Copain du Monde

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Copain du Monde: le village au pays des volcans

Mis à jour le par Olivier Vilain
Les jeunes vacanciers ont collecté pour aider les sinistrés au Liban, après la double explosion dans le port de Beyrouth

Dans un centre de vacances en Ardèche, une cinquantaine d’enfants profite d’un village copain du Monde, organisé tout en suivant des règles strictes pour éviter la circulation du Covid-19. Un moment privilégié à l’écoute de la nature, où les enfants découvrent ou retrouvent des ami.e.s et font l’expérience de la solidarité.  

Les villages copains du Monde ne sont pas simplement des colonies de vacances, faîtes de découvertes, de loisirs et de fou-rires. Le séjour à Meyras est ainsi marqué par la découverte de la situation au Liban, après la double explosion qui a martyrisé Beyrouth le 4 août dernier. C’est vendredi, jour de marché à Thuyets, sur la route vers le Puy-en-Velay et au milieu du Parc naturel régional de la chaîne des volcans de l’Ardèche. Les vallées sont encaissées, la température est élevée en cette mi-août et le ciel est d’un bleu de faïence.

« Prendre conscience qu’on peut changer les choses »

Pour participer à l’aide envers le Liban, une poignée de copains du Monde va prêter main forte à une collecte organisée dans cette petite ville. Sur la place carrée du marché, les étals de lavandes, de miel, d’olives et de charcuteries sont disposés autour de l’obélisque du monument aux morts. Les jeunes sillonnent par équipes de trois cet espace délimité par une rangée de platanes qui apportent un peu de fraîcheur. « Nous avons constaté que les gens, et même les enfants, connaissent la situation des sinistrés et que le Secours populaire est à la fois connu est apprécié », raconte Loulou, tout sourire. A 15 ans, c’est déjà une copine de Monde expérimentée. S’impliquer ces dernières années lui « a beaucoup apporté », principalement : « découvrir la situation des enfants dans le monde et prendre conscience qu’on peut changer les choses. » Bilan de la collecte : plus de 260 euros.

Le petit groupe rejoint ensuite le centre de vacances, Les Portes de l’Ardèche, située à 5 km de là, sur la commune de Meyras. Constitué de plusieurs bâtisses rustiques entourées de verdure, ce lieu de vie comprend un chapiteau de cirque sur l’une des pelouses. A mesure que les enfants s’éloignent de la route, les bruits de la circulation sont effacés par celui de l’Ardèche qui se fraie un chemin parmi les pierres volcaniques qui en constitue son lit. De la rivière s’élève aussi une fraîcheur qui fait du bien. « Ce qui me reste de mon enfance, c’est beaucoup le contact avec la nature. Après l’école, j’allais garder les chèvres dans les près avec un livre… Ces moment-là me portent encore », confie Claude Esclaine, secrétaire générale de la fédération de l’Ardèche du Secours populaire.

Les jeunes vacanciers ont collecté pour aider les sinistrés au Liban, après la double explosion dans le port de Beyrouth

Les jeunes vacanciers ont collecté pour aider les sinistrés au Liban, après la double explosion dans le port de Beyrouth

Les ados sont arrivés à temps pour participer aux olympiades, organisées par une équipe d’animation qui se donne à fond. « Chaque soir, on étudie le déroulé de la journée pour nous projeter et ce qui revient constamment est la joie éprouvée par les enfants. Nous en sommes très satisfaits », observe Clélie, qui dirige l’équipe. La prise en compte de la circulation active du Covid-19 implique de nombreux bouleversements par rapports aux précédentes éditions des villages copain du Monde (voir aussi l’encadré, plus bas). L’équipe d’animation a donc mis en place des protocoles sanitaires strictes : privilégier les activités de plein-air ; en intérieur le respect des distances s’impose ; à partir de 11 ans, le port du masque est obligatoire en groupe. Animateurs et animatrices distribuent deux fois par jour des masques aux enfants, ainsi qu’aux encadrants.

Mais, le principal changement est l’absence de copains du Monde venus de l’étranger, des pays où le Secours populaire mène des programmes de solidarité. Du coup, les enfants réunis viennent principalement d’Ardèche, des autres départements de la région Auvergne-Rhône-Alpes ; d’autres viennent de Marseille ou de la région parisienne. Toutefois, pour continuer d’entretenir des liens avec les autres copains du Monde, des visioconférences sont programmées avec des petits du Burkina ou du Sénégal.

« Egalité ! La dernière manche sera décisive »

Durant les olympiades, les équipes s’affrontent autour de jeux qui ont pour thème la préservation des écosystèmes et la lutte contre le réchauffement climatique : course en sac près du chapiteau, morpion géant près de la rivière ou test d’adresse avec lancer de freesbee à côté de l’entrée. « Egalité ! La dernière manche sera décisive », lance Salimata, l’animatrice qui s’occupe du morpion géant. Deux équipes tentent d’aligner le plus vite possible trois plots dans les neuf cercles qui se trouvent à une dizaine de mètres de la ligne de départ. Les joueurs attendent dans deux files indiennes. « Pour sauver la planète, il faut agir, mais bien. Donc, il faut réfléchir avant d’agir ; c’est le message de ce jeu », ajoute la jeune femme, que les enfants adorent.

