Mali : Sur les terres inondées, semer la solidarité

Mis à jour le par Pierre Lemarchand
Dans le cercle de Yelimane, des villageois contemplent l'étendue des dégâts causés par les inondations - Août 2020

De terribles inondations ont meurtri, cet été 2020, plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest. Au Mali, grâce à deux associations partenaires implantées dans les régions de Yélimané et San, le Secours populaire peut venir en aide aux populations sinistrées.

Cet été, l’Afrique de l’Ouest a été battue par des pluies torrentielles. Selon l’OCHA (le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies), celles-ci auraient provoqué de fin mai à début septembre, au seul Mali, ce bilan désastreux : 16 morts et 25 blessés, plus de 50 000 sinistrés et 7 000 tonnes de céréales détruites.

« Oui, les inondations qui ont frappé le Mali ont provoqué malheureusement beaucoup de dégâts. Les populations du Sénégal et du Niger ont été touchées également ; ces dernières n’avaient pas vu autant de pluie depuis près de 50 ans. La cause en est le changement climatique », déplore Bassirou Diarra, président de l’association AMSCID (Association malienne de solidarité et de coopération internationale pour le développement).

Le cercle de Yélimané

L’AMSCID est un partenaire historique du Secours populaire au Mali. La coopération entre les deux associations s’ancre dans le cercle de Yélimané (au sud-ouest du pays), au début des années 80, par la construction d’une maternité́ puis par la mise en place d’une coopérative agricole : ce sont les prémices d’un partenariat qui ne faiblira plus (programmes d’adduction d’eau, construction d’un centre de santé communautaire, etc.). 

Depuis le début des années 2000, ces liens tissés s’incarnent en un vaste programme d’aménagement de jardins maraîchers irrigués. Les femmes, principales actrices du projet, disposent d’un puits, de matériel et de semences agricoles ; elles bénéficient également de formations en culture et en gestion. Parallèlement à ce vaste programme de sécurité alimentaire et d’émancipation économique des familles, l’AMSCID intervient régulièrement lors de situations d’urgence. Là encore, le Secours populaire, indéfectiblement, se tient à ses côtés. 

Un pays fragilisé

Depuis que des affrontements entre rebelles armés et forces gouvernementales ont éclaté dans le nord du pays en 2012, la situation humanitaire du Mali est catastrophique. 150 000 personnes se sont réfugiées dans les pays avoisinants et on compte 230 000 déplacés à l’intérieur même du pays. De nombreuses infrastructures (écoles, hôpitaux, etc.) ont été vandalisées. A cette crise politique et sécuritaire s’ajoute une crise alimentaire récurrente due aux sécheresses qui sévissent dans le pays.

Dans ce pays fragilisé et malmené, les situations d’urgence se multiplient. Et c’est, à nouveau, le cas aujourd’hui, avec les récentes inondations qui ont meurtri le Mali : « Dans le cercle de Yélimané, de très nombreux villages ont été touchés, des maisons ont été complètement englouties. La route principale qui relie les villages à la capitale régionale, Kayes, a été détruite en plusieurs points : les populations sont à présent enclavées. Les inondations cette année n’ont pas fait de quartier… », témoigne Bassirou Diarra.

Des efforts réduits à néant

« Nous n’aurons pas les moyens de venir en aide à toutes les familles sinistrées, continue le président de l’AMSCID. Nous identifions en ce moment les familles qui ont tout perdu, y compris leur maison. Certaines avaient commencé à semer, à cultiver : leurs efforts sont réduits à néant. Il nous faut préparer l’après-hivernage (l’hivernage, ou saison des pluies, s’étend au Mali de juillet à septembre, ndlr). Certaines zones de décrues seront à nouveau cultivables. Nous allons fournir aux familles des semences : du maïs, du mil, du riz et de l’arachide. Mais d’abord, il y a l’aide alimentaire d’urgence. Beaucoup de greniers sont partis avec l’eau : dans certaines zones, il n’y a plus de stocks de céréales. Les familles doivent pouvoir se nourrir ! »

Le cercle de San

Destruction des cultures et des semences, perte des stocks de nourriture permettant aux populations de s’alimenter pendant la période de soudure, destruction des maisons et des routes : c’est cette même description, dramatique, que fait Mohamed Cissé, président de l’association AP-SPF, basée elle aussi dans le sud-ouest du pays, mais dans le cercle de San. L’AP-SPF est le partenaire de la fédération du Secours populaire du Loiret, qui développe depuis une quinzaine d’années des actions de solidarité dans cette région du Mali. Construction de bâtiments pour le bétail, construction et équipement d’une salle informatique pour un centre d’apprentissage : voici quelques exemples des liens fructueux noués au fil des années. 

