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Valence : « La vie continue, l’espoir peut reprendre »

Mis à jour le par Pierre Lemarchand
Dès le lendemain de la catastrophe, les bénévoles de la Cepaim se sont portés sur les lieux – ici, le 4 novembre, à Benetusser – afin d'aider les populations.
Dès le lendemain de la catastrophe, les bénévoles de la Cepaim se sont portés sur les lieux – ici, le 4 novembre, à Benetusser – afin d'aider les populations. Trois mois après, ils sont toujours auprès des populations. ©Cepaim/SPF

Le 29 octobre, des inondations historiques causées par une « goutte froide », phénomène météorologique d’une ampleur inédite, ont dévasté l’est de l’Espagne. Le Secours populaire a immédiatement pris attache avec ses partenaires espagnols pour leur exprimer sa solidarité et les accompagner dans la mise en place de programmes d’aide dans la région de Valence, la plus touchée. Trois mois jour pour jour après le drame, nous rencontrons un de ces partenaires, la Cepaim. Abdelkader Atef el Mesari, qui y coordonne les actions de soutien aux populations sinistrées, répond à nos questions.

Le 29 octobre, une « goutte froide » a ravagé une partie de l’Espagne. Quel souvenir avez-vous de cette journée et comment a réagi la fondation Cepaim[1] ?

La journée avait commencé normalement avant de basculer dans l’horreur. Je me souviens de l’angoisse de ne pas pouvoir contacter ma famille, mes amis, mes collègues. Le nombre de morts augmentait de minute en minute, et nous ne pouvions prendre de nouvelles de personne… Inévitablement, on imagine le pire. Dès que les connexions ont été rétablies, nous avons pris des nouvelles de nos collègues et des personnes que nous aidons et accueillons dans nos différents centres, afin de nous assurer que tout le monde était vivant. C’est finalement le cas, même si des membres de l’équipe ont été sinistrés et restent très choqués. Nous avons créé une unité « dana » (« goutte froide »), dont le pilotage m’a été confié, ainsi qu’à ma collègue Marta Alcantara, la directrice de la fondation à Valence. Nous nous sommes mis très vite au travail, en répartissant des groupes de volontaires sur différentes zones sinistrées de la région de Valence où la Cepaim possède des points d’ancrage. Notre centre de Gandia, par exemple, s’est transformé en plateforme logistique. Bien sûr, nous nous sommes coordonnés avec tous les autres acteurs de l’aide. 

« Pour les sinistrés, le premier besoin était d’avoir quelqu’un à qui parler, une épaule sur laquelle pleurer. »

En quoi a consisté le travail de ces petites équipes mobiles de bénévoles ?

Dès le 30 octobre, elles sont allées de maison en maison, d’appartement en appartement, afin de recenser les besoins. Outre ce travail de diagnostic, elles ont pourvu à la distribution de colis de nourriture et la fourniture de matériel de nettoyage. Les personnes âgées ont été particulièrement sensibles à ces visites ; malgré leur âge et leur expérience, elles n’avaient jamais vécu telle catastrophe. Pour les sinistrés, le premier besoin était d’avoir quelqu’un à qui parler, une épaule sur laquelle pleurer. « Je suis là, avec toi, pour toi, dis-moi ta souffrance » : c’est cela, les premières paroles qu’on dites les membres de nos équipes. Puis : « Dis-moi ce que je peux faire pour toi, comment je peux t‘aider ». Ces rencontres individuelles nous ont permis d’identifier les besoins de chaque foyer : des vêtements pour les enfants, un rendez-vous chez le médecin, un soutien juridique, un accompagnement administratif, une démarche auprès des assurances ou de la police, etc. Enfin, nos équipes ont aussi aidé à déblayer, pomper l’eau, évacuer l’eau et la boue. C’est une aide multiple et sur le long terme, une démarche d’accompagnement.

« C’était un signe fort qu’au chœur du chaos, nous puissions créer un oasis de tranquillité, de bienveillance et de paix. »

Quand s’est fait le lien avec le Secours populaire ?

Très vite. On était au cœur de l’action quand on a reçu un message de solidarité et de soutien du Secours populaire, c’était tout de suite après le drame. Dès novembre, une mission du Secours populaire est venue à notre rencontre et nous avons imaginé ensemble plusieurs actions pour les sinistrés. La première d’entre elles s’est déroulée le 3 janvier, jour des Rois Mages. Avec Marta, nous désirions chasser un temps la tristesse, inviter la joie dans la vie des personnes sinistrées et traumatisées, et faire quelque chose de spécial pour les enfants qui étaient désœuvrés, d’autant plus qu’ils ne pouvaient plus aller à l’école. Dans le cadre de la campagne des Pères Noël verts, nous avons organisé en un temps record – et avec beaucoup d’enthousiasme ! – une fête pour Noël et l’Épiphanie, dans un village voisin de Valence, Catarroja. Les familles ont participé à l’organisation : l’implication des personnes, c’est quelque chose qui nous importe beaucoup au sein de la Cepaim. Nous avons invité un magicien, une conteuse, on a fait des crêpes, mis en place des activités artistiques. Et, bien sûr, on a prévu des cadeaux pour les enfants. Quel bonheur que cette fête ! Pour les familles, ça a été l’occasion de s’amuser mais aussi de libérer toute l’émotion contenue depuis la catastrophe. Il y a eu beaucoup de larmes de joie. C’était un signe fort qu’au chœur du chaos, nous puissions, ensemble, créer un oasis de tranquillité, de bienveillance et de paix. Cela peut sembler modeste – une après-midi de fête pour 250 enfants et leurs familles – mais le symbole, lui, est très puissant : la vie continue, l’espoir peut reprendre.

