Naïade Delapierre, une artiste engagée pour le Liban

Mis à jour le par Enzo Pigatto
Naïade Delapierre présente son exposition "Beirut 6:06 PM" à la galerie Mark Hachem, jusqu'au 12 avril

Le mardi 4 août 2020, deux explosions faisaient trembler Beyrouth au Liban. Naïade Delapierre, jeune artiste franco-libanaise souhaite représenter à travers son exposition cet incident, qui marquera à jamais le peuple libanais. Rencontre.

« Beirut 6:06 PM » est le nom de votre exposition. Pourquoi ce nom ?

Toute l’exposition est centrée sur l’explosion qui a eu lieu à Beyrouth, le 4 août 2020, à 18h06. C’est pour cela que j’ai choisi ce nom d’exposition. Il est impactant et pour les visiteurs il permet instantanément de savoir de quoi il s’agit. Je n’ai pas seulement voulu représenter cet évènement, mais aussi le Liban dans sa globalité. C’est un pays qui est en destruction. Il a été dévasté au fil des années par les bombardements, la guerre ou encore la corruption. C’est un évènement qui reste très récent ; avec la pandémie du Covid-19, il n’a pas été assez médiatisé. L’objectif est de conscientiser le plus de personnes possible. Je souhaitais le remettre sur le devant de la scène, pour moi il a été trop vite oublié.

Tous les dons issus de cette exposition seront reversés au Secours populaire français. Quels sont vos liens avec le SPF ?

Concernant le Secours populaire, j’ai eu l’occasion de le découvrir par le biais de ma maman. En 2013, lors de son spectacle « À corps et à cris », les bénéfices avaient déjà été reversés au Secours populaire. Dernièrement, nous avons participé au Festival des jeunesses musicales de Méditerranée, au grand théâtre de Bastia. Les bénéfices récoltés ont aussi été reversés au Secours populaire pour aider le Liban. Il faut savoir que 1 200 euros font vivre une famille de Libanais pendant un an. L’objectif est qu’avec l’aide du Secours populaire, DPNA, son partenaire au Liban, pourra utiliser cet argent de la meilleure des manières. Je ne voulais pas que cet argent passe entre les mains d’une banque ou de l’État car il aurait pu être détourné. Le Secours populaire est laïc, je sais que cet argent récolté sera redistribué à parts égales.

La destruction est toujours source de renaissance au Liban. »

Plasticienne, vous mettez votre art au service d’une cause humanitaire. Pensez-vous que l’art puisse jouer un rôle important pour changer les choses ?

Évidemment ! Je pense que l’art à énormément d’impact au sein de notre société. La culture, les vestiges ou encore les arts plastiques permettent le devoir de mémoire. L’art permet d’évoquer des sujets sensibles sans nécessiter de mots. Cela me permet d’extérioriser toutes les émotions que je peux ressentir. À travers l’art, je peux m’exprimer en y ajoutant cette touche de beauté alors que c’est un évènement très douloureux. Pour nous les artistes libanais, l’esthétique et la poésie sont essentiels à travers nos œuvres. Passer par cette beauté nous permet de mettre un masque sur les émotions que nous pouvons ressentir. C’est une facilité, plus que les mots, pour parler de cet évènement qui nous a tous marqués. La destruction est toujours source de renaissance au Liban. Le Phénix renaîtra de ses cendres.   

Après Toulouse, vous exposez actuellement à Paris. Quels sont vos projets pour les mois à venir ?

L’idée est de faire une exposition sous forme de tournée. Je viens du monde du spectacle et j’ai l’habitude de souvent me déplacer. Je souhaitais donc aussi faire une tournée avec mon exposition, même si ce n’est pas commun. J’ai commencé par Toulouse, jusqu’au 12 avril je serai à Paris à la galerie Mark Hachem. Je serai ensuite à Marrakech tout le mois de mai. Au mois de juin et juillet, je serai à Arles durant le festival de la photo. L’objectif final est de fixer des dates pour Dakar et Beyrouth. Pouvoir exposer à Beyrouth me permettrait de m’imprégner encore plus des ressentis de la population. Échanger avec eux sur la situation me donnerait encore plus de matière pour recréer les émotions au moment de l’explosion. Il y a tellement eu de suppositions que je ne connais pas la cause réelle de cette explosion, c’est une désinformation constante. J’ai une distance puisqu’au moment des faits, je n’étais pas sur place. Pour autant, j’ai tout de même énormément de sensibilité par rapport à la situation actuelle.

Récemment, le Conseil des ministres du Liban a approuvé la destruction du bâtiment des silos à grains du port. Les familles de victimes et les survivants veulent eux conserver ce bâtiment; quel est votre avis sur ce sujet de controverse ?

Il est vrai qu’actuellement, il y a encore énormément de bâtiments criblés de balles datant de la guerre. Cela donne une beauté à la ville, mais pour les Libanais, de douloureux souvenirs du passé peuvent réapparaitre. C’est comparable à l’art, je pense que c’est important de garder ces traces du passé pour éviter que cela se reproduise dans le futur. J’ai tout de même l’impression que l’histoire se répète au vu de la situation actuelle du Yémen ou encore de l’Ukraine. Il est nécessaire d’avoir une reconstruction pour que les habitations soient rendues à nouveau habitables, mais il est important de garder une empreinte de cette catastrophe.

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