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L’accompagnement scolaire, un plus pour réussir à l’école

Mis à jour le par Olivier Vilain
Deux équipes de bénévoles assurent un soutien scolaire à siège du Secours populaire à Reims et à domicile. Dans tous les cas, les élèves en difficulté bénéficient d'un cours particulier. ©JM Rayapen/SPF

Une quarantaine d’enfants et d’ados bénéficient de l’accompagnement scolaire organisé par les bénévoles du Secours populaire à Reims. Deux formules possibles, en collectif ou à domicile. Le but est d'aider ces jeunes de familles populaires à réussir leur scolarité, à s'organiser et à s’ouvrir sur le monde.

La salle de classe est au siège du Secours populaire à Reims, à deux pas de l’université. Une dizaine de collégiens et de lycéennes entrent dans la pièce où les tables sont jointes au centre. C’est le début de l’après-midi et comme tous les mercredis, ils viennent pour l’accompagnement scolaire dispensé par une dizaine de bénévoles : tout autour de la grande table, chaque bénévole s’assied à côté d’un enfant pour un cours privé d’un peu plus d’une heure.

Dans un coin, Laurence demande à Wilsha, 10 ans, s’il veut commencer par la leçon d’orthographe. Assis les bras croisés, avec un petit sourire espiègle et des yeux malicieux derrière ses lunettes rondes, le petit garçon asiatique acquiesce. Il sait qu’il en a besoin, un mois après sa rentrée en CM2. Dans un coin, Gérard et Issa, un ado de 16 ans, se sont lancés dans les fractions au tableau. « Alors, ça s’est passé comment cette semaine ? », demande le bénévole qui donne des cours depuis 3 ans parce qu’il avait « envie de faire ça depuis longtemps » et que le contact avec les jeunes lui « apporte aussi beaucoup ». A quelques mètres de là, le petit frère d’Issa, Mohamed, qui est en section internationale, revoit ses leçons d’histoire, en anglais, avec Catherine.

L’équipe suit une vingtaine d’enfants de catégorie populaire

Cette dernière est une ancienne enseignante de primaire. Elle s’implique dans l’accompagnement scolaire depuis 20 ans. « Le mercredi, nous sommes 5 bénévoles le matin, 6 ou 7 l’après-midi et nous revenons le samedi matin, pour aider des élèves de la primaire au lycée. » Cette année, l’équipe suit une vingtaine d’enfants.

Zorha découvre l'accompagnement scolaire avec Catherine. Cette enseignante à la retraite est bénévole depuis 20 ans et coordonne une équipe qui suit une vingtaine d’enfants cette année.
Zorha découvre l’accompagnement scolaire avec Catherine. Cette enseignante à la retraite est bénévole depuis 20 ans et coordonne une équipe qui suit une vingtaine d’enfants cette année. ©JM Rayapen / SPF

Ils vivent dans des familles aidées par le Secours populaire en raison de leur fragilité économique. « Les familles sont en difficulté, des parents ne parlent pas forcément bien le français, n’ont pas toujours les outils nécessaires pour suivre la scolarité de leurs enfants ». En 20 ans, Catherine a vu des évolutions. « Les enfants qui viennent nous voir ont parfois de grosses, grosses, difficultés en mathématiques, un manque de concentration, l’incapacité à lire en CE1. On revient sur un grand nombre de connaissances qui n’ont pas été acquises. » Difficile pour les enseignants d’approfondir les notions quand le nombre d’élèves par classe est le plus élevé de tous les pays riches et que les lacunes se sont accumulées.

Dans une étude retentissante sur les inégalités scolaires réalisée, en 2016, pour le Conseil national d’évaluation du système scolaire, les chercheurs avaient montré que « dans le cas de la France, contrairement à la moyenne des pays de l’OCDE, on observe un effet de ciseaux : les performances des plus favorisés s’améliorent alors que celles des moins favorisés se dégradent. En d’autres termes, l’école française est efficace pour les plus favorisés et peu efficaces pour les élèves appartenant aux groupes minoritaires définis par leur origine socio-économique, culturelle, migratoire. »

Merline vient pour « trouver de l’écoute » et préparer son Bac

Une partie des jeunes viennent pour la première fois. C’est le cas de Merline, grande adolescente de 16 ans, dont la famille est aidée par le Secours populaire. Les ressources sont maigres avec une mère au foyer et un père qui ne trouve pas de travail dans le BTP, en ce moment. « Je découvre », confie-t-elle, hésitant encore à prendre place. Sa motivation est claire. « Je suis en première, j’ai le bac qui commence en fin d’année et je veux faire médecine après. » Elle vient pour trouver de l’écoute, des réponses à ses questions, parce que l’écart entre la seconde et la première lui parait trop important. « Du coup, j’ai trop de mauvaises notes à mon goût. »

Accompagnemebt scolaire Reims - Marc et Merline
Comme toujours, Marc et Merline sont très concentrés. Les enseignants ne peuvent assurer le suivi d’élèves toujours plus nombreux dans leurs classes, et qui ont en plus accumulé du retard. ©JM Rayapen / SPF

