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A Toulon, la santé ne reste pas en rade

Mis à jour le par Olivier Vilain
Annie-Claire écoute et oriente les personnes en précarité dans un parcours de soins. Selon le baromètre 2019 Ipsos / SPF, 38 % des gens renoncent à des soins en raison de leurs coûts.

A Toulon, les personnes en difficulté peuvent se rendre à la permanence d’accès aux soins que tient le Secours populaire. Elles peuvent faire le point sur leur état de santé, être orientées dans un parcours de soins et même bénéficier des services d’un ostéopathe bénévole.

Toulon, un jeudi comme les autres à la fédération du Var du Secours populaire. Des dizaines de personnes attendent à l’entrée d’être appelées par un bénévole pour accéder au vestiaire et au libre-service alimentaire, dans le fond du local. Sur leur droite, une petite porte s’ouvre et se referme à intervalles réguliers. Annie-Claire Cottu, ancienne sage-femme désormais responsable de la permanence d’accès aux soins de santé, vient chercher les personnes qui ont rendez-vous. Fatma, petite femme d’une soixantaine d’année, se lève et passe la porte d’un pas décidé, avec les sacs qu’elle a remplis au libre-service alimentaire.

Le but de cette permanence ? « Écouter ce qui ne va pas, convaincre les gens qu’il leur faut prendre un peu de temps pour s’occuper de leur santé et les orienter vers les services médicaux compétents. » Pour les enfants, c’est le service pédiatrique de l’hôpital Sainte-Musse. Le Var est, par exemple, l’un des départements où la vaccination des enfants est la plus faible, « autour de 40 %, sans que l’on sache vraiment pourquoi », explique l’ancienne sage-femme. S’il faut assurer la poursuite de soins mis à mal par la précarité, la bénévole oriente vers la Caisse primaire d’assurance-maladie. Pour les soins dentaires, direction la clinique mutualiste.

Un lieu où parler de ce qui fait mal

Dans la pièce où se déroulent les rendez-vous, la lumière et les sons de la rue passent à travers les fenêtres. Quelques chaises sont disposées en cercles, à droite, dès l’entrée de la pièce, qui constituent un endroit pour la détente. Le bureau où ont lieu des discussions a été placé en face de la porte. Au fond de la pièce, un rideau blanc dissimule totalement l’espace où officie Mathieu, ostéopathe bénévole.

Là, dans cet espace confiné, les gens ont confiance. Ils se confient. « Les personnes dont les revenus sont précaires vont rarement au bout des soins, soit parce qu’ils ont en permanence des tas de difficultés à régler soit à cause du manque d’argent ou encore parce que le corps médical ne prend pas toujours en compte la fragilité de ce public », souligne Annie-Claire. Les situations deviennent encore plus épineuses pour les personnes qui cumulent faibles voire absence de revenus avec des statuts extrêmement précaires comme les migrants, les demandeurs d’asile, les sans-papiers. « Nous revoyons apparaitre les maladies liées à la pauvreté comme la tuberculose. »

La précarité affecte la santé, physique et psychique, et empêche souvent d'avoir accès aux soins.

La précarité affecte la santé, physique et psychique, et empêche souvent d’avoir accès aux soins.

La permanence d’accès aux soins est ouverte à tous, du lundi au jeudi. « Je forme régulièrement les bénévoles de l’accueil pour qu’ils abordent systématiquement la question de l’état de santé. Ils peuvent ainsi proposer aux personnes accueillies un passage par mon bureau », observe la sage-femme. Chaque entretien se bâtit sur beaucoup d’écoute. « Souvent, il y a des choses enfouies qui font souffrir. » La bénévole vérifie aussi si la personne dispose de la CMU, de la mutuelle complémentaire, bref si la situation administrative lui permet d’entamer ou de reprendre un parcours de soins. En cas de besoin, elle peut affilier une personne à la mutuelle Solimut, un partenaire du Secours populaire qui « propose des tarifs adaptés aux gens en grande précarité ».

Sa mission l’amène à sortir du Secours populaire. Elle accompagne à leurs rendez-vous médicaux, les personnes qui ont peur de ne pas savoir gérer cela. La bénévole dynamique se rend aussi à l’université pour des ateliers préventions et de santé sexuelle. « Je suis la reine des préservatifs ! J’en distribue à pleine poignée, tout en expliquant la nécessité de se préserver des maladies sexuellement transmissibles. » Sur place, Annie-Claire est à l’écoute de cette population dont les conditions de vie se dégradent. « Quand tu les écoutes, tu découvres qu’ils vivent avec rien quand les parents se saignent déjà pour leur louer une chambre ! »

Des séances gratuites d’ostéopathie

Depuis 2016, une consultation d’ostéopathie est proposée chaque semaine. Très grand, très doux, Mathieu accueille avec le sourire les personnes que le stress ou une vie de travail précaire font souffrir. « Ils serrent les dents, se bloquent les épaules, se plaignent du dos ou des articulations. » La séance dure entre 20 et 30 minutes, durant lesquelles le jeune diplômé multiplie les manipulations. « Un aspect important de la séance est la discussion, cela les aide à lâcher prise, à se laisser aller. » Se remettant sur ses jambes, Fatma, semble sans aucune force, prise dans ses émotions. Elle s’assoit, boit un verre d’eau le temps de reprendre ses esprits. Elle finit par repartir avec ses sacs bien garnis. « Je lui ai redonné un rendez-vous parce qu’elle a vraiment besoin de relâcher les tensions qui la travaillent », confie Mathieu en la regardant partir.

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