Fatima court et pose en premier son plot au milieu. Elle se dépêche de faire le relais avec l’équipier qui attend qu’elle lui tape dans la main pour aller poser le deuxième plot, vite avant que l’autre équipe n’aligne trois plots et remporte la mise. L’équipe de Fatima est moins rapide mais s’organise mieux. « Va à gauche, place le au fond ! », interpelle Anas, qui s’est chargé de guider ses coéquipiers. La victoire leur échappe. « Tant pis, on a encore six épreuves. On va bien en gagner », conclut le petit philosophe.

Au village copain du Monde de Meyras, c'est l'entraide qui est au programme

Au village copain du Monde de Meyras, c’est l’entraide qui est au programme

À chaque épreuve remportée, les équipes reçoivent un morceau de puzzle. À la fin, les chefs d’équipes les mettent tous en commun pour découvrir où se cache la récompense : une excellente glace à la fraise pour chacun. Certains viennent pour la première fois, d’autres retrouvent des ami.e.s. Dans tous les cas, les enfants sont rarement seuls. « Je vis ma meilleure vie !, s’exclame Layma, 13 ans, qui n’était jamais partie loin de sa famille. C’est encore mieux que ce que je pensais. »

Cet intermède estival est d’autant plus important, que les ados et les enfants ont passé plusieurs mois confinés à cause de l’épidémie. « J’ai tué mes yeux sur l’écran de mon téléphone », s’amuse Joy, qui vient de Die et dont le sourire illumine ses tâches de rousseur. « Ma mère, elle, s’arrachait les cheveux » à force de tourner en rond, lance pour sa part sa copine Douirati. Sa mère avait peut-être aussi des soucis d’argent ? C’est le cas d’un nombre record de personne depuis que le travail a été mis entre parenthèse au printemps dernier. Manutentionnaire, ouvrier pâtissier, surveillante, les parents de ces ados ont de petits salaires et sont aidés par le Secours populaire, souvent pour l’alimentaire. « Même si notre situation s’est améliorée ces dernières années, ma mère est encore aidée pour les vêtements, les cadeaux et les vacances », indique Lucas, qui apporte sa bonne humeur à copain du Monde.

« Je veux devenir avocate pour défendre les gens »

« Ici, ils en profitent car leurs parents n’ont souvent pas les moyens de leur payer des activités durant l’année », témoigne Guillaume, l’un des animateurs. Ayant observé le dynamisme de Fatima, 11 ans, la richesse de sa personnalité, son bagout, y compris avec les adultes, et sa joie de jouer avec les autres, l’animateur lui a conseillé, lors d’un petit déjeunier, de faire du théâtre. La réponse de la petite, née aux Comores et recueillis par sa tante à la mort de ses parents, ne s’est pas faite attendre : « Ma tante, chez qui je vis depuis deux ans, n’a pas d’argent. Elle le garde pour ce qui est ‘‘né-ces-saire’’. Et puis, je ne suis pas la seule enfant et donc elle ne peut pas me payer une activité seulement à moi. » Le ton de la réplique, celui d’une récitation, est en partie démenti ou contrecarré par la conviction qui s’échappe de son regard ou le tranchant de ses gestes.

Les moments vécus au pays des volcans sont d’autant plus importants. « On vit des moments qui vont nous suivre toute notre vie, je pense », confie Savina, qui est venue il y a quelques années avec sa famille d’Albanie. Claude vient plusieurs fois pendant le séjour. Il connait beaucoup d’enfants, dont Savina : « On est là dans les moments durs durant l’année, comme dans les moments légers durant l’été », dit-il pensivement. Ces vacances sont pour elle et sa soeur une bouffée d’air frais. « Quand on n’a pas encore de papiers, on ne peut pas prendre de vacances, on ne peut pas voyager », dit la jeune fille, qui a passée plusieurs années dans un hôtel et qui aime par-dessus tout « découvrir des cultures différentes » à travers copain du Monde.

Son parcours et la solidarité rencontrée auprès des bénévoles et au sein de copain du Monde ont fait éclore une envie : « Je veux devenir avocate pour défendre les droits des gens », dit la blondinette avec un regard extrêmement déterminé. Un rêve qu’elle partage avec son amie Sharihane, qui porte le prénom d’une actrice égyptienne : « Moi, mon rêve est de devenir magistrate parce que les droits, il faut les défendre. »

 


Des villages copain du Monde, malgré le virus
 
La crise sanitaire n’a pas empêché les villages copain du Monde de se dérouler. Les organisateurs ont mis sur pieds des protocoles stricts pour protéger adultes comme enfants. En revanche, l’édition 2020 est un peu spéciale puisque les enfants des pays étrangers n’ont pas pu être invités. Mais des visioconférences ont été organisées pour garder le contact.
 
Certains villages ont été organisés dans des fermes écologiques, comme dans le Val-d’Oise, d’autres ont invité de petits migrants ; certains étaient axés sur la culture, comme en Auvergne, d’autres sur le sport. À chaque fois, les enfants ont mis en commun leur expérience, appris leurs droits et expérimentés la solidarité, comme en Corse où cet apprentissage s’est effectué à partir de jeux… avant de découvrir la plongée sous-marine à travers le dispositif des « vacances apprenantes ».
 
Au Liban, les trois villages copains du Monde ont été interrompus le 4 août : les bénévoles de DPNA, le partenaire du Secours populaire, sont allés porter secours aux sinistrés. « Les enfants de Beyrouth sont traumatisés par les morts et la destruction de leurs quartiers, prévient Ismaïl Hassouneh, secrétaire national du Secours populaire. Beaucoup de gens nous demandent de les emmener loin des ruines et de ces traumas. » L’association aidera donc DPNA à organiser un village copain du Monde pour ses enfants dans les mois à venir.

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