Émanciper

  • Education

Confinement : l’accompagnement scolaire se poursuit

Mis à jour le par Olivier Vilain
Pendant le confinement, l'accompagnement scolaire continue à distance et même, dans des cas exceptionnels, dans les permanences pour les mineurs étrangers isolés.

Déjà un mois sans école. Douze millions d’élèves sont confinés et ne peuvent plus se rendre en cours. Les bénévoles du Secours populaire continuent l’accompagnement scolaire à distance pour lutter contre l’accroissement des inégalités scolaires que favorise cette période d’éloignement des salles de classes. Même si la réouverture des classes est prévue, à partir du 11 mai, de manière très progressive et au milieu de nombreuses réticences, l’année scolaire aura été abrégée.

A la maison, les enfants doivent suivre un programme allégé. Les familles sont donc renvoyées à leur capacité à suivre le travail de leurs enfants, en fonction de leurs disponibilités, de leur niveau de formation ; mais aussi de leur équipement informatique sur lequel repose les liens à distance avec leurs enseignants. Dans ce domaine, les disparités sont très grandes.

Dans ces conditions inédites, les bénévoles assurent un suivi des élèves dont ils ont entrepris un accompagnement scolaire en début d’année. « Cela nous aide beaucoup, explique Najete aide-soignante, qui vit à Lyon. Je dois déjà suivre les leçons de mes deux enfants plus petits, mais pour Tesnym qui est en CM2, clairement, je ne sais pas répondre à toutes les questions. »

Les familles absorbées par la craintes des factures

Pendant le confinement, son attention est de plus en plus accaparée par la crainte des factures à venir. « Je suis en congés parental et mon mari est en chômage technique. D’ordinaire, il gagne le SMIC en tant que technicien de surface mais pour le moment il n’a perçu que 200 euros pour le mois de mars. Il n’y a plus ni primes de risque ou de transport… Je ne sais pas comment nous allons faire pour régler les factures. »

Étudiante en économie sociale et solidaire, Jeanne est bénévole. « Je suis en stage [dans un groupe international d’agroalimentaire] mais je prends une heure tous les jours pour parler à Tesnym, passer les devoirs en revue et travailler ses difficultés dans une matière en lui proposant de petits exercices. »

Séance de devoirs en mobil-home pour Salomé et Anastasia, avec l'aide de Jeanne et de Aléna.

Séance de devoirs en mobil-home pour Salomé et Anastasia, avec l’aide de Jeanne et de Aléna.

Pour Najete, l’implication de Jeanne pendant le confinement « est très positive ». La petite de 10 ans et demi regrette l’école : « J’aime apprendre et mes copains me manquent. » Elle travaille quatre heures tous les jours, en lien avec sa maîtresse qui contacte tous ses élèves deux fois par semaine : « Quand je ne comprends pas quelque chose, j’appelle Jeanne. On se parle sur messagerie ou par vidéo, même si je préférerai la voir en vrai. » Grâce à cette attention et à cette aide, Tesnym ne perd pas le fil. Un danger qui est plus fort dans les familles des catégories populaires. « Notre objectif est de bien la préparer pour l’entrée en 6e », remarque Jeanne, qui a bien en main son plan de travail.

À Lyon, l’équipe de 135 étudiants qui assure l’accompagnement scolaire s’est adaptée à l’interdiction de circuler. « D’habitude, ils vont chaque semaine aux domiciles des enfants pour revoir les leçons et, de temps en temps, les accompagnent en sorties culturelles ou sportives », observe Pauline Gautier, responsable de cette activité dans le Rhône.  Tesnym et Jeanne étaient allées voir un match de foot en février dernier. Plus de sorties donc. Mais toujours des séances d’aides aux devoirs en utilisant le téléphone, les applications de communication comme Whatsapp, les emails.

En contact avec les enfants et les enseignants

Avec l’éloignement, les bénévoles ont en général allégé leur suivi. Les bénévoles référents, qui suivent chacun une dizaine d’étudiants, ont rapidement réorienté les objectifs de l’équipe. « Dans un premier temps, nous avons compris qu’il était compliqué d’assurer l’aide aux devoirs à distance. Il faut un temps d’adaptation aux outils. Nous avons donc mis l’accent sur le maintien du lien, à travers des jeux et des rendez-vous réguliers », commente Sylvia Jambon, enseignante à la retraite.

Dans un second temps, les enfants ont continué le programme scolaire, revoyant les cours avec les étudiants. « Plusieurs éléments sont à prendre en compte, mais au minimum nos interventions visent à ce que les enfants et les adolescents continuent à avoir un rythme scolaire », récapitule Pauline Gautier.

