Accompagner

  • Aide alimentaire

Dans les vallées dévastées de la Roya et de la Vésubie

Mis à jour le par Olivier Vilain
La vie reprend péniblement son cours dans les vallées de la Roya et de la Vésubie.

Depuis un mois, les habitants des vallées enclavées de la Vésubie et de la Roya, au nord de Nice, vivent avec les séquelles de la tempête Alex. Les bénévoles du Secours populaire sont présents. Ils seront là pendant encore longtemps. A l'initiative du chanteur Julién Doré, une vingtaine d'artistes lancent une tombola digitale afin de renforcer la solidarité en direction des sinistrés (voir l'encadré en bas de page).

REPORTAGE. Les pluies diluviennes de la nuit du 2 au 3 octobre ont provoqué une crue inédite qui a tout ravagé : les routes, les ponts, les commerces et l’infrastructure électrique. Des dizaines de maisons ont été ou emportées ou endommagées et, aux côtés de sept morts, on compte des centaines de familles sinistrées. Certaines ont perdu leur logement ou leur travail, tandis que d’autres quittent les vallées. Les habitants sont tributaires des pluies pour rejoindre Nice ou Menton.

« Un mois après la catastrophe, c’est comme si la mer venait de se retirer. Les gendarmes ne sont plus là, les pompiers non plus et la sécurité civile a terminé sa mission. Mais, pour les habitants, rien n’est réglé », estime Jean Stellittano, secrétaire général de la fédération des Alpes-Maritimes du Secours populaire.

Deux antennes mises en place 

Après avoir envoyé des convois d’aide matérielle (denrées, couvertures, vêtements), le Secours populaire a monté très rapidement deux antennes dans les communes dévastées de Saint-Martin-de-la-Vésubie et de Breil-sur-Roya. Des équipes de bénévoles viennent régulièrement de Nice pour acheminer des tonnes de matelas et d’appareils électroménagers.

Le long de la Vésubie, les traces du désastre sont visibles partout. Venant de Nice après de nombreux détours, l’équipe réunie par Omar, responsable de la toute nouvelle antenne locale, arrive enfin après plusieurs heures de trajet par les routes qui surplombent Saint-Martin. Elian, un grand gaillard de 17 ans, regarde en contrebas : « Oh, c’est pas possible ! Il y a un cratère au milieu du village ! Je suis venu cet été et là, à la place des maisons, il y a un trou ! ». Durant la crue, le village était devenu une île, avec en plus un torrent en furie qui la traversait de part en part, le long de la rue principale.

Ils avaient une vie installée et en une nuit tout s’arrête, leur maison est emportée

Omar, responsable de l’antenne créée à Saint-Martin-de-la-Vésubie

Avant d’entrer dans le village, construit entre deux bras de la Vésubie, la camionnette doit s’arrêter trois quarts d’heure pour laisser une pelleteuse relier la route à la piste caillouteuse qui longe la Vésubie avant d’entrer dans le village : il n’y a plus de route sur les 2 derniers kilomètres. « Il a plu toute la journée d’hier. Il y encore eu des glissements de terrain », explique Omar. « Tout peut toujours être remis en question. C’est ce qui me tue dans les témoignages des habitants. Ils avaient une vie installée et en une nuit, tout s’arrête, leur maison est emportée. »

« Je n’ai plus de maison »

Une fois la piste refaite, les bénévoles du Secours populaire doivent encore faire passer la camionnette au travers d’un torrent. De la piste, ils peuvent examiner l’ampleur des dégâts : le lit de la rivière a doublé et l’eau a décapé les berges, qui ne sont plus qu’un amas de roches et de boue. Des maisons restent en équilibre au-dessus des flots et à leurs pieds, il y a parfois un véhicule encastré.  

« Je n’ai plus de maison », commence Nathan, un jeune de 20 ans qui cherche du travail dans le BTP. « Elle était construite sur un rocher qui était censé ne pas bouger. Il a été emporté par la crue et ma maison avec. » C’est à 1h30, en pleine nuit, qu’une première moitié de la bâtisse a été arrachée. Le reste a été pris par les flots morceau par morceau. Il n’y a plus rien. Nathan s’était réfugié chez ses grands-parents, un peu en retrait. « On y a couru vers 19h, quand une vague de boue a traversé la fenêtre de la chambre. » Les glissements de terrain et les coulées de boue ont même rendu inhabitables des maisons sur les montagnes alentours, loin de tout cours d’eau.

Dans la rue principale de Saint-Martin, qui est en pente, le Secours populaire reçoit les personnes en difficulté.

Dans la rue principale de Saint-Martin, qui est en pente, le Secours populaire reçoit les personnes en difficulté.   


Tous les habitants se donnent des coups de main. Christine était en train de ranger des vêtements à l’école et arrive à la permanence du Secours populaire pour retirer un colis alimentaire, après Nathan. Elle y croise sa fille Loane, devenue bénévole auprès d’Omar. « Nous avons un salaire à la maison, pour cinq. On y arrivait avant, mais la crue a emporté le contenu des deux congélateurs et celui du réfrigérateur. » Comme elle, les gens qui viennent n’ont pas l’argent pour reconstituer leur stock ou ne peuvent pas s’approvisionner car la plupart des magasins restent fermés.

