Copain du Monde

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« Prendre conscience de la souffrance des autres, c’est être humain »

Mis à jour le par Olivier Vilain
Le romancier Yasmina Khadra est le parrain de la campagne du Printemps de la solidarité mondiale du Secours populaire. "J’espère être à la hauteur de cette mission absolument nécessaire. Ne pas être dans la solidarité serait être étranger à soi-même."

Écrivain algérien, vivant en France et rencontrant un succès mondial, Yasmina Khadra a accepté d’être le parrain de la campagne 2022 de solidarité internationale du Secours populaire. Il nous explique pourquoi et appelle chacun à être en éveil sur ce qui se passe autour de lui.

Pour quelles raisons êtes-vous devenu le parrain de la campagne du Printemps de la solidarité internationale du Secours populaire ?

Je ressens beaucoup d’enthousiasme ; ce n’est ni un privilège, ni une contrainte mais un devoir. Je suis un romancier algérien et, cette année, je suis le parrain de cette campagne. J’espère être à la hauteur de cette mission absolument nécessaire et juste parce que ça m’interpelle, me touche, me donne une raison d’exister ; car ne pas être dans la solidarité, c’est être étranger à soi-même. Rendez-vous compte de la situation : une partie énorme de la population gagne moins de deux euros par jour alors qu’en même temps, une poignée de gens concentrent des richesses inimaginables. Ce n’est pas possible, ça ne peut pas durer. Le Secours populaire est partout où il y a un appel à la solidarité, partout où des gens souffrent. Les humanistes sont en Afrique, en Asie, etc. Ils ont renoncé à leur statut. Ils sont là jour et nuit pour apporter une aide permanente aux populations.

Concernant la solidarité internationale, quels sont les thèmes qui vous viennent à l’esprit immédiatement : la lutte contre le racisme ? l’accueil des migrants et des réfugiés ? les droits des femmes ?…

Le Secours populaire agit partout contre toutes les tragédies humaines : la pauvreté, la guerre, les catastrophes naturelles, l’obscurantisme… Ce qui me touche le plus est l’énergie que l’association déploie pour les enfants. Avec les villages « Copain du Monde », ils découvrent l’art de vivre ensemble et de découvrir des amis d’un peu partout. A travers cela, le Secours populaire leur apporte aussi de l’apaisement, et c’est important. Chacun d’entre eux doit apprendre qu’il n’est pas seul, même si la société où il évolue est disloquée. Les enfants d’aujourd’hui feront le monde de demain, si bien qu’un enfant équilibré, c’est déjà un pas vers des lendemains qui chantent, je trouve.

La guerre c’est comme les ouragans, chaque ouragan a un nom différent mais les dévastations sont les mêmes

Vous dites, en substance, dans le texte que vous avez transmis au Secours populaire : « S’il n’éprouve pas le besoin d’aider les autres, l’être humain n’aura pas compris grand-chose à sa présence sur terre. » Le bénévolat et l’engagement sont donc pour vous très importants ?

C’est un appel à la conscience humaine ! Je trouve aberrant que l’on puisse passer devant une misère et ne pas s’attarder dessus ; que l’on puisse balayer une main tendue d’une chiquenaude. Vous savez comment Jean-Jacques Rousseau définit l’animal ? Comme « une créature dont la douleur se limite à sa propre souffrance ». Si un être humain souhaite un jour dépasser ce stade animal, il faut qu’il prenne conscience de la souffrance des autres.

Je me reconnais dans le travail du Secours populaire qui m’invite à l’éveil sur ce qui se passe autour de moi

La guerre, les conflits, traversent votre œuvre littéraire. Il y en a une trentaine en cours dans le monde, mais pensiez-vous qu’on la retrouverait un jour en Europe, comme on le voit en Ukraine ?

La guerre c’est comme les ouragans, chaque ouragan a un nom différent mais les dévastations sont les mêmes. Parmi les jeunes Ukrainiens ou Russes qui se sont fait tuer, il y en avait des centaines, des milliers, qui n’attendaient que de pouvoir assister aux matchs du championnat d’Europe de foot. Maintenant, il n’y a plus que la mort. La guerre est quelque chose qui prouve à mes yeux que nous sommes restés dans la bestialité, car qu’est-ce que c’est qu’une guerre à part la visibilité que se donne les mâles dominants ? Tant qu’il y aura des chefs d’État qui ne pensent qu’à leurs intérêts au lieu de faire ‘‘œuvre utile’’, il y aura la guerre, car le monde est imparfait. Mais nous, les gens ordinaires, nous avons une mission très importante : celle de faire face à ces imperfections.

Lors d’une séance de dédicace et de collecte, fin février à Deauville, vous avez parlé de solidarité aux côtés des bénévoles du Secours populaire. Comment voyez-vous, pour les semaines à venir, votre rôle de parrain de l’association ?

A vrai dire, je ne crois pas que j’apporte grand-chose au Secours populaire, à part peut-être la représentation de n’importe quel citoyen interpellé par la souffrance qui se déclare ailleurs. Le Secours populaire est une énergie, une force, une conviction, on est là juste pour être à la hauteur de cette conviction. Mon travail d’écrivain est de porter un éclairage, je me reconnais dans le travail du Secours populaire qui m’invite au partage et à la solidarité, à l’éveil sur ce qui se passe autour de moi. Cette empathie, je la cultive comme un petit jardin d’Eden.

Yasmina Khadra, parrain de la campagne du Printemps de la solidarité mondiale 2022

Yasmina Khadra, parrain de la campagne du Printemps de la solidarité mondiale 2022