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« Copain du Monde »: 30 ans et toujours l’envie de changer le monde

Mis à jour le par Olivier Vilain
Plus de 200 délégués de Copain du Monde se sont réunis du 17 au 19 août à Disneyland Paris pour fêter les 30 ans du mouvement. Après un tour dans le parc, ils ont réfléchi aux moyens de pratiquer la solidarité en France, en Europe et dans le monde

Quel anniversaire ! Du 17 au 19 août, plus de 200 enfants et adolescents ont fêté les 30 ans du mouvement « Copain du Monde » à Disneyland Paris. Des journées pour s’amuser, bien sûr, mais aussi pour créer des ponts entre des enfants de pays et d’expériences très différents.

« Il vaut mieux apprendre aux enfants à s’aimer plutôt qu’à se détester, à se connaitre plutôt qu’à se haïr. » Ces mots, Julien Lauprêtre, l’ancien président du Secours populaire français, les a répétés depuis la création de « Copain du Monde », en 1992. Ils résument la philosophie de ce mouvement créé à la suite de l’adoption par presque tous les Etats membres des Nations unies de la Convention internationale des droits de l’enfant. Le but étant de permettre aux enfants « d’être des acteurs de la solidarité », comme le rappelle Thierry Robert, Secrétaire national du Secours populaire et premier responsable de Copain du Monde.

Cette année, pour cet anniversaire, 200 délégués « Copain du Monde » se sont réunis trois jours à Disneyland Paris pour un programme chargé.  Ils sont venus de tous les départements français mais aussi de plus d’une dizaine de pays étrangers (Afrique du Sud, Liban, Maroc, Pologne, Palestine, Salvador, etc.). Au programme : premier jour, détente et découverte des attractions alors que les enfants vivent bien souvent dans des familles confrontées à la pauvreté. Deuxième jour, ateliers d’échanges sur des programmes de solidarité. Troisième jour, restitution des ateliers.

Léonore et Zaïna sont tout sourire, le 17 août au soir, dans les couloirs de l’hôtel New York à côté du parc de loisirs. Originaires de Lyon, elles sont épuisées mais heureuses de la journée passée dans les attractions. « Moi, j’ai préféré la Hollywood tower, c’est le manège qui m’a donné le plus peur de toute ma vie », s’enthousiasme Léonore, qui aime les sensations fortes : l’attraction est constituée d’un ascenseur gigantesque qui, une fois arrivé en haut, ouvre ses portes en donnant la vue sur tout le parc. « Et là, ça descend d’un coup ! », frissonne-t-elle encore, ravie.

Un programme entre manèges et ateliers

Le lendemain, après une nuit passée à l’Hôtel Davy Crockett, les deux filles vont au « café populaire », un atelier où elles découvrent Zhipo, un jeune adolescent de 11 ans, en train d’expliquer avec beaucoup de conviction comment en Afrique du Sud, il mène avec une trentaine de « Copain du Monde » réunis par Valued Citizens, le partenaire local du Secours populaire, un programme de prévention contre la drogue dans les écoles des townships de Johannesburg. « C’est très intéressant parce qu’ils mènent des actions dans un contexte où la pauvreté est beaucoup plus grande », retient Zaïna. A côté, c’est de jeunes venus du Salvador qui présentent leur programme pour apprendre à d’autres enfants comment ménager l’environnement naturel qui entoure leurs villages.

Joanna, venue de Pologne avec Agnieszka, Wiktoria, Marcelina et Maja, n’a rien perdu de cette présentation. « Comment favoriser la prise de conscience sur l’éducation à la santé, à la nourriture… C’était très détaillé et nous avons beaucoup appris en peu de temps finalement. » En retour, Maja – casquette et t-shirt blancs, cheveux longs qui laissent voir les oreilles – a raconté sa participation à des distributions alimentaires auprès des réfugiés ukrainiens de denrées fournies par le Secours populaire. « C’était très triste de voir ces longues files de réfugiés fuyant la guerre », explique la jeune fille de 11 ans.

« Certains d’entre vous sont nés dans des pays en guerre, d’autres en ce moment connaissent la guerre, qui s’accompagne de la misère et de la pauvreté », rappelle un peu plus tard Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire, lors d’un discours où elle rappelle aux participants le sens de leur présence : « Construire un monde plus solidaire et si possible solidaire en lui-même, reste l’objectif et cet enjeu considérable est entre vos mains. » Les clubs « Copain du Monde » permettent ainsi aux enfants de s’organiser et de se projeter dans l’avenir, en accord avec d’autres jeunes. « Le bénéfice de ce type de projet, n’est, en effet, plus à prouver », rappelle Emmanuel Porte, chercheur à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, en charge de l’éducation populaire.

Des « ponts de l’amitié » construits

L’après-midi, place aux jeux pour stimuler le bien-être et la créativité. Les enfants pouvaient faire tour à tour un atelier dessin ; un autre pour apprendre à créer un podcast (une émission radio écoutable à tout moment car elle est stockée sur Internet). Certains, comme Zaïna, toujours très attentive, ont participé à l’atelier théâtre. « On a pu y exprimer des émotions comme la tristesse ou la colère. » Une fois les mots mis sur ces sentiments, les enfants peuvent mieux travailler sur les faits qui les ont suscités, comme le harcèlement qui était l’un des thèmes des improvisations présentées. A l’atelier Kapla, les jeunes ont construit des ponts « de l’amitié » avec ces petits morceaux rectangulaires en pin des landes. Ils doivent se concerter et recommencer quand la réalisation perd l’équilibre et s’effondre. « C’est un peu stressant parfois », confie Lellya, venue de Corse.

Ailleurs, deux journalistes du magazine Okapi ont présenté à une vingtaine d’enfants leur métier en expliquant les règles à suivre pour écrire un article, au premier rang desquelles la vérification des informations et le croisement des sources.  Très pédagogues, Jean-Yves et Emmanuel ont répondu à des questions comme « c’est quoi une propagande ? » posée par Ali, ou « qui décide qu’une information est vraie ? » de Nafissa, 12 ans, venue du Loiret. « Oui, parce que sur Internet, je vois passer plein de fausses infos, alors je me demande comment les journalistes font pour les départager des vraies. » De quoi aiguiser leur esprit critique et avoir de meilleurs outils pour appréhender le monde que ces enfants veulent transformer.

Un événement suivi aux quatre coins du monde

Transformer le monde, le rendre plus humain, cette idée est revenue sans cesse. « Parce qu’il y a beaucoup de pauvreté, même en France, observe Léonore. On le voit surtout dans la rue avec les gens qui dorment dehors. » Avec ses copines, elle veut faire des collectes et lancer des actions de solidarité. « Ensemble, avec des personnes de cultures et de langues différentes, on est plus fort pour ça », s’accordent les deux jeunes filles, Léonore et Zaïna, qui ont été dans un village Copain du Monde cet été découvrir « comment vivent d’autres enfants ».

L’événement est suivi au-delà des frontières, via les réseaux sociaux. « On a une formidable caisse de résonnance », se félicite Jérémie, de Madtwoz Family Association, le partenaire du Secours populaire, qui montre fièrement que plus de 400 enfants suivent les vidéos de cette rencontre sur les réseaux. Ils vivent dans le quartier le plus pauvre de l’île de Saint-Martin. « Les autorités m’ont averti que nous sommes attendus au retour avec toute la presse locale. L’occasion de faire bouger les choses en faveur des jeunes. »