Le 3 janvier,2025, pour l’Epiphanie, la Cepaim a organisé, avec le soutien du Secours populaire, une grande fête pour 250 enfants sinistrés et leurs familles. ©Cepaim/SPF

« L’idée est de proposer un accompagnement au cas par cas, couvrant les champs sanitaire, social, juridique, administratif et éducatif. »

La semaine dernière, une camionnette offerte par le Secours populaire vous a été livrée. A quoi servira-t-elle ?

C’est un cadeau très important car grâce à ce véhicule, nous allons mettre en place une permanence mobile pour les sinistrés de la dana. Elle va nous permettre d’aller à la rencontre de nombreuses familles précaires dans les zones rurales et isolées, là où souvent il y a une carence de services publics, afin d’effectuer notre travail d’orientation et d’accompagnement au plus près des personnes. Nous gagnerons en visibilité ; et que les logos de la Cepaim et celui du Secours populaire y soient côte à côte, cela rappellera, partout où nous irons, que la solidarité ne connait pas de frontières. Il y aura, dans l’équipe de cette antenne mobile, un avocat, une assistante sociale, une psychologue et un médiateur interculturel. Cette unité mobile va couvrir, quatre jours par semaine, une zone avec une forte concentration de besoins, allant d’Alfafar à Catarroja et Benetusser. L’idée est là encore de prendre le temps de rencontrer les gens pour proposer un accompagnement en profondeur, au cas par cas, couvrant les champs sanitaire, social, juridique, administratif, éducatif et de l’insertion professionnelle.

Les bénévoles du Secours populaire ont livré à leurs amis de la Cepaim la camionnette qui permettra à ces derniers de créer une antenne mobile d’aide aux familles sinistrées isolés. Valence, le 20 janvier 2025. ©Cepaim/SPF

Il est aussi envisagé, toujours en partenariat avec le Secours populaire, un projet de soutien à la scolarité des enfants sinistrés. Pouvez-vous le préciser ? 

Nous voulons soutenir un grand nombre d’enfants vivant dans certaines des zones touchées par la dana, afin qu’ils puissent retrouver une vie normale le plus rapidement possible et que, lorsqu’ils retourneront en classe, ils disposent du matériel scolaire nécessaire pour bien étudier, être comme les autres enfants. Nous venons de terminer, en lien avec les établissements scolaires de la région de Valence, le recensement des enfants en difficulté, de 3 à 12 ans. Nous avons constitué, par tranche d’âge, la constitution des kits de fournitures, du sac-à-dos aux stylos et gommes, que nous allons bientôt leur remettre. C’est très important pour la Cepaim, dans un contexte aussi dramatique, de porter une attention particulière à l’enfance. Nous savons que le Secours populaire est attentif à cette question de l’enfance. Et nous savons pouvoir compter sur leur soutien. Les mots me manquent pour remercier le Secours populaire. Je travaille depuis plus de vingt-cinq ans dans le champ de l’aide sociale, mais la rapidité, la disponibilité et l’empathie de ses équipes, c’est quelque chose que je n’avais jamais vu.


[1] La fondation Cepaim a été créée en 1994 et est présente dans une trentaine de villes d’Espagne. Elle s’est fixé comme mission principale de promouvoir la cohésion sociale et la lutte contre les inégalités, en mettant l’accent sur l’intégration des personnes migrantes et la défense de leurs droits.


Le Secours populaire aux côtés de trois partenaires espagnols

Dès l’annonce de la catastrophe de la « goutte froide », le Secours populaire a pris attache avec ses partenaires sur place. Avec la Cepaim, ce sont donc trois projets qui ont été mis en œuvre pour les sinistrés : une fête de Noël, une antenne mobile de soutien psychologique administratif et juridique (don d’une camionnette mais aussi soutien aux frais de fonctionnement sur une année) et l’aide au retour à l’école des enfants (cf. interview d’Abdelkader Atef el Mesari). Avec l’association Fevadis, qui accompagne des personnes atteintes de déficiences intellectuelles et leurs familles, le Secours populaire participe financièrement à la réhabilitation du centre d’Aldaia qui accueille une centaine de familles chaque année. L’association contribue également au rééquipement de deux centres d’accueil de jour pour les enfants et les adolescents du quartier populaire de Parke Alcosa. Ce sont plus de 300 familles qui y sont soutenues par l’association Koordinadora de Kolectivos del Parke.