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COVID-19: soutenir la santé mentale des personnes aidées et des bénévoles

Mis à jour le par Olivier Vilain
La santé mentale, l'anxiété, les angoisses liées à l'épidémie sont prises en compte par les bénévoles au sein des relais-santé.

Deuils, peur de la maladie, surcharge de travail, logements exigus, chômage ou précarité… L’épidémie de Covid-19 affecte de nombreuses manière la santé mentale des personnes aidées, comme des bénévoles. Le Secours populaire leur apporte une aide à travers ses relais-santé, dont les responsables ont fait le point sur la question le 7 avril.

Toutes les vies sont bouleversées par l’épidémie de Covid-19. Ancienne gouvernante, Sabah a perdu son travail cet hiver, au terme d’un arrêt maladie qui a commencé en mars 2020 : « Ça fait trois mois que je ne touche aucun revenu. J’ai puisée dans mes économies et contracté un prêt auprès d’amies. » La résorption de sa fracture au poignet a pris du temps, ainsi que la rééducation. « L’opération a été annulée du fait de la saturation des hôpitaux dès le printemps dernier. »

Elle s’est rendue en mars dernier au Secours populaire de Lyon pour chercher de quoi manger, sans prévenir ses deux enfants ou son entourage. « J’étais en larme, car je n’avais jamais imaginé que je me retrouverais là. Il n’y a pas de honte à avoir mais c’est injuste. » La voyant pleurer, Marie-Hélène, bénévole et ancienne psychologue, et Véronique, bénévole et infirmière, lui ont proposé un entretien, dans le cadre du relais-santé. « Elles sont extraordinaires. L’échange m’a beaucoup aidé moralement. »

Sabah s’est mise à pleurer à une distribution alimentaire

Née en Algérie, Sabah y a enseigné dix ans avant de venir ici, il y a une quinzaine d’années. Avoir perdu son travail la désoriente totalement : « Sans ça, je me sens inutile, c’est le gouffre. En plus, je culpabilise de ne pas arriver à avancer, de n’arriver à rien. J’ai beau avoir un bac+5, remplir un simple formulaire administratif m’est hors de portée pour le moment... » La femme de 49 ans retrouve de la sérénité avec ses rendez-vous réguliers avec Marie-Hélène et Véronique. « Ce n’est pas évident de trouver quelqu’un avec qui échanger en toute confiance. Elles sont très impliquées. Cela me fait beaucoup de bien, me rassurent, je sens que je vais finir par m’en sortir. »

Trouver des lieux d’échanges où poser ses fardeaux s’avère compliqué. Pédiatre de formation, Geneviève a ouvert un relais-santé dans les Landes, y a 4 mois. Ce qui l’alerte le plus est la « grande souffrance des enfants » en cette période de repli sur la sphère privée, d’exposition au virus et de détresse économique. « Une consultation thérapeutique pour les enfants, avec prise en charge adaptée, c’est un an d’attente auprès des structures publiques », se désole-t-elle, tout en constatant « une détresse psychologique très répandue, sans que les personnes impliquées en aient toujours conscience. »

Indicateurs de santé mentale et des problèmes de sommeil. Enquête CoviPrev - Santé Publique France

La santé mentale et les problèmes de sommeil sont très dégradés depuis un an (Enquête CoviPrev, France métropolitaine – Santé Publique France, mars 2021).


Les baromètres de Santé Publique France confirment que la santé mentale des Françaises et des Français est au plus bas, à cause de l’épidémie et de ses répercussions. Ainsi, dans sa dernière édition, réalisée du 15 au 17 mars, tous les indicateurs sont dans le rouge : états anxieux, dépressifs, problèmes de sommeil et pensées suicidaires, « en particulier chez les personnes en situation de précarité (emploi, finance, logement), les personnes ayant des antécédents de trouble psychologique et les jeunes (18-24 ans) ».

