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Bénévoles au téléphone, les liens durant le confinement

Mis à jour le par Olivier Vilain
Maintenir le lien, prendre des nouvelles des personnes aidées ou des bénévoles confinés sont des actions très importantes par temps de pandémie.

Appels ou permanences téléphoniques, emails et newsletters, utilisations des réseaux sociaux, le Secours populaire s’organise pour garder le contact avec les personnes aidées et avec les bénévoles les plus fragiles qui restent chez eux.

Le confinement bouleverse la vie quotidienne depuis trois semaines. Une grande partie de la population est confinée, souvent sans pouvoir travailler. Une autre partie (infirmière, caissière, etc.) doit, au contraire, assure une continuité de services, au risque d’être exposée au Covid-19. Isolement, angoisse sur les factures à venir, pénurie alimentaire partielle, peur de l’épidémie, cette période est difficile pour beaucoup.

« Les gens qui viennent aux permanences alimentaires, on les voit inquiets. Les catégories populaires ont vraiment peur pour leur santé : ‘‘Et si je suis malade comment je vais faire ?’’ », indique Nicole Rouvet, secrétaire générale de la fédération du Puy-de-Dôme du Secours populaire. Les deux premières semaines de confinement, les bénévoles ont adapté leur action à la nouvelle donne : retrait des bénévoles les plus âgés, des malades, etc., pour se concentrer sur les demandes d’aides urgentes.

À Lyon, la réorganisation a été profonde. Lourde. Pendant quinze jours, une aide importante a été apportée mais en diminuant drastiquement tout ce qui en fait le sel pour les personnes aidées et les bénévoles : « Nous n’avions pas le temps du contact, de l’échange, il fallait parer au plus pressé », indique Isabelle Martinelli, responsable des antennes locales. La fédération du Rhône a fait face : « Maintenant, que nous avons absorbé le choc du confinement, nous mettons l’accent sur les gens, leur situation, leur revenus. Enfin ! », souligne-t-elle.

« Prendre le temps de l’écoute »

Une équipe se charge d’appeler par téléphone toutes les personnes aidées et les bénévoles qui sont confinés pour les informer des actions du Secours populaire pendant cette période particulière, mais aussi pour connaitre leur situation et entretenir le lien. C’est à plus grande échelle ce qui a déjà été mis en place dans l’accompagnement scolaire. « Nous avons contacté rapidement les étudiants qui ne peuvent plus se rendre chez les élèves dont ils s’occupent pour qu’ils se concentrent sur le lien avec eux, plutôt que sur l’aide aux devoirs », observe Pauline Gautier, responsable de cette activité.

En Côte d’Or, la fédération du Secours populaire a mis en place l’initiative « soutien moral et chaleur humaine pour les bénévoles et les personnes accueillies ». Les bénévoles qui accueillent habituellement les personnes en difficulté les appellent dans cette période anxiogène pour prendre de leurs nouvelles. D’après les premières expériences, ce contact est très apprécié. « Si les gens sont angoissés, ils savent qu’ils peuvent m’appeler pour avoir l’écoute d’une professionnelle », explique Nicole Danesi, psychanalyste et membre du secrétariat départemental du Secours populaire.

« C’est difficile pour certaines personnes de vivre bloquées dans un petit appartement et avec un sentiment de perte de liberté, en particulier lorsque le soleil brille, ou avec, pour certaines, leur responsabilité de parents à temps plein », indique-t-elle. En arrière-fond, il y a l’isolement de la famille, des amis, des collègues. Mais aussi des craintes liées à la perte de revenus pour les plus précaires ou celle de la maladie lorsque le conjoint ou la conjointe doit aller travailler.

Se confier en toute confiance

La plupart des appels tournent autour des ruminations : « Confinées, les personnes sentent remonter les émotions liés à leur parcours, leurs échecs en particulier. Le fait de n’avoir pas été reconnues, entendues, plus jeunes. Souvent, l’apaisement vient du simple fait de s’entendre dire : ‘‘Vous êtes quelqu’un de bien’’. Ils ont besoin de ça. »

Dans certains cas, ce type d’échanges est nécessaire pour l’équilibre des personnes confinées. Mais la plupart du temps, le maintien d’un contact avec les bénévoles, et à travers eux avec le Secours populaire et la vie d’avant, suffisent. Ces contacts peuvent prendre la forme de bulletins électroniques, comme dans la Marne, l’Ille-et-Vilaine, Paris ou les Yvelines. « On utilise tous les moyens de communication pour passer ce cap difficile », relève Aline Grillon, animatrice de développement à la fédération des Yvelines.

Le téléphone semble néanmoins avoir les faveurs des bénévoles. Dans l’Ain, ils tiennent une permanence téléphonique à disposition des familles aidées. Dans le Morbihan, ce sont les bénévoles les plus âgés qui s’en chargent. Ainsi, ils peuvent continuer leur engagement tout en étant à l’abri. « Les familles monoparentales », « les personnes isolées » ou « fragiles » sont appelées en priorité dans la Marne et celles « de plus de 75 ans » dans les Bouches-du Rhône.

Des équipes d’appelants

Dans les Alpes-Maritimes, deux groupes interviennent. Une centaine de bénévoles appelle les personnes aidées et parlent des problèmes qu’elles rencontrent. Un répondeur a été mis en service pour les appels d’urgence. Quarante autres se concentrent sur les bénévoles qui, eux non plus, ne peuvent plus sortir. « Ça maintient leur moral. C’est important », explique à Nice Stéphane Chennevas-Paule, le directeur administratif de la fédération.

« Le confinement et la ‘‘distanciation sociale’’ rendus nécessaires par la progression du virus (…) vont aggraver l’épidémie de solitude déjà à l’œuvre (…) en France », souligne Eloi Laurent, enseignant à Sciences Po (Le Monde, 24.03.20). Un isolement dont l’impact va jusqu’à une augmentation de moitié du « risque de mortalité prématurée » pour les plus fragiles. Les coups de fils des bénévoles sont tout sauf anodins.