Protéger

  • Aide au logement

Rentrée scolaire et universitaire : les bénévoles se démènent

Mis à jour le par Olivier Vilain
La rentrée scolaire rime avec galère pour les catégories populaires et, dans ces temps de forte inflation, pour les couches moyennes aussi. Heureusement, les bénévoles ont anticipé, aux côtés des familles.

+4 % et +6 %... C’est la hausse des coûts que doivent assumer des parents pour, respectivement, l’entrée de leur enfant au collège et à l’université. Une charge impossible à assumer quand les revenus ne suivent pas dans une période d’inflation record. C’est pourquoi les bénévoles font tout ce qui est en leur pouvoir pour alléger ce choc sur le budget des familles : fournitures scolaires, coupes de cheveux gratuites, accompagnement scolaire, inscription à une discipline sportive et même dons d’ordinateurs… Ils continueront leur effort tout au long de l’année.

Après les élèves qui ont fait leur rentrée en septembre, c’est au tour des étudiants et des étudiantes de faire la leur, entre la mi-septembre et début octobre. Les associations familiales et de consommateurs alertent sur la situation. Pour sa 38e enquête annuelle, Familles de France a calculé le coût des fournitures scolaires pour un enfant qui entre au collège : il est en hausse de 4,25 % et atteint un peu plus de 208 €, en moyenne, principalement à cause des articles de sport (environ 55 €). Réalisée avant la rentrée, l’enquête ne prend pas en compte la hausse des prix dans la papeterie (environ 50 €), une fois écoulés les stocks constitués avant la hausse des prix de cet été. Pour les étudiants, la hausse est encore plus forte (6,5 %), comme le rapporte l’étude annuelle de l’UNEF, voire même plus de 7 %, comme le calcule le 20e indicateur du coût de la rentrée de la FAGE.

En 2021 déjà, les 21 permanences étudiantes tenues par les bénévoles du Secours populaire ont reçu 21 000 jeunes poursuivant leurs études dans une situation précaire, voire même ultra-précaire. A Metz, « durant l’année universitaire qui s’est achevée, nous avons aidé 600 à 700 étudiants, avec une moyenne de 70 par distribution alimentaire. Mais cette année, j’ai peur qu’on soit sur des chiffres plus importants », s’inquiète Christian Forfel, responsable de l’aide aux étudiant à la fédération de Moselle du Secours populaire. Il s’attend à une forte répercussion de la hausse du coût de l’énergie, de celle de l’alimentation ou encore des loyers. « Après avoir payé de quoi dormir au chaud, il ne leur reste plus grand-chose. Même pour ceux qui travaillent à côté, ça leur fait un petit pécule mais comme tout augmente… »

Les étudiants « passent outre » la honte

Autre signe pour lui : 40 étudiants se sont pressés à une distribution de lait, le mercredi 21 septembre. Christian et une équipe de bénévoles étaient venus avec la camionnette du Solidaribus sur le site principal de la faculté de Metz : « 40 en deux heures, c’est beaucoup pour une première distribution. » Le dernier élément qui inquiète Christian est le changement brutal de la composition des étudiants qui demandent de l’aide. Avant, c’était à 95 % des étudiants étrangers. « Là, la moitié était des étudiants français. Certains étudiants n’osaient pas venir, pour éviter les effets de réputation. Là, ils sont dans une telle situation de besoin qu’ils passent outre. »

La précarité en chiffres clés

Sur 5 ans, l’augmentation du coût de la vie étudiante atteint près de 17 %


« La vie n’est pas facile quand on voit ses enfants tous les jours avec les mêmes chaussures pleines de trous », relève Edith, qui a 4 garçons et filles, qui font leur rentrée scolaire comme des millions d’élèves. « Même avec les soldes, c’est compliqué. Même avec les soldes ! Il faut toujours se battre, mais cette année je n’arrive plus à sortir la tête de l’eau avec la hausse des factures », soupire la jeune femme qui recherche un emploi, de stages en petits boulots, depuis la faillite de son commerce il y a déjà plusieurs années à Poitiers.

