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Les sinistrés du Teil prennent le large chez Disney

Mis à jour le par Olivier Vilain
Une journée de rires et de folie. Les enfants du Teil ont profité d'une journée "magique".

Mercredi 4 mars, 150 enfants et parents de familles sinistrées du Teil, une ville frappée par le séisme du 11 novembre dernier en Ardèche, étaient invités par Disneyland® Paris. Ils étaient accompagnés par 50 enfants de pompiers et leur mère. Ils ont passé une journée « inoubliable ».

« Hé, je n’ai pas vraiment regardé » devant moi parce que j’avais un œil sur mon petit frère qui n’arrêtait pas de crier. J’ai ja-mais entendu ça ! », rigole Anthony, un adolescent brun et décontracté de 16 ans. Il descend de Space Mountain, l’une des attractions phares de Disneyland® Paris, des montagnes russes simulant un voyage dans l’espace. Son frère Florenthyn, 10 ans, va bien. Un peu secoué, mais content d’avoir fait comme les plus grands. « J’ai envie de faire une autre attraction ! », leur lance Jon, 13 ans, qui se tient à côté de sa soeur Bronilda, une jeune fille de 15 ans aux cheveux courts et à la bonne humeur communicative.

Les 150 enfants et parents de familles sinistrées du Teil ont passé une journée inoubliable. Ils étaient accompagnés par 50 enfants de pompiers et leur mère. « Nous habitons pour beaucoup sur Le Teil, que nos maris soient pompiers professionnels ou volontaires. Ils se sont beaucoup investis auprès des sinistrés », indique Laurie.  La journée était organisée par la fédération du Secours populaire de l’Ardèche, avec l’aide de TGV INOUI, qui a offert le transport, et les Disney VoluntEARS, des salariés volontaires pour faire découvrir le parc à thèmes aux familles.

Des sensations fortes

Les plus petits ont profité des attractions les plus calmes (manèges des tasses d’Alice au Pays des merveilles, séance de photos avec Mickey, simulateur de vol intersidéral de la Guerre des étoiles, visite du Nautilus de Jules Vernes, etc.). Les plus grands se sont dirigés vers les sensations fortes, notamment avec la Tour de la terreur, qui simule la chute d’un ascenseur sur plusieurs étages. « On a adoré », dit l’un d’eux.

Grâce aux volontaires de Disney, les enfants et leurs parents ont fait une visite sur mesures du parc à thèmes.

Grâce aux volontaires de Disney, les enfants et leurs parents ont fait une visite sur mesures du parc à thèmes.

Depuis le séisme, Anthony et son frère vivent dans leur maison, même si sa structure a été ébranlée. « Impossible de fermer deux portes maintenant et le réfrigérateur n’a pas supporté la surtension provoquée par le séisme », explique le plus grand. Jon et sa sœur ont dû déménager. « Nous avons quitté le centre-ville car le château qui le surplombe rend le quartier dangereux », détaille Bronilda. Par pudeur, ces enfants gomment les difficultés que peuvent rencontrer des familles aux revenus faibles. La mère des premiers subvient seule aux besoins de tous en étant aide à domicile. Tandis que pour les second, le père ne travaille pas et la famille vit grâce aux heures de ménages faites par leur mère.

« Venir à Disney, ça nous change les idées, c’est clair ! », dit en souriant le dynamique Anthony, sous le regard approbateur des autres. « Au pire, je préfère être ‘‘traumatisé par une ou deux attractions que par le séisme », s’amuse, la malicieuse Bronilda. « La moitié des habitants du Teil ont des revenus inférieurs au seuil de pauvreté », cadre Claude Esclaine, secrétaire général de la fédération de l’Ardèche du Secours populaire. Et ça, c’était avant même que le séisme n’entre dans leur vie.

Des vies encore bouleversées

Son ampleur était inédite avec une magnitude de 5,4 sur l’échelle de Richter. Neuf communes ont été déclarées en état de catastrophe naturelle, mais celle du Teil (8 900 habitants) a été la plus lourdement frappée. Des quartiers entiers sont sinistrés et 2 000 personnes environ ont dû abandonner leur logement, devenu trop fragile.

Les enfants du Teil ont passé une journée qu'ils ne sont pas prêts d'oublier.

Les enfants du Teil ont passé une journée qu’ils ne sont pas prêts d’oublier.

« Une partie des gens vit en mobil-home en plein hiver, loin de chez eux, des écoles, de leurs amis. Certains craquent complètement quand on vient les voir », explique Patrick Hérault, secrétaire général du comité du Secours Populaire du Teil. Les bénévoles ne cessent de livrer du mobilier, des appareils électroménagers et des vêtements aux sinistrés qui ont tout perdu. Plusieurs dizaines de tonnes de matériel ont été distribuées.

« Heureusement qu’on a eu le séisme, sinon on ne serait jamais venu chez Disney », lance candidement une petite. Interrogés, de nombreux enfants et adolescents déclarent, de manière inattendue, qu’ils vivent mieux après le séisme. « Ils sont dans l’euphorie, aujourd’hui, entre les manèges, la parade. Mais, de retour chez eux le discours changera », assure Ophélie, une sinistrée qui est venue avec deux de ses enfants, Alisson et Lorenzo. Depuis près de six mois, les six membres de la famille habitent une maison qui leur a été prêtée jusqu’au 31 mai. Sa voix tremble légèrement : « Après, on ne sait pas où nous irons. »

Des regards et des sourires qui en disent long

Ils vivent dans une maison qui n’est pas la leur, parmi des meubles qui ne sont pas les leurs. « Le Secours populaire nous a apporté des vêtements et de la nourriture, parce que nous n’avions plus rien. » Les conditions de vie sont incertaines. Son mari suit une formation professionnelle, tandis qu’elle s’occupe de leurs deux enfants déscolarisés. « Nous habitons à 20 km du Teil désormais. Le petit ne peut pas aller à son école, tandis que le grand ne peut se rendre à son Institut médico-éducatif.

Grâce aux volontaires de Disney, les enfants et leurs parents ont fait une visite sur mesures du parc à thèmes.

Grâce aux volontaires de Disney, les enfants et leurs parents ont fait une visite sur mesures du parc à thèmes.

Pour ce dernier, les déplacements ne sont pas pris en charge par la Sécurité sociale et « l’argent manque pour faire le plein d’essence ». Même si le ciel est couvert de nuages gris et noirs, laissant passer des averses à intervalles réguliers, elle est très contente d’accompagner des enfants pour cette journée de détente. « Ça les éloigne des soucis et, moi, ça me fait du bien de reprendre mes activités de bénévoles, que je n’ai pas pu continuer aussi souvent qu’avant à cause de notre éloignement. »

Pour Patrick, les sinistrés n’ont pas fini de remonter la pente. « Les enseignants me montrent les dessins que font les plus petits. Ils sont sans équivoques : le séisme est encore dans les têtes et leur vie a été bouleversée. » Les regards et les sourires arborés par les enfants et les adolescents en disent long sur la joie ressentie au royaume de Mickey.

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