11e baromètre Ipsos / SPF 2017

Le 11e baromètre Ipsos-SPF pose des chiffres éloquents sur une réalité dont les bénévoles du Secours populaire font l'expérience quotidienne : la pauvreté s'enracine et s'étend, touchant des pans entiers de la population, y compris les seniors dont un nombre croissant peine à manger à sa faim et à se soigner.

Les chiffres de l'enquête menée avec Ipsos apportent la preuve de l'immense détresse à laquelle sont confrontés de plus en plus de Français.

Le constat est sans appel : la pauvreté prend racine. Année après année, le baromètre Ipsos-SPF pointe un maintien de la pauvreté en France. En 2017, encore plus d’un tiers des Français (37 %) ont déjà fait l’expérience de la pauvreté. Depuis dix ans, cette précarisation ne cesse d’augmenter. Près de la moitié (47 %) des catégories socioprofessionnelles modestes (ouvriers et employés), ainsi que les personnes au revenu mensuel net inférieur à 1 200 euros (61 %) sont aujourd’hui plus exposées à la pauvreté.

Ces résultats sont d’autant plus préoccupants qu’ils ne régressent pas. « La lente diminution du niveau de vie des 10 % les moins favorisés constitue un retournement historique de notre histoire sociale », souligne l’édition 2017 du « Rapport sur les inégalités ». La crise de 2008 a touché essentiellement et durement les milieux populaires : les plus pauvres continuent à s’appauvrir.

Plus d’un Français sur deux s’est dit à un moment de sa vie qu’il était sur le point de basculer dans la précarité et cette proportion augmente.

Une hausse importante des demandes d’aides

Si les récentes études statistiques nationales font référence aux prémices d’une reprise molle de la croissance, l’aggravation de la pauvreté, elle, est constatée par les responsables du Secours populaire français à travers tout l’Hexagone. Aucun signe notable d’amélioration du quotidien des plus démunis. Bien au contraire. Les bénévoles font face à une augmentation des demandes d’aides allant de 15 à 50 % dans certains départements, comme dans la Loire, la Loire-Atlantique, la Haute-Garonne,  l’Hérault…

La situation se détériore pour les travailleurs précaires, les personnes en fin de droits, les jeunes, les personnes âgées, celles déboutées du droit d’asile… Dans une France qui compte près de 9 millions de pauvres et où leur nombre a augmenté en dix ans de 1,2 million au seuil de 60 % du niveau de vie médian, les Français ne restent pas indifférents : ils sont 57 % à avoir redouté à un moment de leur vie de connaître la précarité. Encore plus inquiets pour la génération à venir, 84 % pensent que les risques que leurs enfants connaissent un jour la pauvreté sont plus élevés que pour eux.

Les personnes interrogées perçoivent le risque de pauvreté comme beaucoup plus fort pour la génération à venir.

Les sexagénaires affirment à 55 % que les risques pour leurs enfants sont « beaucoup plus élevés ». Cette inquiétude est d’autant plus forte que seuls 44 % d’entre eux se disent confiants dans leur capacité financière à aider leurs enfants en cas de besoin. Dans ses permanences d’accueil, le SPF perçoit sur le terrain une dégradation des conditions de vie des plus précaires. Malgré une lente reprise de l’activité économique, le sort des catégories populaires est très loin de s’améliorer : près d’un Français sur cinq ne parvient pas à équilibrer son budget à la fin du mois, 36 % déclarent que leurs revenus leur permettent juste de boucler leur budget et 19 % vivent à découvert.

Parmi ces derniers, 8 % s’en sortent de plus en plus difficilement, redoutant de vivre en état de pauvreté. Qui sont ces Français en grande difficulté ? Beaucoup de femmes, les catégories socioprofessionnelles modestes (employés, ouvriers), les personnes ayant peu de qualifications, souvent avec un niveau inférieur au bac, des retraités. Ils représentent près d’une personne sur deux (45 %) dans les ménages dont le revenu mensuel net du foyer est inférieur à 1 200 euros.

Les dépenses contraintes ou pré-engagées (notamment le logement) accroissent la pression sur les ménages. En découlent des conduites de restrictions, voire de privation. Les plus pauvres manquent de tout. Dans une France où les écarts entre les riches et les pauvres continuent à se creuser, 44 % des foyers modestes (moins de 1 200 euros net par mois) assurent avoir du mal à se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. L’accès à la culture, aux loisirs et aux vacances est le plus souvent sacrifié : près d’un Français sur deux (45 %) déclare avoir des difficultés pour partir en vacances au moins une fois par an, 65 % pour les ménages dont le revenu mensuel net est inférieur à 1 200 euros.

Plus de 4 Français sur 10 craignent de ne pas avoir les moyens d’aider leurs enfants s’ils en ont un jour besoin.

Santé sacrifiée

Dix ans après le premier observatoire du SPF, les visages de la pauvreté se sont multipliés, les renoncements aux soins persistent : une proportion significative et en augmentation de la population française connaît des difficultés importantes dans son accès à la santé. De plus en plus de personnes ont du mal à payer des actes médicaux mal remboursés par la Sécurité sociale (39 %, soit +3 points par rapport à 2016).

C’est même le cas pour 50 %, dont le revenu net est inférieur à 1 200 euros, 55 % pour ceux dont le revenu net est compris entre 1 200 et 2 000 euros ; 37 % des Français ont dû retarder ou même abandonner tout achat de prothèses dentaires, 29 % ont dû différer ou se priver de l’achat de lunettes ou de lentilles. Disposer d’une mutuelle santé est financièrement compliqué pour 45 % des ménages les plus modestes, tout comme faire face aux dépenses de logement et d’énergie.

Près d’un tiers des Français a déjà dû renoncer à une consultation chez un médecin spécialiste et 25 % n’ont pas les moyens de disposer d’une mutuelle santé.

Peur du lendemain

Dans ce contexte, les dépenses imprévues sont sources d’appréhension : 57 % des Français sont inquiets, voire très inquiets (20 %) en ce qui concerne leur capacité à faire face à un impondérable. Ils sont 58 % à appréhender à l’idée de ne pas pouvoir assumer la dépendance éventuelle d’un proche. En 2017, les Français pensent qu’une personne seule est pauvre quand elle dispose d’un revenu mensuel net inférieur ou égal à 1 113 euros. Ce montant est en hausse par rapport à l’an dernier de +45 euros, se rapprochant du smic qui fait figure de référence (1 149 euros depuis le 1er janvier 2017). Une somme qui reste supérieure au seuil de pauvreté qui est de 1 015 euros.

Sondage réalisé par téléphone du 23 juin au 1er juillet 2017 auprès de 1 005 personnes constituant un échantillon représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus, ainsi que sur un échantillon de 277 seniors permettant de disposer au total de 565 personnes constituant un échantillon représentatif de la population française âgée de 60 ans et plus. Sondage réalisé selon la méthode des quotas : sexe, âge, profession de la personne de référence du foyer, région et catégorie d’agglomération.

Ce rapport a été élaboré dans le respect de la norme internationale ISO 20252 : « Études de marché, études sociales et d’opinion ». Comme pour toute enquête quantitative, cette étude présente des résultats soumis aux marges d’erreur inhérentes aux lois statistiques.

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Témoignage

Pierre Arditi, comédien et parrain de la campagne Pauvreté-Précarité du SPF

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