Forte chute des « revenus réel » en début d’année

Les prix avaient déjà décollé depuis la fin de l’année 2021 à la difficile reprise du système mondial de production suite à la pandémie ; et depuis l’invasion de l’Ukraine, ils s’envolent : transport, énergie domestique, alimentation… Les hausses sont telles que les revenus réels des ménages ont chuté de près de 2 % au printemps. La rareté de ce phénomène permet de mesurer la violence de l’épisode en cours, en particulier sur les familles des milieux populaires. Pour ces dernières, la rentrée est traditionnellement un moment compliqué. Cette année, c’est même l’angoisse.

Les bénévoles du Secours populaire français, qui accompagnent ces familles, ont anticipé. « L’école est finie, écrivaient ceux de la fédération du Calvados, début juillet, mais déjà les parents préparent la rentrée de septembre avec les listes de fournitures scolaires en main. » Déjà les opérations de collecte de fournitures scolaires étaient organisées pour aider les familles « à dépenser moins et à ce que tous les enfants aient leur cartable bien complet ».

Pour la rentrée. Pour le cartable, les fournitures. Ça m’aide bien parce que c’est dur (…). Les ados veulent toujours du nouveau

Estelle, qui fait face à une forte baisse de revenus

En Normandie, les rendez-vous étaient donnés devant les magasins Carrefour dès la mi-juillet ; en Gironde, c’était du côté d’Auchan, fin août. Au comité de Bessancourt, dans le Val-d’Oise, cahiers, stylos, chemises, classeurs étaient collectés devant le Super U pour « les enfants des familles aidées de Bessancourt, Beauchamp, Frépillon, Bethmont ». Partout, les bénévoles reprennent « sur les chapeaux de roues ».

A Penmarch, « en plein pays Bigouden », François et l’équipe de bénévoles qui l’entoure ont tout prévu. « Nous avons distribué dès juillet des bons d’achat pour faciliter la rentrée scolaire de 33 enfants des 47 familles que nous aidons. La rentrée, nous la préparons en amont. Les gens l’attendent chaque année, d’ailleurs », explique-t-il. Les bons vont de 25 € pour un élève de primaire à 100 € pour un lycéen. « On peut aller jusqu’à 300 € pour un ou une étudiante, ça sert d’aide à l’installation car les facs sont loin. » Estelle a reçu un bon de 50 €, en juillet. « Pour la rentrée. Pour le cartable, les fournitures. Ça m’aide bien parce que c’est dur de dire ‘‘non’’ à tout car les ados veulent toujours du nouveau. »

+6 % et même +7%... C’est la hausse des coûts que doivent assumer les étudiants, selon deux études menées par leurs syndicats. L'inflation se fait fortement ressentir pour ces jeunes qui ont déjà payé un lourd tribut avec la crise sanitaire.+6 % et même +7%… C’est la hausse des coûts que doivent assumer les étudiants, selon deux études menées par leurs syndicats. L’inflation se fait fortement ressentir pour ces jeunes qui ont déjà payé un lourd tribut avec la crise sanitaire.


Les familles serrent le budget école au maximum

Ce coup de pouce est bienvenu, « ça m’arrange », dit Estelle, qui a réussi à faire des économies avec un reste de fournitures achetées l’année dernière. « Obligée, car j’avais la réparation de la voiture, un vrai coup dur, même si j’essaie de faire le moins de trajets possibles, mais il y a quand même les courses à faire, les consultations médicales, et pendant les vacances, il y a beaucoup moins de bus, c’est vraiment pas pratique. »

De son côté, la Confédération syndicale des familles établit que l’allocation de rentrée scolaire parait suffisante dans les petites classes mais n’aide pas suffisamment les familles au fur et à mesure que le cursus de l’enfant s’allonge et est, dans tous les cas, insuffisante pour les enfants porteurs de handicaps et ceux en filière professionnelle. Surtout, bien que revalorisée cette année à un niveau proche de l’inflation, cette allocation doit amortir toute l’année les coûts liés à la scolarité et pas seulement en septembre.

Il est vieux. Il rame. Il a au moins 13 ans. Nous n’avons pas les moyens d’en acheter un nouveau.