La détresse psychologique se comprend aisément pour les catégories populaires, en particulier pour les jeunes et les femmes, des groupes exposés de manière disproportionnée à la crise. « Dès le printemps 2020, la pandémie se transforme en crise sociale d’envergure, accentuant  toutes  les  formes  d’inégalités  sans  que  les  dispositifs d’aides, pérennes ou exceptionnels, ne parviennent à  les  contenir », notent les sociologues Anne Lambert et Joanie Cayouette-Remblière, qui viennent de publier une grande enquête sur les inégalités liées à la crise. 

La durée du vrai/faux confinement est pesante

A 50 ans, Anne est aide-ménagère à Foix dans l’Ariège. Elle vit en ce moment avec le RSA : « Je me remets doucement d’un cancer. » Rencontrer à la permanence, Dominique et discuter avec cette bénévole très à l’écoute, très empathique, lui a « fait du bien », à un moment où elle ne se sentait mal « psychologiquement et physiquement ». Outre la maladie, c’est la durée du vrai / faux « confinement, qui commence à peser ». « Nous sommes limités dans les activités, sans savoir quand cela va s’arrêter. J’aimerais voir plus de monde, me balader. » L’isolement est l’une des causes de souffrance les plus souvent cités.

Les bénévoles aussi sont soumis à un stress. « Comment faire face à la détresse psychologique dans ce contexte de pandémie ? Et comment prendre en même temps soin de soi ? », s’est interrogée Priscille Glad, psychothérapeute, le 7 avril dernier lors d’une réunion à distance organisée par le Secours populaire, à l’occasion de la Journée mondiale de la santé, afin d’échanger sur la santé mentale et les mesures d’accompagnement devant être mises en place dans les permanences. « Nous faisons face à des questions existentielles car nous devons gérer en permanence quelque chose d’inconnu. Beaucoup doivent faire le deuil de proches, d’un emploi, de certitudes. »

Permanence d'accueil, santé

Les relais-santé offrent un espace où les personnes accueillies peuvent se confier et se délester de ce qui leur pèse (Image d’archive antérieure à 2020).


Comme l’analyse cette psychothérapeute, l’association a maintenu ses activités pendant les différents types de confinement ; si bien que les bénévoles ont accueillis « plus de gens en souffrance que d’habitude, avec un profil plus diversifié, y compris des gens qu’ils connaissaient et pensaient à l’abri ». Ils ont aussi maintenu des liens, via des appels téléphoniques réguliers, afin de diminuer les souffrances liées à l’isolement, aux incertitudes. Les bénévoles ont dû faire face, tout en gérant l’évolution de leur vie personnelle.

Dans ces conditions, certains bénévoles peuvent ressentir de l’usure, et une sorte de trauma, « à force d’écouter des histoires graves ». « C’est vrai qu’on réceptionne des choses très difficile à porter. Nous recueillons des confidences douloureuses. On n’en sort pas totalement indemne », reconnait Dominique, qui a reçu Anne à Foix.

Des réunions d’équipes pour partager les ressentis

Pour tenir, Dominique fait des randonnées, parle de ses journées très actives à son compagnon. Mais, pour faire face collectivement au problème, les équipes doivent prévoir des temps réguliers de discussion collectives, pour parler des ressentis ou de la manière de répondre aux problèmes rencontrés lors de l’accueil des personnes en difficulté, éventuellement de décider de prendre du repos.  

Au Blanc-Mesnil, un groupe de paroles par vidéo va débuter en mai pour les bénévoles. « Un psychologue va y participer », souligne Françoise, médecin à la retraite et membre de la commission santé de la Fédération de Seine-Saint-Denis. Ce département est à la fois le plus pauvre de France et le plus touché par la pandémie. « Les bénévoles pourront lui parler quand ils ne se sentent pas bien. » Une meilleure prise en compte de la santé mentale pourrait ainsi devenir un acquis de cette période troublée.

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