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L’immigration, des repères en Séminaire populaire

Mis à jour le par Olivier Vilain

Pour donner des repères sur le thème de l'immigration, le Secours populaire a organisé un séminaire populaire le 27 septembre dernier à Paris, avant le débat sur ce thème au Parlement. Le démographe Hervé Le Bras, la chercheuse Catherine Vihtol de Wenden et l'ancienne eurodéputée Marie-Christine Vergiat, ainsi que deux responsables du Secours populaire ont dressé un constat très documenté et humaniste de la question.

1- L’immigration, une image déformée

Les statistiques ne montrent pas un afflux incontrôlé de migrants, une submersion comme l’évoquent nombre de discours d’élus ou de journalistes. En prenant à la fois en compte les entrées et les sorties du territoire pour chaque année, le solde migratoire est d’environ 60 000 personnes en moyenne, soit 0,1% de la population totale, relève Hervé Le Bras, démographe (INED, émérite) et historien (EHESS). « C’est un phénomène qui reste très faible, surtout dans la période actuelle de globalisation », ajoute-t-il avant de relever une autre distorsion : la provenance des migrants. Les discours publics associent constamment les termes « immigration » et « Afrique » (du nord ou sub-saharienne). « En réalité, plus de la moitié des entrées sur le territoire est le fait d’européens ou de Français. Ces derniers vivaient jusque-là à l’étranger et rentrent juste chez eux. » En, outre, les migrants sont en général plus qualifiés que la moyenne des Français, souvent « ils sont même très qualifiés ».

2- Les migrants, une force pour le bénévolat.

La fédération du Bas-Rhin du Secours populaire a voulu battre en brèche le stéréotype selon lequel « accueillir des migrants, c’est un problème », explique Camille Vega, son secrétaire général. « Depuis que nous les avons intégrés à l’équipe de bénévoles, nous n’avons jamais été aussi dynamiques ! Ils participent à la boutique solidaire, au tri, au libre-service alimentaire, au potager solidaire, à l’atelier cuisine, à deux orchestres… C’est même l’un d’entre eux venu du Soudan qui donne les cours de français pour adultes. » Ils ont ainsi une autre place que celle de « la personne qui a besoin d’aide ». Certains font partie des instances locales de direction de l’association, ils y apportent « un regard précieux » sur la précarité et la migration, telles qu’ils l’ont vécu ou la connaisse encore.

3- Le mythe de « l’appel d’air »

Souvent évoqué dans les débats publics l’« appel d’air », qui encouragerait l’arrivée en nombre de population des pays pauvres vers les pays riches, n’a jamais été ni observé ni démontré.  « Croire en ‘‘l’appel d’air’’, c’est faire comme si les migrants qui arrivent à Calais venaient là après avoir mesuré les aides sociales ou le climat. Non, c’est juste en face de Douvres, c’est tout », ironise Catherine Wihtol de Wenden, spécialiste des politiques migratoires (CNRS, Sciences Po) et marraine du Secours populaire.

La chercheuse a aussi passé en revue les stéréotypes négatifs attachés à la figure du migrant. « Ce qui est le plus frappant est la persistance de ces clichés depuis le 19e siècle alors que l’origine des migrants varie énormément, des Polonais des années 30 aux Algériens des années 60, en passant par les Syriens actuels. » Celui selon lequel les migrants représenteraient une charge pour la société est empreint de mauvaise foi. « Toutes les études scientifiques montrent que cela n’est pas le cas. De toutes façons, faire partie d’une société implique à la fois des coûts (santé, éducation, logement, etc.) et des apports (travail, impôts, consommation, etc.). » Alors pourquoi distinguer parmi la population les seuls migrants si ce n’est pour leur nuire ?

4- La violence du parcours des mineurs migrants

« À Lyon, nous avons mis en place une permanence pour les migrants mineurs et isolés, présente Sébastien Thollot, secrétaire général de la fédération du Secours populaire du Rhône. À travers cet espace d’accueil, nous les aidons à répondre à leurs besoins vitaux : alimentaires, scolaire, loisirs… Ils arrivent après avoir été soumis à tous les dangers en Lybie et après avoir traversé la Méditerranée au péril de leur vie. » Ces jeunes sont totalement démunis et doivent entamer un parcours administratif long, souvent marqué par l’arbitraire, pour se voir reconnaitre le droit d’être mis à l’abris comme n’importe quel autre mineur qui serait seul et livré à lui-même. « On sent une crispation du côté de l’administration alors que la filière de l’hébergement est totalement saturée par 15 000 enfants migrants. Il s’agit d’une crise de l’accueil et non pas comme on l’entend tout le temps d’une crise ‘‘migratoire’’. » Il serait temps que la France soit à la hauteur de sa signature de la Convention internationale des droits de l’enfant, entrée en vigueur il y a 30 ans.

5- L’Europe, plus grande zone d’émigration

« Les chiffres existent. Ils sont calculés par l’ONU, mais sont très peu connus », commence Marie-Christine Vergiat, vice-présidente de la LDH : 60 millions de migrants dans le monde sont nés en Europe. « Rapportés à la population européenne, cela fait de notre continent la zone du monde de la plus forte émigration. Par comparaison, les migrants arrivés en Europe, ces dix dernières années, représentent 2,5 millions, dont 250 000 en France », poursuit l’ancienne eurodéputée, dont le travail sur les questions des droits de l’Homme est reconnu.

Elle dénonce une partition du monde en train de se faire, entre pays riches dont les ressortissants voyagent, traversent les frontières et les pays pauvres dont les habitants ne se voient pas reconnaitre leur droit à la libre circulation. « Les migrants qui arrivent ici le font au péril de leur vie et de manière illégale pour une raison simple : l’Europe a fait disparaitre toutes les voies d’arrivée reconnues, à l’exception du droit d’asile, parce que les gouvernants ne veulent pas les laisser venir. » Si les voies légales avaient été maintenues, aucun migrant n’aurait pris le risque de passer par la Lybie ou de traverser la Méditerranée sur des embarcations de fortune.

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