Une augmentation de la misère

L’AP-SPF a alerté le Secours populaire du Loiret sur la situation du village rural de Nenesso, où les périmètres maraîchers de la coopérative agricole de femmes ont été totalement inondés. 

« Le 11 aout, une grande pluie s’est abattue dans le cercle de San faisant des dégâts dans de nombreux villages. Les inondations ont occasionné des dégâts comme l’effondrement des maisons, plusieurs hectares de champs dévastés, des matériels, animaux domestiques et volailles emportés et, surtout, certains greniers de céréales, ainsi que certaines latrines, détruits par les eaux », décrit Mohamed Cissé. 

Le président de l’AP-SPF continue son récit : « Le 13 août, nous nous sommes rendus dans des villages sinistrés. Des femmes y faisaient la lessive et la vaisselle avec des eaux usées. Certains puits dépourvus de margelle ont été submergés, ce qui occasionne un danger de noyade pour les humains comme les animaux. Les inondations ont causé une augmentation de la misère des populations, en raison de la famine et des maladies liées à l’eau, le tout dans un contexte où la Covid-19 a fait ralentir, voire a arrêté, certaines activités économiques comme la tenue des foires hebdomadaires. »

Une réunion dans le village

A Nenesso, les dégâts sont immenses. Le jardin communautaire exploité par les femmes du village a été totalement submergé avec son contenu de légumes ; les six puits du village sont sous les eaux ; les habitations de 40 familles ont été détruites ; 155 hectares de champs de sorgho, de petit mil et de maïs ont été inondés. 

L’AP-SPF a fait se tenir une réunion dans le village, avec le maire et la chefferie traditionnelle, les 80 femmes du jardin communautaire et les 40 chefs de famille aux concessions détruites. Un vaste programme de reconstruction a alors été décidé et chiffré, auquel le Secours populaire du Loiret contribuera. L’idée maîtresse de ce programme : réhabiliter et sécuriser, afin d’être mieux préparé, à l’avenir, à de tels déluges. Par exemple, les puits seront reconstruits avec de plus grandes margelles, les logements seront reconstruits sur un terrain surélevé mis à disposition par le village, le jardin communautaire sera équipé de solides clôtures. 

Les risques de famine

Mais, dans l’immédiat, l’urgence est la même que dans le cercle de Yélimané, et formulée par Mohamed Cissé en des termes identiques à ceux de Bassirou Diarra : « Les risques de famine en 2021 sont déjà perceptibles. A Nenesso, 800 personnes sont en précarité alimentaire dès ce mois d’août, en raison de l’inondation des champs : il faudra attendre un maximum de six mois pour une reprise de la culture maraichère dans le jardin. L’effondrement des greniers céréaliers qui contenaient les maigres réserves de vivres a exposé encore plus la population du village à l’insécurité alimentaire. »

Mali : Sur les terres inondées, semer la solidarité

Dans le cercle de San, les familles sinistrées du village inondé de Nenesso ont reçu des kits alimentaires et sanitaires – Septembre 2020

 

La solidarité en marche

Début septembre, le Secours populaire du Loiret a débloqué un fonds de 2000 €, aussitôt transformé en kits alimentaires et sanitaires d’urgence distribués aux familles sinistrées de Nenesso. 100 kg de mil, du savon, des moustiquaires et de l’eau de javel pour désinfecter l’eau leur ont été remis. Dans le même temps, Bassirou Diarra était en France, réfléchissant avec les équipes de l’association nationale du Secours populaire à un programme d’action, qui se déclinera en un premier temps, là aussi, en la remise de kits alimentaires (huile, sucre, céréales, etc.) pour les familles du cercle de Yélimané les plus démunies. 
 

La chaine de solidarité redonne espoir de vivre aux populations de Nenesso, si loin mais proches de vous par les cœurs et les esprits. (Mohamed Cissé) 

La solidarité est en marche, se déployant grâce à l’ancrage sur le terrain des partenaires du Secours populaire et le dialogue qu’ils nouent avec les autorités et les familles. Une solidarité à hauteur d’homme qui, tout en sauvant concrètement des vies, concoure à construire un monde qui peut être régi par la coopération et l’entraide. Sidi Bouaré, conseiller au développement rural de la commune de Nenesso, en témoigne quand il confie, après avoir reçu l’aide d’urgence des mains de l’équipe de l’AP-SPF : « Je tiens à remercier tous les bénévoles du Secours populaire. Grâce à votre solidarité et votre geste humanitaire, nous avons pu apporter à manger aux familles et soulager les enfants contre les moustiques. Ainsi, la solidarité ne souffre ni couleur, ni frontière ! » 

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