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« La musique, c’est toute notre vie »

Mis à jour le par import
Stephan, Anahit, Gayane, ainsi que les autres musiciens, sont tous engagés dans des actions de solidarité

L’orchestre Pop en notes, dont les musiciens ont tous en commun le statut de réfugiés ou de migrants, se retrouve toutes les semaines dans un local mis à disposition par le Secours populaire à Strasbourg pour partager leur passion de la musique.

« On ne quitte pas sa terre, sa famille, on ne tourne pas le dos à une vie entière par envie, mais pour survivre », lance avec gravité Stephan, de Russie, la guitare à la main.« Nous avons pu renouer avec notre amour de la musique grâce au Secours populaire français. Pendant ces répétitions, nous oublions durant quelques heures par semaine nos galères.»​

L’orchestre Pop en notes, dont les musiciens ont tous en commun le statut de réfugiés ou de migrants, n’est pas au complet, ce jeudi 20 septembre. Peu importe, les cinq chanteur et musiciens sont heureux de se retrouver pour ce moment où la musique suspend le temps et ressuscite les âmes abimées. C’est en 2015, dans le quartier de Neuhof, que deux bénévoles de l’association, Frank et Marie-Thérèse, initient cette formidable entreprise portée par le Secours populaire à Strasbourg : rassembler des musiciens – par-delà les origines, les parcours semés d’embuches – et les faire remonter sur scène.

L’aide inconditionnelle au nom de la dignité

L’aide aux migrants et aux réfugiés n’est pas une nouveauté au Secours populaire. Déjà, dans les années 1970, l’association avait soutenu les réfugiés chiliens et espagnols qui fuyaient les dictatures de leur pays. Dans le contexte actuel, l’association, agréée d’éducation populaire et reconnue d’utilité publique, réaffirme haut et fort que sa mission est d’apporter une aide inconditionnelle à toute personne en situation de détresse, quels que soient son pays d’origine, sa situation ou son statut. « Aujourd’hui, nous faisons face à une nouvelle crise humanitaire», déclare Marie-Thèrèse, qui enseigne le français à des demandeurs d’asile.

Etre à l’écoute des besoins de chacun

Comme ici à Strasbourg, le Secours populaire intensifie ses actions de solidarité auprès des migrants-réfugiés dans tout l’Hexagone, mais aussi dans de nombreux pays comme au Liban ou en Irak. Comme le note Bernard, bénévole en charge de l’aide alimentaire à Strasbourg, « être à l’écoute des besoins de chacun, c’est avant tout respecter l’humain dans sa globalité. »

Soutenir ainsi la pratique d’un art est facteur de résilience*. « La première fois que j’ai rencontré Anahit, elle n’avait pas de ressources. Elle vivait des choses vraiment dures. Un jour, après un cours de français, elle s’est épanchée et nous a confié qu’elle avait été une grande violoncelliste en Arménie», explique Marie-Thérèse. Très vite, l’artiste raconte que dans son voyage infernal, elle a perdu son complice, son cher ami : son violoncelle. Grâce aux bénévoles du Secours populaire, Anahit  a désormais un violoncelle à disposition. Elle dit qu’elle « a retrouvé sens à l’existence », car « la musique, c’est toute notre vie » !  

Rassembler les bonnes volontés

La musique est cette connexion formidable au passé mais aussi aux autres, elle crée du lien social et de citoyenneté. Tous les membres de l’orchestre sont aujourd’hui bénévoles. Avec Marie-Thérèse, notamment, ils participent dans la joie et la bonne humeur aux activités de solidarité et organisent les concerts. La violoniste, Gayane, ex-concertiste en Arménie, voudrait pouvoir enseigner, à Strasbourg, la musique aux enfants des familles défavorisées. Elsa, ancienne directrice du département de piano du conservatoire de Shkodra, en Albanie, est volontaire pour donner des cours à des petits qui n’ont pas accès à la culture. Elle vient d’avoir sa carte de séjour, un soulagement. Comme ses amis, elle rêve à des lendemains meilleurs : « Demain, elle sera de nouveau professeur de piano et vivra de la musique. »

*Résilience : Faculté à « rebondir », à vaincre des situations traumatiques.