Liban : ici et là-bas, tous mobilisés

Mis à jour le par Pierre Lemarchand
Une équipe de DPNA dans un quartier dévasté par l'explosion - Beyrouth, le 10 août 2020

Une semaine après la double explosion de 2750 tonnes de nitrate d'ammonium qui dévastait le port de Beyrouth et causait dans la capitale libanaise des pertes matérielles et humaines immenses, notre partenaire DPNA continue son irremplaçable travail de solidarité. Réparer les logements comme réparer les âmes : telle semble être la feuille de route des volontaires de l'association libanaise. Le Secours populaire, grâce à la générosité de ses donateurs et l'énergie de ses bénévoles de tous âges, a débloqué dans la semaine deux fonds d'urgence de 100 000 euros chacun afin de donner les moyens à son partenaire DPNA de mener ses actions sur les fronts de l'urgence comme des premices de la reconstruction.

Premiers jours de chaos et premiers gestes d’urgence

Le 4 août, une double explosion dévastait le port de Beyrouth et la partie nord de la capitale libanaise. Le bilan, à ce jour, est d’au moins 160 morts et plus de 6 000 blessés, tandis que l’on compte toujours d’innombrables disparus. Le jour même, le partenaire du Secours populaire au Liban, DPNA (Association pour le développement de l’homme et de la nature), se rend sur les lieux du drame afin d’évaluer les premiers besoins et mettre en œuvre les programmes d’urgence. Aux côtés des équipes de l’association libanaise, Ismaïl Hassouneh, médecin et secrétaire national du SPF, est alors déjà présent. Il revient sur ces premiers jours de chaos : 

« La situation sur place est très dramatique. Déjà, le pays traversait, depuis un certain temps, une crise politique, financière et économique. L’arrivée de la covid-19 a achevé une grande partie de l’économie libanaise. Après le confinement, la perte des emplois et, de surcroît, l’embargo qui a entrainé une dévaluation de la livre libanaise de 80%, il y a eu cette explosion. Elle a touché une grande partie de la population de la capitale, parce que le port est très proche des quartiers résidentiels à Beyrouth. Ce qui fait qu’à une situation déjà terrible s’ajoutent 300 000 personnes sans toit. »

Le gouverneur de Beyrouth estime les dommages à plus de 3 milliards de dollars. Il s’agit en effet de l’explosion la plus puissante jamais vécue dans la ville depuis la guerre civile. D’une intensité comparable à un séisme de de niveau 3 sur l’échelle de Richter, elle est surnommée par la population meurtrie de Beyrouth « Beyroshima ». Quant à nous, Français, cette catastrophe rappelle celle qui avait frappé Toulouse en 2001 lors de l’explosion de l’usine l’AZF, et la solidarité qu’avait déployé le Secours populaire, en urgence et sur le long terme (en l’occurrence, le SPF est demeuré présent auprès des victimes durant cinq longues années…) 

Pour l’heure, dans la capitale du pays du Cèdre, c’est encore l’état d’urgence – « Nous sommes pris dans une véritable tourmente », témoigne Ismaïl Hassouneh. Les équipes de DPNA agissent dans un contexte très difficile : le port dévasté rend toute importation de denrées impossible, l’éventration des silos de céréales a détruit les réserves alimentaires de la population, l’engorgement des hôpitaux empêche l’accueil des blessés. Ismaïl Hassouneh récapitule les gestes prodigués envers une population beyrouthine démunie lors de la semaine qui suit la catastrophe :

« Nous nous sommes rendus dans les hôpitaux avec les médecins libanais, avons soigné les blessés, les avons transférés dans des hôpitaux d’autres régions du Liban, jusqu’à 100 km de Beyrouth, ceux de la capitale étant saturés. Nous avons travaillé en même temps à délivrer aux populations des kits pour répondre aux besoins de première nécessité : de quoi boire, manger, se soigner, s’abriter. Nous avons cherché avec DPNA des familles ou des personnes qui pouvaient héberger temporairement les familles qui avaient tout perdu dans l’explosion. »

Reconstruire les foyers et les âmes

Aujourd’hui, une semaine après l’explosion, les équipes de DPNA sillonnent les rues de Beyrouth et viennent effectuer de petits travaux de réparation dans les maisons, afin que la vie puisse malgré tout continuer en attendant la phase de réhabilitation. Ces équipes de volontaires ont vu leurs rangs grossir en raison du fort élan de solidarité qui a traversé la jeunesse. Les volontaires, équipés de masques de protection, nettoient les morceaux de verre brisé et remplacent les vitres, colmatent les trous et les brèches, remontent les murs et réparent les serrures, évacuent les gravats. Réparent ce qui peut être réparé. Aux sinistrés qui possèdent le savoir-faire, on remet un kit de bricolage. Les chasubles beiges, floquées des logos de DPNA et du SPF, arpentent ainsi inlassablement les rues, zigzaguant entre les décombres, y installant leurs stands de distribution de produits alimentaires et d’hygiène – car si la reconstruction pointe doucement, l’heure est toujours aux besoins de première nécessité. 

