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Tempête Alex : la solidarité toujours d’actualité

Mis à jour le par Olivier Vilain
La vie reprend péniblement son cours dans les vallées de la Roya et de la Vésubie.

Entre le 30 septembre et le 3 octobre, la tempête Alex a balayé la France, provocant de graves dégâts et des victimes dans les Alpes-Maritimes. Tout de suite, le Secours populaire s’est mobilisé. Il a ouvert deux antennes dans les vallées dévastées et, six mois après, continue d’aider les habitants à retrouver une vie normale.

La tempête Alex a dévasté les Alpes-Maritimes et les habitants des vallées de la Roya et de la Vésubie en souffrent encore, six mois après. « C’est dur, on garde des images terribles et la vie ne peut pas reprendre comme avant », souffle Alain, qui habite un peu en amont de Saint-Martin-Vésubie. Il a une pensée pour les familles qu’il connait et qui ont perdu un proche. « Une nuit passée à entendre toute cette eau qui monte — toute cette eau ! –, ce grondement ! J’ai recueilli des voisins qui vivaient plus près de la rivière ; on a vu leur toit partir dans les flots. Sur la vingtaine de chalets autour de chez moi, il n’y en plus que quatre », indique Alain, dont parfois la voix se teinte de larmes.

Le lendemain matin, tout était coupé ; l’électricité, le téléphone… Coupé du monde, il lui est impossible d’avoir des nouvelles de sa femme et de son fils, restés dans le village pour éviter de prendre la route, alors que l’eau montait. « J’ai passé une nuit à me demander s’ils étaient à l’abri. Au début, j’avais prévu d’aller les chercher, mais quand j’ai vu le débit de la rivière, quelque chose clochait et par prudence je n’ai pas pris ma voiture. » Il aurait pu faire partie des victimes car la route a été emportée. Le matin, en sortant sur le pas de sa porte, Alain a cru que le village avait disparu, tant la zone était dévastée.

« J’ai cru que le village avait disparu »

Le village était bien là, entouré et traversé d’eau, les berges décapées, des maisons emportées. « Devant chez moi, j’avais un trou de 34 mètres à l’emplacement exact où le Tour de France était passé un mois avant. » Sa maison est intacte mais la route qui y mène reste très difficilement praticable, même au bout de six mois, avec des parties fragilisées et d’autres barrées par des canalisations éventrées, des câbles divers. Le restaurant de sa femme est fermé.

La famille vit avec la pension d’Alain et loue un studio en centre-bourg : « On va chercher de quoi manger au Secours populaire. Les bénévoles sont formidables. Dès que j’en aurais les moyens, la première chose que je ferai sera d’aider moi aussi. » Plusieurs dizaines de familles sont comme celle d’Alain : elles attendent de savoir si elles pourront rentrer dans leur maison fragilisée par la tempête.

Nous avons tout de suite compris que nous allions devoir rester longtemps sur place parce que de telles situations demandent du temps

Jean Stellitano, secrétaire général du Secours populaire dans les Alpes-Maritimes

Très rapidement après la catastrophe, le Secours populaire a ouvert deux antennes, l’une à Saint-Martin-Vésubie, l’autre à Breil-sur-Roya, dans l’arrière-pays niçois. « Le but était de mieux connaitre les besoins en étant au plus près des gens. Nous avons tout de suite compris que nous allions devoir rester longtemps sur place parce que de telles situations demandent du temps pour les régler », indique Jean Stellitano, secrétaire général de la fédération des Alpes-Maritimes du Secours populaire.

En six mois, près de 2900 personnes ont été aidées, plus de 260 000 euros ont été engagé en aide financière directe et 26 tonnes de vêtements ont été distribuées. « On aide tous les jours les sinistrés, mais il y a aussi une quarantaine de familles qui viennent parce qu’elles ont des revenus très bas et qui auraient eu besoin de nous même sans la tempête », indique Hélène, qui a pris la suite d’Omar à la tête de l’antenne à Saint-Martin. « Ici, nous avons déjà distribué 14 tonnes de vêtements et de linge de maison et nous allons encore en répartir au moins autant », dit-elle. Par ailleurs, un séjour de vacances à la neige a été organisé cet hiver et une sortie est prévue pour Pâques, histoire de décompresser.

La pauvreté existait avant la tempête Alex

Anne vit dans la précarité. À trois, la famille perçoit 900 euros. Travaillant habituellement dans la restauration, elle cherche du travail mais le coronavirus rend encore plus rare les possibilités de travailler dans les vallées. « Pour une histoire de seuil de revenus légèrement dépassé, je n’ai droit à rien depuis que mes allocations chômage se sont arrêtées en 2019 », dit-elle. La famille va chaque semaine au local du Secours populaire pour « prendre de quoi manger, des produits d’hygiène et des vêtements pour le garçon ». « Ça nous évite d’avoir à acheter de la lessive, qui est un produit assez cher. Ça nous aide à tenir en faisant face aux factures d’eau et d’électricité qui défilent. Quand on a des relances, malgré nos petits revenus, il faut bien finir par les payer. »

Les personnes dont les maisons ont été détruites sont en cours de relogement. « Elles nous demandent désormais du mobilier, des tables ou des lits ; alors qu’au début, l’urgence était le matériel électro-ménager que nous avons fourni. » Les bénévoles livrent le mobilier venant de Nice. Deux associations de travailleurs domestiques philippins se joignent régulièrement aux habitants des villages sinistrés pour mettre la main à la pâte. Depuis la tempête, les deux vallées ont connu un grand mouvement de solidarité.

