation populaire du Secours populaire : la solidarité change la vie de celui qui la reçoit, en ceci qu’elle est irremplaçable, mais elle change aussi le regard sur le monde de celui qui la pratique. Le Secours populaire œuvre pour le développement humain en même temps que pour la lutte contre le racisme et tous les préjugés, car il vient en aide à toutes les victimes, sans exception. Basée sur la construction d’une relation d’égal à égal et sur l’objectif de redonner aux personnes en difficulté le pouvoir d’agir sur leurs destinées, d’édifier elles-mêmes leur avenir, il cultive les valeurs humanistes, offre au monde un autre modèle que celui du repli sur soi, de l’antagonisme et de la compétition.
L’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale
Quand une catastrophe frappe une population dans le monde, le Secours populaire opère un double mouvement : il enclenche la solidarité avec ses partenaires étrangers et il appelle aux dons et à la mobilisation en France. En cette invitation à agir est recelée son travail historique d’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale (ECSI). L’ensemble des acteurs impliqués dans le secteur définit l’ECSI comme une démarche ayant « pour finalité de favoriser la construction d’un monde juste, solidaire et durable en incitant chacun à s’informer, à comprendre et à agir pour le changement ».

Une démarche de longue date
Depuis des décennies, les bénévoles du Secours populaire, avant même la création en 1992 du mouvement d’enfants et jeunes bénévoles « Copain du Monde » qui amplifiera la démarche, se rend dans les établissements scolaires ou dans les maisons de quartier pour sensibiliser la jeunesse à une solidarité sans frontière et l’inviter à initier des actions de collecte. Quand une fédération invite son partenaire étranger à venir témoigner auprès de ses bénévoles, quand un comité explique aux personnes accompagnées que leur participation financière au libre-service alimentaire sera versée pour les victimes lointaines d’un sinistre ou d’une guerre, quand une antenne installe dans un quartier une exposition sur un projet de solidarité internationale, le Secours populaire est fidèle à sa démarche éducative.
Les villages « Copain du Monde », organisés en France mais aussi dans divers pays du monde, sont des espaces de sensibilisation à la solidarité internationale et d’expérience concrète de l’interculturalité. En incitant chacun à s’ouvrir sur le monde, mieux le comprendre et tenter d’agir sur son cours, il accompagne les personnes de tous âges dans leur émancipation.
Un levier d’émancipation pour les personnes accompagnées
Le soutien de l’Agence française du développement, ces dernières années, dans le cadre d’un projet intitulé LEPP (Levier d’émancipation pour les personnes en situation de pauvreté ou de précarité) progressivement mis en place entre 2020 et 2023 par une douzaine de fédérations départementales pilotes, a été une reconnaissance de ce long travail accompli. Sa démarche, empirique, de sensibilisation à la citoyenneté et à la solidarité internationale, mais aussi de « mise en mouvement » du grand public, des bénévoles ainsi que – et c’est là la singularité et la grande force de cette démarche – des personnes en situation de pauvreté et de précarité accompagnées par le Secours populaire, s’en est trouvée mise en lumière et renforcée. C’est le travail opiniâtre des bénévoles, pour favoriser la construction d’un monde juste, solidaire et durable en incitant chacun à s’informer, à comprendre et à agir pour le changement, qui est ainsi reconnu et salué.
Paroles d’experts
Gianluca Mengozzi,
Responsable des réseaux et de la solidarité internationale d’ARCI & président d’ARCS, partenaires italiens du Secours populaire.

« La solidarité permet de changer des vies à l’autre bout du monde, certes. Mais elle change aussi le regard de ceux qui la pratiquent. Quand nous soutenons un projet aux Philippines, avec les communautés indigènes, de dépollution des eaux souillées par les multinationales américaines et canadiennes, et qu’au final nous parvenons à faire baisser le nombre de maladies infantiles liées à cette pollution, nous sommes bien sûr très heureux. Mais ce n’est pas notre but premier : c’est une conséquence extrêmement positive et nécessaire. ARCI est une association de promotion sociale, non une organisation spécialisée dans la solidarité internationale : notre but premier, c’est l’éducation populaire, c’est d’accompagner notre peuple à changer de regard sur le monde, à le rendre solidaire. L’enfant philippin qui vit dans sa forêt à des milliers de kilomètres, c’est lui qui nous aide ! Il nous aide à changer.
Les projets de solidarité internationale, comme l’accueil des migrants, sont des outils pour nous permettre de voir le monde avec d’autres yeux que les nôtres – avec les yeux de l’enfant philippin ou du réfugié qui vient d’Afrique. Nous n’aidons pas mais sommes aidés par eux, afin de devenir des citoyens meilleurs. C’est à nous de remercier ces populations d’accepter de cheminer avec nous. Sinon, nous sommes seuls au monde, condamnés à regarder le monde de notre petite fenêtre. »
Stéphanie Beney,
Responsable de projet « Éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale » à l’Agence française de développement.

« L’Éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale (ECSI) est une éducation aux grands enjeux mondiaux, visant à faire comprendre que les problèmes du monde sont liés et ne sont pas déconnectés de la situation dans notre pays. Ce que l’on fait ici a forcément un impact plus loin, et inversement. Les défis à relever aujourd’hui – tels que le changement climatique, la perte de la biodiversité, l’alimentation, les inégalités – n’ont pas de frontière ; à ce titre, nous devons les penser de manière collective et coopérer, notamment entre pays du Nord et pays du Sud. Pour aborder la démarche d’ECSI, il est opportun de mobiliser les méthodes de l’éducation populaire, c’est-à-dire de mettre le citoyen au cœur de ses apprentissages, selon un triptyque progressif d’action : d’abord être informé, ensuite comprendre et se forger un regard critique, enfin se mobiliser.
L’effet visé par l’ECSI est de redonner aux citoyens leur pouvoir d’agir, pourfendre le sentiment d’impuissance face au cours et aux enjeux du monde. L’ECSI rappelle que chaque citoyen a un rôle à jouer, au même titre que les états, les entreprises et les ONG. On ne pourra pas résoudre les grands enjeux mondiaux sans le concours des citoyens. D’où l’importance de cette éducation, qui peut se conduire à l’école bien sûr mais aussi dans le cadre de l’éducation non formelle : dans les clubs de sport, les maisons de quartier, les associations, etc. A ce titre, l’action du Secours populaire, avec le dispositif LEPP que l’AFD soutient, mais aussi grâce aux villages “Copain du Monde”, est crucial. »