Laëtitia, agricultrice, qui élève 5 enfants

Dans son enquête, l’association montre que les parents ont tout fait pour diminuer les coûts de la rentrée, car tous les autres postes sont passés dans le rouge. « L’augmentation des prix, on la sent, c’est clair, observe Laëtitia, agricultrice près de Dinan. On est passé d’un plein de gazole à 70 € et là c’est 100 €. Mais bon, pas le choix, faut aller au travail, emmener les enfants au bus pour qu’ils aillent au lycée et amener mon primaire à l’école. » Avec son mari, lui aussi agriculteur, le couple ne gagne même pas un smic à deux. « Les factures, on paie en priorité les assurances pour les voitures, l’eau, l’EDF. Mais on est obligés d’en mettre de côté, même avec le complément apporté par les allocations familiales et le RSA. »

Le Secours populaire va offrir un ordinateur à Laëtitia, qui va servir à ses 5 enfants. « Dès le collège, les enfants ont beaucoup de recherche à faire, ainsi que du traitement de texte. » L’année dernière, l’un des enfants a dû rédiger son rapport de stage de 3e sur l’unique ordinateur de la famille. « Il est vieux, il rame, mais il rame. Il a au moins 13 ans, et nous n’avons pas les moyens de nous acheter un nouveau. Alors le nouvel ordinateur apporté par le Secours populaire et les explications données par les bénévoles sur son fonctionnement, ça nous aide beaucoup ! »

A la note de la rentrée s’ajoute depuis le premier confinement des achats d’ordinateurs, comme le relèvent les enquêtes de consommation. Du matériel hors de portée des personnes aidées par le Secours populaire. C’est pourquoi, à Penmarch, François et les autres bénévoles ont offert une douzaine d’ordinateurs. Ils ont pour cela utilisé un chèque de 10.000 € « d’une donatrice qui avait reçu un héritage et qui souhaitait que cela serve à la jeunesse, tout en restant anonyme ».

Le soutien des bénévoles dure toute l’année

Estelle en a reçu un, fin juillet. « Il va servir pour ma fille Anna qui entre en 3e. Elle va avoir beaucoup de recherches à faire sur Internet pour ses cours, sur les plantes, les animaux, l’histoire, etc. » Pour le moment, la mère de famille ne peut pas reprendre son travail en grande surface parce qu’elle est « depuis déjà pas mal de mois » en arrêt pour maladie professionnelle. « C’est clair que ce n’est pas avec mes indemnités journalières que j’aurais pu payer un ordinateur à ma fille. »

Le coût de la rentrée dépasse les fournitures scolaires. Il faut des vêtements pour les petits qui poussent et pour les plus petits budgets, même une coupe de cheveux devient hors de portée. « Payer 15 à 20 € par enfant quand vous en avez cinq, en plus des autres dépenses pour être prêt le jour de la rentrée, ça n’est pas possible », remarque Laura du comité de Nœux-Les-Mines, dans le Pas-de-Calais. Or, tous les enfants ont le droit de se sentir bien en entrant à l’école. C’est pourquoi le comité, qui a déjà « fait les fournitures scolaires, en juillet pour que les familles partent tranquilles cet été », a invité 16 enfants pour un atelier coiffure, le 29 août. Ils ont bénéficié des soins des coiffeuses bénévoles qui officient plusieurs années auprès des familles confrontées à la pauvreté et à la précarité. « On le refera pendant les vacances scolaires. »

Le soutien autour de la scolarité ne s’arrête pas à la rentrée. Septembre est aussi le mois du retour des groupes d’accompagnement scolaire. Les petits sont ainsi soutenus par des bénévoles pour apprendre leurs leçons mais aussi pour faire des sorties culturelles tout au long de l’année. Et comme chaque année, les comités accueillent volontiers les bénévoles désireux de s’engager dans ce domaine riche en émotions. Le Secours populaire accompagne aussi les enfants dans le domaine du sport, offrant des licences et du matériel adapté. Les bénévoles véhiculent aussi les petits jusqu’aux clubs. Bref, tout ce qu’il faut pour que la pratique sportive soit la plus démocratique possible.

La 16e édition du baromètre Ipsos / Secours populaire met en lumière la difficulté pour une grande partie de la population de subvenir à ses besoins en pleine flambée de l’énergie et de l’alimentation.

 

La 16e édition du baromètre Ipsos / Secours populaire met en lumière la difficulté pour une grande partie de la population de subvenir à ses besoins en pleine flambée de l’énergie et de l’alimentation.