Même si ses parents ont peu de ressources, Merline peut s’isoler dans sa chambre pour étudier. Ce n’est pas le cas de Jérémy, 10 ans, qui habite au 10e étage d’une tour du quartier populaire de la Croix-Rouge. Sa mère, qui n’a plus de papiers depuis 3 ans, est hébergée par un ami dans un deux-pièces très dépouillé. Anne-Marie vient leur rendre visite. Au Secours populaire, elle coordonne toutes les équipes de bénévoles de l’accompagnement scolaire, plus particulièrement les étudiants qui donnent des cours à domicile. « L’un des points communs entre les parents que nous rencontrons, c’est qu’ils ont une grande ambition pour leurs enfants : ils veulent que leurs enfants rompent avec la précarité. »

A son arrivée, Camille, 19 ans, en deuxième année de droit, est assise sur le canapé, à côté du garçon. Ils font un exercice de mémorisation de vocabulaire – « tu vois ‘‘discipline’’ s’écrit comme ‘‘piscine’’ » –, dans une pièce sombre, en écrivant penchés sur la table basse. Le contact passe bien entre l’étudiante au grand cœur et le petit, qui semble un peu fatigué de sa journée ou peut-être du stress que la situation instable génère : « Je veux devenir docteur pour aider les gens », souffle-t-il, tandis que sa mère approuve. « J’ai envie qu’il soit dans les premiers de sa classe pour qu’il ait des atouts dans la vie. »au

Des activités culturelles sont également proposées

L’accompagnement scolaire comprend aussi un volet culture / loisirs pour ouvrir aux enfants de nouveaux horizons. L’année dernière, l’étudiant qui venait chez Jérémy l’amenait prendre des livres à la médiathèque. « Il ne voulait plus rentrer après », s’amuse Prudence, sa mère. Anne-Marie rappelle aussi que « les étudiants emmènent souvent les enfants au marché de Noël du Secours populaire ».

Camille fait partie de la vingtaine d'étudiants qui se rendent à domicile pour accompagner les élèves - ici Jérémy - aussi bien sur le plan scolaire que pour des sorties culturelles.
Camille fait partie de la vingtaine d’étudiants qui se rendent à domicile pour accompagner les élèves – ici Jérémy – aussi bien sur le plan scolaire que pour des sorties culturelles. ©JM Rayapen / SPF

Les bénévoles s’impliquent beaucoup. Comme le dit Catherine, « pour leur transmettre des connaissances, il faut comprendre comment chacun fonctionne ». Certains enfants ont une mémoire visuelle, d’autre auditive, etc. La craie en main et avec un regard doux, Gérard s’occupe des mathématiques. « Je n’ai jamais été prof et, depuis 3 ans, je travaille tout le programme en début d’année, puis je prépare chaque séance. Ça demande du travail pour le niveau lycée », raconte-t-il sur un ton enjoué.

Pour lui, la difficulté que rencontrent les élèves des catégories populaires est l’accumulation de lacunes au niveau des bases. « Le retard s’accumule mais les enfants continuent à passer dans les classes supérieures. Au bout d’un moment, sans les bases, ils ne peuvent pas assimiler un nouveau programme. Ils sont perdus et beaucoup se découragent. » Ces enfants doivent se débrouiller et leurs parents n’ont ni les compétences scolaires pour leur expliquer ni la possibilité de payer des cours supplémentaires. « Ils passent moins de temps sur les choses simples comme les additions, le français… Ils ne connaissent pas leurs tables de multiplication. Quand j’étais enfant, le programme prévoyait de nous faire travailler cela tous les jours. »

De plus en plus d’élèves en « décrochage cognitif »

En effet, une des manifestations les plus frappantes des inégalités scolaires au sein du collège est ce qu’une équipe de sociologues de l’université Paris 8 appelle « le décrochage cognitif » : le fait de rester en classe sans ne plus rien comprendre et sans pouvoir donner de sens à ce qu’on y fait. Un phénomène qui s’aggrave, comme le montre une étude de l’INED : « Le suivi des parcours scolaires montre que cette situation concerne de plus en plus d’élèves à mesure que l’on avance dans les classes au collège. »

Les enfants ne restent parfois qu’une seule année avec les bénévoles. Leurs difficultés peuvent avoir été dépassées ou ils préfèrent pratiquer un sport le mercredi après-midi. D’autres sont suivis pendant plusieurs années, voire durant toute leur scolarité. Mohamed a bien travaillé avec Catherine. Du coup, ils terminent la séance par une partie de Devine Tête. Les deux prennent du plaisir à deviner l’animal qui est représenté sur la carte qui est collée sur leur front. « Il m’arrive de croiser dans la rue d’anciens enfants de l’accompagnement. Ils viennent vers moi, me disent qu’ils en ont de bons souvenirs. C’est très touchant », témoigne Catherine. Comme tous les enfants, ils se souviennent de leurs professeurs préférés, mais eux pensent aussi à l’équipe de bénévoles du Secours populaire.