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Auprès des sans-logis, contre leur « sentiment d’abandon »

Mis à jour le par Olivier Vilain
Les bénévoles du Secours populaire continuent d'aller au contact des personnes vivant dans la rue, rendues encore plus vulnérables par la crise sanitaire.

Déja fragiles, les personnes sans domicile fixe subissent encore plus durement l'urgence sanitaire. Les bénévoles du Secours populaire sont plus que jamais attentifs à leur situation et continuent la solidarité durant la crise. Ils distribuent de la nourriture, des savons et prennent le temps d'échanger avec des personnes qui "ont ressenti un douloureux sentiment d'abandon".

Tandis que les familles se confinaient chez elles, la plupart des associations et des administrations arrêtaient leurs actions durant la semaine du 16 mars. Rien ne semblait avoir été prévu pour venir en aide aux plus vulnérables : les personnes vivant dans la rue n’ont qu’une espérance de vie de 49 ans en moyenne, elles ont pourtant été confinées… dehors.

A Paris, certaines structures publiques qui offrent en temps normal des repas ont été fermées. Idem pour les douches municipales et les toilettes publiques, qui ont d’abord été fermées, avant de rouvrir. Ces mesures posaient le problème d’absence d’alternative pour les personnes à la rue. « Certaines refusaient même de s’alimenter, dans ces conditions, de peur de devoir faire leurs besoins dans la rue », raconte Nicolas Sasu, secrétaire départemental en charge des maraudes la fédération de Paris du Secours populaire.

Les rues se sont vidées avec le confinement et les aides habituelles ont été perturbées. Les bénévoles jouent un rôle indispensable.

Les rues se sont vidées avec le confinement et les aides habituelles ont été perturbées. Les bénévoles jouent un rôle indispensable.

 

Durant la première semaine de confinement, la plupart des maraudes parisiennes se sont arrêtées, à l’exception de la Protection civile et du Secours populaire. Vivant dans des rues devenues vides, ne pouvant plus faire la manche et dépourvus d’une partie de leurs soutiens habituels, les personnes sans domicile fixe sont dans une grande détresse. « Ils n’ont plus rien si nous ne passons pas et certains nous ont confié un douloureux sentiment d’abandon », explique Nicolas.

Des équipes toujours sur le terrain

L’activité du Secours populaire doit elle aussi se s’adapter. « Habituellement, nous tenions une ‘‘permanence de rue’’ devant la gare de Reims, mais avec le risque épidémique nous avons dû cesser ce type de rassemblement », raconte Patricia Le Corvic, secrétaire générale de la fédération de la Marne du Secours populaire. A la place, les bénévoles ont effectué « un gros dépannage alimentaire » dans les squats où se réfugient les migrants, les demandeurs d’asile et les mineurs en attente de reconnaissance administrative.

 
Les conditions de vie, déjà dures en temps normal, sont encore plus dures pour les « oubliés » du confinement.

Les pouvoirs publics n’ont pas réagi partout à la même vitesse aux demandes de mises à l’abri. À Reims et à Nice, les préfectures ont réquisitionné plus rapidement qu’ailleurs des centaines de chambres d’hôtels. Le Secours populaire a donc aménagé ses actions. « Nous livrons chaque jour 350 colis d’urgence aux hôtels où les personnes ont été logées », observe Jean Stellitano, secrétaire général de la fédération des Alpes-Maritimes  du Secours populaire. À Nice, pour venir en aide à celles qui n’ont pas encore été mises à l’abri, les bénévoles font des  maraudes chaque jour, au lieu de deux fois par semaine en temps normal. « Les équipes de bénévoles tournent dans la ville pour apporter à manger aux sans-logis et nos antennes ont été réorganisées autour des colis d’urgence. »

Une grande réorganisation de l’activité

Cette transformation répond aux exigences de la crise sanitaire de réduire l’exposition des bénévoles et des personnes aidées. Les colis d’urgence évitent les déambulations et les contacts prolongés liés au libre-service alimentaire. En outre, ils permettent « de répondre aux nombreux besoins ponctuels que le confinement a fait naître aussi bien chez les familles que chez les personnes sans domicile fixe. »

« Comment font les gens à la rue pour vivre en période de confinement et d’épidémie ? » Les équipes de bénévoles redoublent d’énergie.

Partout, les mesures pour éviter de propager l’épidémie ont été prises. Les équipes de maraudes ont été réduites et équipées de masques, de gants, de gel. « Ils mettent aussi systématiquement des gilets aux couleurs du Secours populaire pour être identifiés et ainsi pouvoir se déplacer sans craindre des amendes », relève Jawida, responsable des maraudes à Marseille.

De la nourriture et des produits d’hygiène

Parfois, comme à Paris, les bénévoles « offrent des attestations de déplacement pour pallier l’absence de possibilité d’imprimer, même pour les rares personnes vivant à la rue qui arrivent à se connecter à internet », détaille Nicolas de Paris. Plus classiquement, les bénévoles apportent de la nourriture, des produits d’hygiène, des vêtements et, surtout, de l’écoute.

Les sans logis ont été les grands oubliés de la crise sanitaire. Les pouvoirs publics en ont progressivement pris conscience.

Les sans logis ont été les grands oubliés de la crise sanitaire. Les pouvoirs publics en ont progressivement pris conscience.

 

À Marseille, les bénévoles ont acheté et disposé des savons aux fontaines publiques du quartier du métro Colbert, dans le centre-ville, avec la Canebière, d’un côté, et le Vieux Port, de l’autre. « Nous discutons toujours lors des maraudes, c’est aussi important que l’apport de denrées, à mon avis », indique Jawida. Lors de l’une d’elles, la semaine dernière, un homme qui venait de recevoir un colis d’urgence la prise à témoin : « Tout le monde nous parle du virus mais nous n’avons même pas de quoi nous laver les mains pour manger sans risque. » Jawida y a repensé toute la nuit qui a suivi, avant de trouver la solution. Avec son équipe, elle repart chaque matin faire le tour du quartier : « Il nous parait crucial de ne pas nous arrêter durant cette période. »

 
L’équipe de bénévoles de Marseille a disposé des savons sur les fontaines publiques afin que les personnes à la rue puissent se laver les mains et limiter les risques d’infection.

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