La population libanaise, que la catastrophe a plongé un temps dans un état de sidération, est à présent partagée entre la colère contre des dirigeants qui, selon elle, ont mené le pays à sa perte et une profonde détresse. Face à cette dernière, le Secours populaire et DPNA mettent en œuvre un accompagnement psychologique. Ismaïl Hassouneh éclaire : « Deux jours après la catastrophe, les premières séquelles psychologiques apparaissaient : état de dépression pour de nombreux adultes, repli sur soi de nombreux enfants. Les équipes de DPNA mobilisent des médecins et des psychologues qui viennent soutenir les personnes traumatisées et réconforter les familles, en leur rappelant qu’elles ne sont pas seules, isolées. Des visites auprès des blessés graves, dans les différents hôpitaux, sont également effectuées dans ce sens. » 

La reconstruction des logements, comme celle des âmes, est un travail de longue haleine. Ismaïl Hassouneh, lors d’un entretien avec le journal l’Humanité, le confirme : « D’après notre expériencenous estimons que la situation difficile va durer. En urgence, l’objectif, c’est la mise à l’abri des personnes qui ont tout perdu, les produits de première nécessité, l’eau, etc. Cette situation va durer de trois à six mois. Dans les trois à six mois à venir, la question de louer, de trouver des appartements ou de fournir aux sinistrés du matériel pour réhabiliter leur maison va se poser aussi de manière très forte parce que les matériaux coûtent très cher. Nous avons l’habitude d’intervenir en ce sens avec notre partenaire libanais. Après, il y aura la reconstruction proprement dite. Le défi est colossal. Pour nous, la reconstruction va durer au moins deux ans. » Aussi, si l’élan de solidarité impressionne par son ampleur, il ne devra pas faiblir.

Les Copains du monde, au cœur de l’élan de solidarité

Le Secours populaire français, sitôt l’annonce du drame, a décidé de débloquer un fonds d’urgence de 100 000 euros. L’association, via ses fédérations, ses comités et ses antennes locaux, se mobilise massivement : appels aux dons et opérations de collecte permettent à l’association nationale de débloquer, trois jours après le drame, un second fonds de 100 000 euros, afin de garantir à DPNA les moyens de poursuivre ses actions d’urgence et de port-urgence. Parmi les bénévoles qui, en France, mettent en mouvement la solidarité, il y a les enfants du mouvement Copains du Monde. Bouleversés par la catastrophe qui frappe les enfants libanais, ces jeunes bénévoles se mobilisent un peu partout comme, par exemple, à Orléans. Nicolas Jaffré, directeur de la fédération du Loiret, témoigne : « Le 6 août, au Parc Floral d’Orléans, nous avons organisé une « Journée bonheur ». Les Copains du monde du Loiret et de l’Indre-et-Loire étaient présents lors de cette sortie. Ils ont eu une pensée pour les enfants du Liban, où l’explosion venait de se dérouler et de détruire Beyrouth. Spontanément, ils ont décidé d’écrire des messages de solidarité, d’encouragement. Les enfants étaient très touchés par la catastrophe, ce fut un moment intense. Une fois les dessins réalisés, nous les avons pris en photo et les avons adressés, par WhatsApp, à notre partenaire DPNA, afin qu’ils soient offerts aux enfants sinistrés. »

A Marseille, l’émotion est la même et l’élan des enfants Copains du Monde aussi spontané. Nora, onze ans, se souvient bien : « Le soir, à la télévision, j’ai vu l’explosion. Ensuite, je n’arrêtais pas d’y penser, dès que je faisais quelque chose, je pensais aux personnes, là-bas, au Liban, qui avaient tout perdu. Au dîner, je pensais à eux qui n’avaient rien à manger, qui n’avaient plus de maison… Ça m’a fait beaucoup de peine. » Yasmine, sa cadette d’un an, poursuit : « L’explosion, on l’a vue presque en direct. Ça aurait pu nous arriver à nous, à Marseille, en France. Et on aurait été heureux d’avoir de l’aide. Alors le lendemain, après notre réunion Copains du Monde, avec Nora on a proposé à nos copains d’aller faire une collecte. Et nous sommes allés vers le Vieux Port, puis sur la Canebière. Quand on demandait aux gens s’ils pouvaient donner de l’argent pour le Liban, ils étaient d’accord. Ceux qui ne savaient pas, on leur expliquait ce qui s’était passé. » Yasmine poursuit, sa voix s’emballant au rythme de l’émotion qui la visite à nouveau : « Nous allons faire d’autres collectes. Ce n’est pas un petit quartier qui a été détruit mais une grande partie de la ville de Beyrouth. Il va falloir beaucoup les aider. Cette collecte, c’était la première, mais ce ne sera certainement pas la dernière ! »

Mobilisation du SPF et de son partenaire libanais DPNA suite à l’explosion à Beyrouth le 4 août 2020

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