« Ces colis alimentaires apportent une aide bienvenue à ma famille », ajoute Loane, avant de recevoir une retraitée venue faire part de ses besoins : un lave-linge, un fer à repasser et une table à repasser. « On va vous livrer tout ça », répond l’adolescente de 16 ans. Beaucoup de sinistrés ont été hébergés hors de la vallée. Désormais, ils reviennent chez eux, pour ceux qui le peuvent, et découvrent les dégâts dans toute leur ampleur. « On les accompagne dans ces moments difficiles, dit Omar en servant un café à une personne venue pour de l’aide. Dans les semaines à venir, notre activité sera principalement la livraison de matériel électro-ménager et de matelas. »

Ces colis alimentaires apportent une aide bienvenue à ma famille

Loane, 16 ans, qui participe au grand mouvement d’entraide auprès des sinistrés

La catastrophe a enclenché un élan de solidarité à travers toute la France. Les fédérations du Secours populaire débloquent des fonds pour venir en aide aux sinistrés. Celle de la Côte-d’Or a apporté 21 000 euros, la fédération du Béarn et ses comités en ont donné 7 000. Tandis que les jeunes des Yvelines ont organisé une collecte en leur faveur. Et les copains du Monde de Marseille se sont rendus à Nice pour prêter main forte à leurs copains des Alpes-Maritimes pour leurs collectes. Les partenaires comme Carrefour ou Vinci et des enseignes locales fournissent des appareils électroménagers ou d’autres formes d’aide. Le chanteur Julien Doré a contacté le Secours populaire pour organiser une tombola solidaire et digitale (voir l’encadré, en fin d’article).

« On se serait cru en guerre »

A Breil-sur-Roya, 2000 habitants avant Alex, la vie n’a pas, là non plus, repris son cours. Il est midi sur la place principale quand le patron du « Café des alpins » éteint sa machine à expresso et sort quelques briques de lait sur le trottoir, ainsi qu’une dizaine de packs d’eau minérale. Puis, il ferme la porte-fenêtre de son établissement. Et son volet en bois, l’instant d’après. Deux gendarmes attendent, l’air grave, pour apposer l’arrêté municipal de péril imminent.

« Voilà, j’espère que les travaux seront faits rapidement », glisse le cafetier à sa petite-fille qui a assisté à toute la scène. « C’était le dernier café de la commune encore ouvert après que la vague géante est passé par-dessus le vieux pont et a entrainé avec elle plus d’un mètre de boue sur la place principale », explique Lyuba, responsable de l’antenne que le Secours populaire vient d’ouvrir pour venir en aide aux sinistrés dans un ancien moulins mis à disposition par Emmaüs, très active dans la vallée auprès des migrants. 

Les bénévoles stockent des denrées alimentaires, qui sont ensuite mises à dispositions des sinistrés.

Les bénévoles stockent des denrées alimentaires, qui sont ensuite mises à disposition des sinistrés.


Un hélicoptère militaire survole le centre-ville et va se poser un peu plus loin. C’est ainsi que les habitants sont approvisionnés en fioul, pour le chauffage, alors que l’hiver arrive. Le vrombissement des engins est régulier parce que seule la voie ferrée a été remise vraiment en état, pour le moment. Et des villages restent encore totalement coupés du monde, un peu plus haut. « Les semaines précédentes c’était pire, le bruit des navettes continuait sans cesse alors que sous nos yeux les rues étaient pleines de camions militaires, nous nous serions crus en guerre », se rappelle la jeune femme venue de Bulgarie pour vivre en France il y a dix ans.

Les bénévoles sont là pour longtemps

À ses côtés se tient Mathieu, un accompagnateur de montagne, qui travaille dans la vallée et qui est venu donner un coup de main : « Il y a vraiment besoin de l’implication du Secours populaire car la crue a détruit toutes les infrastructures du tourisme, ce qui faisait vivre les gens ici. »

Jean Stellittano partage cette analyse et se projette pour les deux années à venir : « Nous sommes là depuis le début et nous sommes là pour longtemps. Le Secours populaire va dispenser toutes les aides dont il est capable. Et notre ambition, au–delà, est de mettre sur pied une plateforme de coordination entre associations afin de contribuer à la reconstruction de la vallée, en parallèle de l’effort de la puissance publique. » Un chantier colossal.



Une tombola solidaire et digitale avec Julien Doré

A partir du 18 novembre prochain, plus de 20 célébrités aux côtés de Julien Doré, lancent une tombola solidaire sur karmadon.org pour collecter des fonds et soutenir la fédération des Alpes-Maritimes du Secours populaire qui oeuvre auprès des sinistrés de la tempête Alex.

La mini-moto de Julien Doré, un diner avec lui, les guitares de Nicola Sirkis ou de Louane, le manuscrit de « Je l’aime à mourir », un maillot dédicacé d’Antoine Griezman ou Nikola Karabatic… Tous ces lots incroyables sont à gagner et 100 % du montant de la tombola solidaire seront reversés au Secours populaire des Alpes-Maritimes.



 

Les bénévoles livrent des machines à laver et d'autres équipements électro-ménagers.

Les bénévoles livrent des machines à laver et d’autres équipements électroménagers.


Documents à télécharger

Thématiques d’action

Mots-clefs