Taille des logements, équipements informatiques, accès à la lecture, disponibilité des parents... un gouffre existe entre les différentes conditions matérielles d'apprentissages des enfants. Ces dernières varient en fonction de la position sociale des par

Taille des logements, équipements, accès à la lecture, disponibilité des parents… un gouffre existe entre les différentes conditions matérielles d’apprentissages des enfants. Ces dernières varient en fonction de la position sociale des parents

En Ariège, c’est ce dernier objectif qui est privilégié. À Foix, dans les Pyrénées, Liliane suit Yohann, 11 ans, dont la mère a une santé fragile. Ils voient ensemble, à travers la messagerie électronique Whatsapp, la poésie, la lecture et un peu d’histoire au programme de CM1. Ils font aussi des autodictées. Liliane communique avec sa maîtresse quand une leçon ou une démonstration n’a pas été comprise par l’élève. « Surtout, s’il me dit qu’il n’a pas osé le faire remarquer », explique-t-elle. « Le point important est de le maintenir dans le rythme scolaire, de faire en sorte qu’il ne décroche pas sinon cela compromettrait ses progrès, qui sont petits mais constants. »

Durant cet éloignement physique d’avec l’école, qui vient souvent redoubler une distance sociale, le soutien des bénévoles est particulièrement important. « Si les élèves de milieux favorisés comptent souvent sur leurs parents pour les éclairer et pour les guider tant dans le contenu pédagogique que dans l’usage du numérique, les autres peuvent se sentir perdus, voire décrocher totalement », analyse Pascal Plantard, professeur en sciences de l’éducation à l’Université de Rennes 2 et anthropologue des usages numériques.

Tous n’ont pas d’ordinateurs à la maison

De manière encore plus prosaïque, tous les enfants des catégories populaires n’ont pas à leur disposition un bureau équipé, un espace dédié et un ordinateur pour eux seul. « Nous avons fait un appel aux dons d’ordinateurs parce que les familles que l’on suit en manque, même si les collèges en prêtent, il n’y en a pas assez », indique Bouchra Rafik Azzam, secrétaire générale de la fédération des Charentes.

Le même appel a été lancé en Seine-Saint-Denis, le département le plus pauvre d’Ile-de-France, qui concentre à la fois le plus de personnes contraintes de travailler pendant l’épidémie (caissières, agents de sécurités, aides-soignantes, aides à domicile, etc.) et le plus de Franciliens victimes du Covid-19. « Il nous faut des ordinateurs pour que la période de confinement, justifiée d’un point de vue sanitaire, ne fasse pas exploser les inégalités scolaires », confie Philippe Portman, le secrétaire générale de la fédération.

Pour lutter contre l'inégalité scolaire par temps de confinement, les bénévoles - ici des Alpes-Maritimes, ont lancé des appels à la solidarité... numérique.

Pour lutter contre l’inégalité scolaire par temps de confinement, les bénévoles – ici des Alpes-Maritimes, ont lancé des appels à la solidarité… numérique.

La fédération des Alpes-Maritimes a pris le même type d’initiative. Elle a lancé, via la plateforme de messages électroniques Faceboo, un appel à partager des codes d’accès à la wifi afin que les enfants les plus pauvres puissent se connecter aux sites internet de l’Éducation nationale, Agora et Pronote. « Les élèves reçoivent leurs cours par internet, cela suppose de pouvoir payer un abonnement à internet qu’elles ne peuvent parfois pas payer, surtout dans un moment aussi difficile », relève Stéphane Chennevas-Paule, le directeur administratif du Secours populaire local.

Et puis, il y a les enfants qui n’ont ni ordinateur ni connexion internet : les migrants vivant à l’hôtel social. « Là, nous avons identifié un problème urgent », remarque Philippe Portman, en Seine-Saint-Denis. Leurs parents ont déjà du mal à suivre leur scolarité en temps normal, à cause de leur manque de maîtrise de la langue française. « Le rattrapage à la sortie du confinement s’annonce compliqué si rien n’est fait », ajoute-t-il.

Des cours pour les enfants vivant à l’hôtel

C’est pourquoi, une équipe de trois enseignants bénévoles a été constituée autour d’Arthur Szejnman. « L’idée est de leur faire cours à la fédération à Romainville, dans les conditions maximales de sécurité sanitaire », indique-t-il. Les bénévoles vont chercher une dizaine d’élèves de primaire. Tout a été préparé, le gel, le savon, les masques. « Nous avons contactés les enseignants pour qu’ils nous transfèrent par mails les cours et les devoirs à faire. Nous imprimons le tout », ajoute Arthur, qui a prévu de faire prochainement un point avec les enseignants.

Près de Clermont-Ferrand, des familles de migrants ont été réunies par la préfecture dans un centre de vacances. Deux bénévoles sont sur place. Klevis, 12 ans, est un garçon aidé par Aléna : « Avec Aléna, on travaille bien le français et les math. Et, à mon tour, quand les copains ont des difficultés, je les aide aussi par téléphone. »

Documents à télécharger

Thématiques d’action

Campagne

Mots-clefs