Salvador : des crises à répétition
Au Salvador, la crise sanitaire déclenchée par la pandémie du coronavirus a provoqué une autre crise profonde : une crise économique qui fragilise durablement des populations déjà vulnérables. La récente catastrophe climatique apportée par les tempêtes tropicales Amanda et Cristobal ne fait qu'aggraver une situation déjà très difficile. Dans ce contexte la solidarité s'organise.
Une crise sanitaire sans précédent
Quand la Covid-19 a commencé de s’abattre sur le Salvador, les association partenaires du Secours populaire sur place se sont aussitôt mobilisées. En effet, la crise sanitaire a révélé la grande fragilité du système de santé salvadorien (les masques et les lits d’hôpital manquent dramatiquement) et la solidarité populaire joue depuis un rôle crucial dans la protection des populations.
Il y a, tout d’abord, MDS (Médecins pour le Droit à la Santé) qui ont mis en place un programme pour doter en kits de protection sanitaire le personnel des services de soins d’urgence de 3 hôpitaux publics de San Salvador (Rosales, Amatepec, Hôpital général). Ce sont au total 325 soignants (médecins, infirmières, etc.) qui ont ainsi pu être équipés et sont en mesure d’accueillir environ 2500 patients infectés par le virus.
L’association salvadorienne MDS distribue aux soignants des hôpitaux des kits de protection sanitaire qui leur permettront d’accueillir les malades du coronavirus (©JM Fouillade / SPF)
Au nord du pays, dans les communautés rurales du département de Chalatengo, l’association Provida développe une vaste action d’aide alimentaire et d’accompagnement sanitaire. Une centaine de familles en grande insécurité alimentaire ont, grâce à la livraison de colis alimentaires à domicile, accès à une alimentation de base durant trois mois. Des produits d’hygiène sont également fournis. A l’occasion de ces livraisons, une sensibilisation sur la prévention de la Covid-19 (gestes barrières, distanciation physique, etc.) est effectuée.
Livraison de colis alimentaires pour les populations vulnérables du département de Chalatenango, Salvador (©JM Fouillade / SPF)
Dans la commune de Comasagua, au sud du pays, la coopérative agricole Canasta Campesina, en lien avec l’Unité de santé locale, a impulsé un ample mouvement de solidarité. Une campagne de sensibilisation permet de toucher l’ensemble des familles de cette commune du département de La Libertad, à travers la diffusion de spots informatifs dans les communautés sur les mesures à prendre pour se prévenir du virus, ainsi que de dépliants éducatifs remis aux familles et dans les transports publics. Auprès des familles paysannes les plus vulnérables se sont organisées des distributions de 400 kits d’alimentation et d’hygiène.
Une pauvreté accrue
« Il y a, déclenchée par cette crise sanitaire sans précédent, une crise économique terrible ; c’est en quelque sorte la crise dans la crise » éclaire Jean-Michel Fouillade, chef de projet du Secours populaire au Salvador. 50% des travailleurs salvadoriens vivent de l’économie informelle et, ne pouvant sortir en raison du confinement strict qui règle le pays, ne sont plus en mesure d’exercer leur activité et se retrouvent sans ressources. De plus, la diaspora salvadorienne (vivant essentiellement aux Etats-Unis), frappée elle aussi par la crise, n’est plus en capacité d’adresser à la famille restée au pays la « remesa » (l’envoi d’argent). Pour beaucoup de familles, l’accès à l’alimentation est devenu très difficile – c’est pourquoi, pour Provida comme pour la Canasta Campesina, l’aide alimentaire a naturellement accompagné l’accompagnement sanitaire.
C’était chose naturelle pour la Canasta Campesina, coopérative agro-écologique, qui place au cœur de sa pratique une démarche respectueuse des hommes et de leur environnement. Les membres de la Canasta Campesina sont d’ailleurs épargnés par cette crise économique liée à la Covid-19. « Ses membres, essentiellement des jeunes et des femmes, produisent pour leurs besoins une alimentation diversifiée et dégagent des revenus avec les surplus, vendus sous formes de paniers paysans », rappelle Jean-Michel Fouillade. « La coopérative est connue sur le territoire et reconnue pour la qualité et l’efficacité de son action », poursuit-il. Aussi, quand une troisième crise, climatique celle-ci, est venue frapper le pays, la Canasta Campesina a, une fois encore, joué un rôle fondamental.
La tempête tropicale Amanda
Le Salvador est le pays le plus durement touché par les ouragans Amanda et Cristobal qui sont venus endeuiller plus encore l’Amérique Centrale : le bilan temporaire est de 27 morts et 30000 familles touchées par la catastrophe. L’état d’urgence est déclaré et 9000 personnes (dont plus de 3200 dans le seul département de La Libertad) ont d’ores et déjà été relogées dans des abris provisoires. Plusieurs hectares de cultures (maïs haricots, riz, légumes, fruits) sont déjà perdus et les glissements de terrain, se comptant par centaines, rendent les voies routières impraticables. « Dans le respect des règles sanitaires et de sécurité imposées par le confinement, et en composant avec ces contraintes, nous avons impulsé la solidarité », confie Jean-Michel Fouillade. « Nous avons lancé un appel aux bonnes volontés auprès de l’ADFE (l’Association des français à l’étranger) afin de pouvoir constituer des brigades de déblaiement des routes. De nombreux salvadoriens, en grande partie des jeunes, se sont également mobilisés au sein de ces brigades qui abattent un travail considérable, complexifié par le manque total de machines », poursuit Jean-Michel Fouillade. Les besoins sont immenses (l’eau, l’alimentation et les vêtements, les produits d’hygiène ainsi que de construction tels la tôle manquent cruellement) et, sous l’impulsion de la Canasta Campesina, la solidarité s’organise : ses membres se mobilisent bénévolement et les dons sont recueillis auprès de son réseau d’acheteurs et de partenaires. « Cette crise a révélé que la Canasta Campesina était solide et reconnue dans le pays. Elle a su sensibiliser des entreprises et des particuliers épargnés par la crise à exprimer leur solidarité » constate Jean-Michel Fouillade. En même temps que ces actions d’aide d’urgence pour mettre à l’abri et pourvoir aux besoins premiers des populations les plus vulnérables, la relance des activités agricoles est déjà envisagée par la coopérative.
L’ampleur des dégâts occasionnés par les tempêtes tropicales Amanda et Cristobal en Amérique Centrale se découvre d’heure en heure. Outre le Salvador, le Honduras ainsi que le Guatemala et le Mexique sont touchés. Dans ce dernier pays, le partenaire du SPF Muuch Kambal a lui aussi lancé un appel aux dons financiers ainsi que matériels (bâches, produits alimentaires, couches, serviettes hygiéniques et lait) pour soutenir les populations de la région d’Hopelchen. D’ici novembre 2020, en raison du dérèglement climatique, d’autres ouragans sont à craindre, préviennent les météorologues américains du Centre National des Ouragans. Ces prévisions sinistres ne font que souligner le rôle indispensable, irremplaçable, de l’entraide et de la solidarité.
