La solidarité mondiale tisse sa toile

Mis à jour le par Pierre Lemarchand
Kasandra, membre de la coopérative La Canasta Campesina, lors de sa venue en France en septembre 2022. Avec des femmes maraichères malienne de l’association Amscid, ainsi que des personnes aidées et bénévoles qui cultivent le jardin solidaire du Secours populaire à Clermont-Ferrand, cette paysanne salvadorienne a échangé savoir-faire et expériences.
Kasandra, membre de la coopérative La Canasta Campesina, lors de sa venue en France en septembre 2022. Avec des femmes maraichères malienne de l’association Amscid, ainsi que des personnes aidées et bénévoles qui cultivent le jardin solidaire du Secours populaire à Clermont-Ferrand, cette paysanne salvadorienne a échangé savoir-faire et expériences. ©Christophe Da Silva/SPF

Si le Secours populaire apporte la solidarité dans une cinquantaine de pays chaque année, c’est qu’il sait pouvoir compter sur plus de 150 partenaires à l’étranger, dont 131 furent mobilisés sur la seule année 2021. Ce réseau d’associations, unies par les mêmes valeurs, se nourrit des expériences partagées. En résulte la possibilité d’un apprentissage mutuel ainsi que la définition de stratégies communes.

Le 6 février 2023, la Turquie et de la Syrie étaient ravagées par des séismes qui ont coûté la vie à près de 50 000 personnes et fait perdre leur abri à des centaines de milliers de familles. Le Secours populaire s’est aussitôt mobilisé. En rappelant les fondements de son action internationale, qui sont les mêmes que lorsque sa solidarité s’exprime à l’intérieur de nos frontières. A savoir que les premiers acteurs de l’aide sont les populations elles-mêmes, qu’elles soient victime de la pauvreté, l’injustice sociale ou les catastrophes. « Faire avec plutôt que pour » ; en cette formule toute simple réside l’ampleur du projet du Secours populaire. Plutôt que l’assistance : l’alliance, c’est-à-dire des liens tissés avec un réseau de partenaires locaux qui connaissent mieux que quiconque le territoire. Aussi, le SPF n’a pas de personnel expatrié. Et n’organise pas de convois de matériels depuis la France mais privilégie les achats sur place, plus adaptés aux besoins des populations et en coïncidence avec leur culture, plus économiques, plus respectueux de l’environnement aussi. Le Secours populaire appelait ainsi, à l’occasion de son congrès national en 2021 à Lyon, à « [construire] ensemble une solidarité populaire, durable et planétaire ». Agir avec des associations locales, c’est aussi l’assurance de pouvoir demeurer aux côtés des populations sur le long terme ; dans la foulée de l’action d’urgence sont alors posés les jalons de l’accompagnement, de l’accès ou du retour à l’autonomie, du développement humain.

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Un apprentissage mutuel

Aujourd’hui, le Secours populaire fait vivre la solidarité dans environ 80 pays car il sait s’appuyer sur un réseau de plus de 150 partenaires. En 2021, il a conduit avec 131 d’entre eux quelques 192 programmes, rayonnant de l’urgence aux activités génératrices de revenus, en passant par l’accès à l’éducation, aux soins, à l’eau ou à une alimentation sûre et saine. Chacun de ces programmes s’appuyant sur la spécificité, l’expérience et les objectifs de chaque association ou organisation locale.

Les liens entre le Secours populaire et ses partenaires se nourrissent de ces actions réfléchies et conduites ensemble, mais aussi de rencontres et de partages d’expériences. Cet apprentissage mutuel se retrouve par exemple au cœur du projet des villages « Copain du Monde », où des enfants de pays différents se retrouvent pour partager des temps de loisirs et échanger sur la solidarité, ainsi qu’imaginer des actions concrètes pour construire un monde plus juste. Lors des congrès nationaux du Secours populaire, de ses grandes manifestations telles le Festival des Solidarités de la jeunesse, ses partenaires sont toujours invités et associés aux travaux et festivités. Cet apprentissage mutuel a aussi irrigué la Rencontre de la jeunesse à Ramallah en décembre dernier, où jeunes Européens et Palestiniens ont appris à se connaître, ont confronté leurs visions de la solidarité et leurs idées pour développer celle-ci. Puis lancé un projet de soutien aux centres de formation et d’accompagnement de la jeunesse de notre partenaire palestinien HDIP. Il a enfin traversé les échanges nourris entre les paysannes salvadoriennes de la coopérative la Canasta Campesina, expertes en cultures vivrières, et les maraichères maliennes de l’Amscid qui se sont rencontrées en France, sur l’invitation du Secours populaire, à l’automne 2022. Kasandra pouvait y confier à Coumba ses savoir-faire quant à la préparation d’engrais et de composts biologiques, ou comment les Salvadoriennes savent irriguer toute l’année avec une saison sèche de six mois. Les échanges se sont poursuivis dans le Puy-de-Dôme, avec les personnes aidées et les bénévoles qui cultivent le jardin solidaire du Secours populaire à Clermont-Ferrand. Pour relever les défis que pose le réchauffement climatique, pour embrasser l’espoir d’une souveraineté alimentaire, la coopération entre acteurs du monde rural est cruciale. D’autant plus qu’une grande partie de la population mondiale est menacée par la faim depuis l’invasion de l’Ukraine et l’embargo commercial qui ont tari les flux de céréales et d’engrais de la Mer Noire.

Une stratégie commune

Depuis un an, et la guerre qui sévit en Ukraine, déchire les familles et déplace les populations, les partenaires européens qui s’engagent avec le Secours populaire pour venir en aide aux victimes civiles se sont constitués en un réseau. Son objet est de construire une stratégie globale pour apporter plus et mieux encore la solidarité aux populations victimes du conflit en Ukraine, ainsi qu’en trouver les moyens financiers. « Nos associations apportent leur soutien au peuple ukrainien chacune à sa manière et nous pouvons ainsi partager nos expériences complémentaires et développer une stratégie commune », témoigne Sergo Kuruliszwili, directeur de PKPS, partenaire polonais du Secours populaire et un des membres du Réseau Solidarité Ukraine[1]. « Nous avons tout simplement décidé d’unir nos efforts, de nous soutenir pour mieux soutenir le peuple ukrainien », complète-t-il.

Les premières denrées alimentaires, les premières couvertures et vêtements chauds que les sinistrés d’Alep et de Latakia en Syrie ont reçu de la part du Secours populaire leur ont été remis par les jeunes volontaires de son partenaire libanais, DPNA. La solidarité aux sinistrés turcs d’Adana, rescapés du même séisme de février 2023, a été apportée par une autre association basée au Liban, Besme. Toutes deux font partie du Réseau euroméditerranéen de la solidarité, conduit par le Secours populaire et regroupant ses partenaires sur cette zone.   Dans le geste des jeunes volontaires de DPNA, dans celui des bénévoles turcs et libanais de Besme, réside toute l’ambition du Secours populaire : impulser une solidarité mondiale où chacun est pleinement acteur, dans une relation d’égal à égal, au plus près des humains. Plutôt qu’exporter la solidarité, la mettre en mouvement, la cultiver partout où les besoins s’expriment et l’espoir demeure.

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[1] Outre le Secours populaire et PKPS, on y retrouve Magic (Roumanie), Millenium (Moldavie), Four-lead Clover (Ukraine), ARCI-ARCS (Italie) et DPNA (Liban).

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