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Séminaire populaire : le point sur ‘‘l’engagement bénévole’’

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Les activités bénévoles prennent des formes multiples. Ici, un agriculteur accueille pour une Journée Bonheur des familles aidées toute l'année par le Secours populaire de Lons-le-Saunier (Jura)
Les activités bénévoles prennent des formes multiples. Ici, un agriculteur accueille pour une Journée Bonheur des familles aidées toute l'année par le Secours populaire de Lons-le-Saunier (Jura). @N. Bardou/SPF

Le Secours populaire a mené un séminaire populaire sur le thème de l’engagement à quelques semaines de son 39e congrès, qui s’intitulera « Ensemble, engagés pour un monde plus juste et plus solidaire ». Si l’engagement bénévole est plébiscité dans les enquêtes d’opinion, depuis plusieurs années le monde associatif indique souvent qu’il est difficile de garder les bénévoles. Comment expliquer ce hiatus et dépasser les enjeux qui pèsent sur le monde associatif ?

L’irruption du Covid-19 a été l’occasion d’un regain d’engagement. Toutes les associations ont vu des gens se proposer pour ‘‘donner un coup de main’’, répondre aux urgences… « On a été bluffés par l’engagement des jeunes des quartiers [populaires] », se rappelle Ryadh Sallem, président de Cap sport art aventure amitié, un partenaire du Secours populaire qui œuvre pour une vision positive du handicap. C’est très en décalage avec l’image d’Epinal de ces jeunes. « Ils nous ont aidés à cette époque-là. On avait des personnes handicapées qui malheureusement se retrouvaient un peu isolées. » En effet, leurs aidants n’étaient pas là, soit par peur de sortir, soit parce qu’ils avaient le Covid-19, soit parce qu’il était interdit de quitter son domicile.

« Avec ces jeunes, on a pu leur faire leurs courses, leur ménage », confie le champion de basket-fauteuil. Dans la salle, le public est attentif. Parmi les participants, Yannick Blanc, vice-président de La Fonda, s’intéresse aux motivations des bénévoles, comme celles des jeunes évoqués par Ryadh Sallem. « Ce que nous cherchons les uns et les autres, et notamment ce que cherchent les jeunes, ce qui est au cœur de leur démarche, c’est le pouvoir d’agir », une notion venue du travail social. « Nous voulons développer notre capacité, reprend-il. Nous ne voulons pas nous subordonner ou nous soumettre à une organisation qui serait plus grande que nous et qui nous annoncerait des lendemains qui chantent. »

« Nous devons de plus en plus donner une place à la singularité de chacun »

C’est un changement par rapport à la modalité de l’engagement traditionnel. Il y a quelques décennies, le militant se fondait dans la masse d’une organisation. Aujourd’hui, s’engager, c’est se réaliser en tant que personne, se réaliser en tant qu’individu, se voir reconnu, souligne le vice-président de La Fonda : « Nous sommes plus que jamais dans une société où, pour construire du commun, pour construire du collectif, nous devons de plus en plus donner une place à la singularité de chacune des personnes qui rentrent dans notre collectif. »

C’est ce qu’a vécu Cloé Torel, bénévole au Secours populaire à Avignon. Enfant, elle est devenue membre de « Copain du Monde ». « J’ai testé. J’ai aimé. » Dès qu’elle ne se plaisait plus dans le bénévolat des enfants acteurs de la solidarité, les bénévoles adultes lui trouvaient « tout de suite quelque chose » qui allait l’intéresser : maraudes de Noël auprès des sans-logis, mission humanitaire suite à l’ouragan Irma qui avait frappé les Caraïbes en 2017…  Petit à petit, Cloé s’est impliquée dans l’organisation du mouvement. Elle devient d’abord référente nationale de « Copain du Monde », référente nationale jeune et aujourd’hui, « je suis référente du groupe jeunes de ma fédération [Vaucluse] et du mouvement ‘‘Copain du Monde’’ ».

Un parcours exemplaire car le monde associatif a du mal à retenir les bénévoles pour qu’ils prennent des responsabilités dans leurs organisations : ces dernières décennies, « nous n’avons cessé d’entendre dans le monde associatif un discours d’inquiétude, de regrets, de lamentations : ‘‘On ne trouve plus de bénévoles, c’est de plus en plus difficile. Les gens sont individualistes, ils ne veulent plus s’engager’’ », avance un brin critique Yannick Blanc, qui invite les associations et leurs membres à s’interroger sur le fonctionnement, souvent pyramidal, de ces premières : « Dans nos associations, on ressent en permanence une difficulté à recruter, fidéliser des militants engagés, notamment dans les fonctions de gouvernance associative. »

Le séminaire populaire sur « l’engagement » se tenait, le 27 juin, au Comité national olympique et sportif français, à Paris, devant un public attentif. @J-M.Rayapen/SPF

Alors que l’engagement est une valeur omniprésente dans la société. Les enquêtes auprès des Français, notamment auprès des jeunes, sur leurs valeurs montrent que « l’engagement » est une valeur reconnue par une immense majorité, entre 75 % à 80 % d’entre eux. Logiquement, la participation au bénévolat mesurée par La Fonda et l’Insee, entre 2002 et 2017, a été multipliée par deux et demi. Ainsi, un grand élan de solidarité s’est manifesté à l’arrivée de l’épidémie de Covid-19. De nouveaux bénévoles sont arrivés en nombre. Au Secours populaire, ils sont ainsi passés de 80 000 à 90 000.

Ère de confiance, ère de défiance

Cette force, liée à l’attrait du bénévolat, de l’envie d’agir sur la société, pour être sauvegardée doit orienter le monde association loin de l’organisation sur le modèle de l’entreprise, loin d’un système d’appel d’offres, selon Jean-Baptiste Jobard, le coordinateur du Collectif des associations citoyennes. Ce dernier voit aussi une autre cause qui devrait porter les associations à se concerter : les rapports qui se tendent, parfois, avec les pouvoirs publics, entre les interdictions des unes et les suppressions de subventions sur intervention d’un préfet. « L’ère de la confiance ouverte par la loi de 1901 fait place à une ère de défiance », depuis une dizaine d’année.

Pour Joëlle Bottalico, secrétaire générale nationale adjointe du Secours populaire, vice-présidente du Haut Conseil à la Vie Associative de 2011 à 2021 : la société a besoin du monde associatif qui permet de construire « ensemble la place que peut prendre chacun ».