Émanciper

  • Vacances

Les Journées des oubliés des Vacances redonnent le sourire

Mis à jour le par Olivier Vilain
Les Journées des oubliés des vacances sont plus utiles que jamais pour cette seconde année de crise liée au Covid-19.

Pour la seconde année de pandémie, enfants et familles privés de vacances par la crise sont invités par les bénévoles aux Journées des Oubliés des vacances. Des dizaines d’événements ont eu lieu dans toute la France à partir de la mi-août pour redonner le sourire à des milliers et des milliers de vacanciers d’un jour.

« On s’amuse, on joue, tout se passe bien !, raconte Zahra, 10 ans, à la fois essoufflée et toute excitée après avoir passé beaucoup de temps à jouer dans l’eau. Aujourd’hui, ça me permet d’avoir une sortie durant l’été. » Elle file ensuite sur la plage de Cabourg où se sont retrouvés 5 000 enfants venus de toute l’Île-de-France, ce 18 août. Elle court, en rattrapant de temps en temps sa serviette ; ça creuse de plonger dans les vagues et de chercher des crabes. En allant chercher son goûter, elle passe à côté du parcours d’obstacles baptisé « Koh-Lanta », du nom du célèbre jeu télévisé, et non loin du stand de l’éditeur Rue du monde, qui distribue comme chaque année un beau livre à chaque enfant présent.

Après le 15 août, les bénévoles invitent les personnes qui n’ont pas quitté leur quartier de tout l’été à passer une journée loin de chez elles : à la plage, au musée, dans un parc d’attraction, une base de loisirs, etc. Ces événements ont lieu dans toute la France, et même à l’étranger. La formule varie. Le plus souvent, les enfants sont les seuls invités de cette journée ; mais parfois, ce sont aussi les familles, des personnes isolées et des retraités.

Des journées de vacances partout en France

Ainsi en Charente-Maritime, trois événements ont été organisé le 21 août « en fonction des demandes des familles », indique Lucie Forsans, de la fédération locale : une centaine de personnes ont souhaité aller en famille et en autonomie jouer dans l’eau du O’Gliss Park, à 15 minutes de la Tranche-sur-Mer, en Vendée ; 20 personnes au parc animalier Zoodysée, près de Niort ; et un autre groupe de 30 qui ont préféré découvrir en famille, accompagnées de bénévoles l’amphithéâtre romain de Saintes et profiter d’une ballade sur la Charente.

Avant la ballade sur la Charente, la découverte des Arènes de Saintes ouvre une fenêtre culturelle que tout le monde associe et recombine à son vécu.

Avant la ballade sur la Charente, la découverte des Arènes de Saintes ouvre une fenêtre culturelle que tout le monde associe et recombine à son vécu.


« Nous avons remarqué que durant ces moments, les parents et leurs enfants partagent leurs souvenirs. Avec la crise, ils passent des moments très difficiles donc ils ont besoin de se retrouver ensemble », indique Françoise Vis, secrétaire générale de la fédération de l’Allier. Cette année, elle emmène les familles au parc d’attraction et animalier Le PAL, près de Moulins. La « période conduit à une chute inédite du taux de départ en vacances des Français, passant de 62 % avant la crise à 42 % en mai 2021 », selon l’enquête du CRÉDOC Conditions de vie et aspirations des Français.

L’année écoulée a été particulièrement difficile. Venus de Meaux, Ridwane, 7 ans, Oumma, 11 ans, Raadiyha, 5 ans, Bilkis, 13 ans, découvrent à Cabourg la mer pour la première fois. Une belle coupure dans une année marquée par « le confinement, les cours à distance avec un ordinateur donné par le Secours populaire ». Portant de superbes lunettes de soleil en forme de cœur avec un motif à fleurs, Maimouna, 8 ans, et Fenda, 9 ans, trouvent aussi que le plus dur à supporter était « le confinement ». Elles profitent donc de la mer « même si elle est froide » et des jeux de bulles de savon géantes.

« Ce n’est vraiment pas facile d’être pauvre »

Professeure des écoles, spécialisée dans la grande difficulté scolaire, Nolwenn a été bénévole à la Journée des oubliés des vacances de Bretagne, le 19 août. Elle confirme : « Les enfants de paysans que j’accompagne ont souvent passé une année très dure, à cause de l’isolement que produit la vie à la campagne sans voiture et aussi à cause des moqueries pour ceux qui sont en internat. Ce n’est vraiment pas facile d’être pauvre. » Les paysans constituent la catégorie qui a le plus de mal à partir en vacances. C’est le groupe social qui historiquement est parti après tous les autres (fin des années 1960), comme l’a montré le sociologue Patrick Champagne ; mais aussi parce qu’il y a cette image selon laquelle ils seraient « tout le temps en vacances », déplore Nolwenn.  

Les joyeux vacanciers se sont rendus au parc du Radome, à deux pas de la mer, entre Lannion et Ploumanac’h, dans les Côtes-d’Armor, pour découvrir un village gaulois reconstitué et la Cité des télécoms, qui est le centre de recherche où a été réalisée la première connexion téléphonique entre la France et les Etats-Unis.

Déjeuner sur l'herbe à Saintes. Enfants et parents prennent un bon bol de nature durant ce moment de pause dans une journée bien remplie.

Déjeuner sur l’herbe à Saintes. Enfants et parents prennent un bon bol de nature durant ce moment de pause dans une journée bien remplie.


Cabourg a assi accueilli, un peu avant, une journée organisée par la fédération des Yvelines afin d’offrir un ballon d’oxygène à 150 étudiants, souvent étrangers, particulièrement affectés par la crise à cause de la perte de leurs petits boulots et de l’isolement. « On avait le choix entre plusieurs activités, comme l’accrobranche. J’ai choisi le mini-golf et j’ai apprécié la promenade sur la cote. Elle est très belle. Quelqu’un nous a décrit les destructions après le débarquement et puis la reconstruction », raconte Mike, étudiant algérien de 29 ans.

Une bouffée d’oxygène bienvenue

Le clou de la journée a été la baignade. « On croyait qu’elle serait froide, mais non. Du coup, on a pu en profiter. » L’autre aspect de cette journée a été de pouvoir échanger entre étudiants, qui souvent ne se connaissaient pas. « On a mangé ensemble et échangé des contacts en fonction des affinités », dit-il avec entrain. De quoi mettre à distance ces mois où il n’a pas pu exercer son job alimentaire de réceptionniste et durant lesquels il a dû jongler avec 120 euros par mois, une fois son loyer payé, et demander de l’aide alimentaire à plusieurs associations. « Une journée au grand air comme ça, c’est une bouffée d’oxygène. J’aurais bien aimé que ça dure plus longtemps. »

« Une journée comme ça fait énormément de bien », confirme Lesly qui a fait partie de l’équipe de bénévoles. « Ils étaient heureux, relève cette étudiante à Science-Po Reims. Pour beaucoup, c’étaient des étudiants très précaires et pour la plupart c’était la première fois qu’ils allaient à la plage. »

Thématiques d’action

Campagne

Mots-clefs