Les abords des rivières, ici la Roya, ont été dévastés. Mais, plus en retrait, des maisons ont été fragilisées par les coulées de boue et les glissements de terrain.

Les abords des rivières, ici la Roya, ont été dévastés. Mais, plus en retrait, des maisons ont été fragilisées par les coulées de boue et les glissements de terrain. 


Danny a créé Amitiés Philippines et travaille à Monaco. Il explique : « Très rapidement, nous avons aidé à transporter des meubles, des matelas de Nice aux villages. Et quand Jean [Stellitano] a besoin de nous, il sait qu’il peut compter sur nous. » Les liens entre les travailleurs domestiques et le Secours populaire se sont tissés lors du confinement du printemps 2020. Jardiniers privés, personnels de maison, etc., les philippins ne pouvaient plus travailler. Ils n’avaient plus de revenus et pas d’aide sociale. « Certains n’avaient pas de papiers... » Précaires parmi les précaires, ils sont venus chercher à manger au Secours populaire. « Ça nous a rendu un grand service. »

Les dons collectés ont été très importants, grâce à la générosité des donateurs mais aussi à l’initiative de l’artiste Julien Doré. « À partir de nos nouvelles antennes, nous coordonnons les actions entre différentes associations avec qui nous avons créé des partenariats », explique Jean Stellitano. Sur place, notamment dans la Roya, trois associations – dont Emmaüs Roya – organisent des chantiers de réhabilitation. Les chemins privés ne sont, par exemple, pris en charge ni par l’État ni par les assureurs. « Chaque week-end, ils réunissent environ 200 bénévoles. Nous finançons le matériel que nous achetons auprès du petit commerce local, permettant ainsi aux gens de ne pas quitter les vallées », ajoute-t-il.

Au total, nous estimons que nous allons peut-être tripler le nombre d’aides débouclées dans les mois à venir

Mathieu Whyte, coordinateur de l’aide

En même temps, grâce à ses bénévoles sur place, le Secours populaire fait remonter les besoins auprès d’autres associations, comme la Croix-Rouge ou le Secours catholique. « On démultiplie ainsi les financements pour les projets. On a mis sur pied une organisation très efficace : on connait les gens, le terrain, la vie dans les vallées. »

Un autre partenariat a été mis en place, avec les Chambres d’agriculture, des métiers et du commerce. « Elles nous signalent les artisans, agriculteurs et commerçants en grande difficulté et nous transmette les demandes d’aides, avec l’accord des concernés. On gagne beaucoup de temps », relève Mathieu Whyte, accompagnateur de montagne et coordinateur de l’aide dans les vallées pour le Secours populaire.

Des aides matérielles et financières

Environ 200 000 euros d’aides ont été engagées auprès des professionnels lorsque l’outil de travail (matériel agricole, commerce, véhicules) a été détérioré. Les dossiers de professionnels arrivent maintenant en masse. « Ceux que nous sommes en train d’examiner vont probablement nous conduire à engager 200 000 euros supplémentaires. » Au total, 80 familles et professionnels ont reçu des aides financières, en fonction de barèmes et après examens d’un comité de travail créé par le Secours populaire. « Au total, nous estimons que nous allons peut-être tripler le nombre d’aides débouclées dans les mois à venir. »

Ces financements servent à remplacer les parasols d’un cafetier qui ont été emportés par la crue, un four à gaz pour un ferronnier, du matériel agricole, des véhicules… Pour les professionnels qui ont perdu leurs moyens de subsistance, le Secours populaire fournit une enveloppe pour qu’ils puissent assurer la vie quotidienne, le temps de remettre l’outil de travail en place. « Ils ne peuvent pas faire face aux deux chantiers en même temps », analyse Hélène, lors d’une distribution alimentaire.

Le stress de tous les jours, de la famille, du Covid, du quotidien, fait que parfois je sature, je mélange tout, j’en perds la tête… 

Deborah, gérante du Garage Saint-Sébastien, à Breil-sur-Roya

Deborah, gérante du Garage Saint-Sébastien, à Breil-sur-Roya, vit avec sa famille dans l’incertitude. Son commerce, ouvert il y a six ans, est frappé d’un arrêté de péril. Situé au bord de la rivière, son sort dépend des décisions administratives de reconstruction des digues. « Pour le moment, la décision est repoussée de mois en mois, c’est très dur à vivre. » Elle a reçu des aides du département pour faire face aux charges de crédit et à l’abonnement du garage à EDF. « Nous ne faisons plus de chiffre d’affaires mais les coûts eux ne s’arrêtent pas. »

La famille, qui vit avec l’indemnité de travail partiel du mari, a reçu 4000 euros du Secours populaire pour le « crédit de la maison, les factures, pour manger ; bref pour le vital ». Tout dégringole rapidement, indique cette femme désemparée par la situation : « C’est très dur d’accepter d’être aidée, au moins autant que l’incertitude de la situation. Tout ça est très stressant et humainement très compliquée. Le stress de tous les jours, de la famille, du Covid, du quotidien, fait que parfois je sature, je mélange tout, j’en perds la tête… » Mais, elle fait face, comme tous les habitants des vallées. Le Secours populaire continue d’être à leurs côtés.

Les jeunes bénévoles de Nice chargent des dizaines de matelas, fournis entre autres par la fédération de l'Eure-et-Loir du SPF. Direction : Saint-Martin-de-la-Vésubie.

Les jeunes bénévoles de Nice chargent des dizaines de matelas, fournis entre autres par la fédération de l’Eure-et-Loir du SPF. Direction : Saint-Martin-de-la-Vésubie. 

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