Émanciper

  • Vacances

«Les plus fragiles sont encore plus éloignés des vacances avec la crise»

Mis à jour le par Olivier Vilain
Les aides de l'ANCV permettent au Secours populaire d'accompagner chaque année en vacances 12.000 personnes confrontées à la précarité .

L’Agence nationale pour les Chèques-Vacances (ANCV) est un partenaire incontournable du Secours populaire dans l’aide au départ en vacances. Son directeur général Alain Schmitt revient sur leur engagement conjoint alors que depuis 18 mois, la crise sanitaire et économique pèse sur le droit aux vacances. (*) voir la description de l’activité de l’ANCV dans l’encadré.

Quel impact a la crise sanitaire et économique sur les départs en vacances ? Avez-vous constaté une baisse du nombre de Français partis en vacances depuis 2020 ?

L’année 2020 a été très particulière pour l’Agence nationale pour les Chèques-Vacances (ANCV) et, plus généralement, le secteur touristique. Les possibilités de partir se sont limitées aux vacances d’hiver, en juillet / août, puis encore un peu en novembre. D’ordinaire, la dépense touristique annuelle s’élève en France à 180 milliards d’euros. Elle a baissé d’un tiers l’année dernière du fait de la crise sanitaire. Nos programmes habituels d’aide au départ en vacances ont trouvé presque moitié moins de preneurs (la baisse est de 45 %). Nous avons donc mis sur pied des programmes d’aide exceptionnels. Dans ce schéma général, ce sont les personnes plus fragiles économiquement qui ont été les plus affectées par le non-départ, en particulier les familles confrontées à la précarité, les retraités isolés et les jeunes des quartiers populaires. Les gens d’habitude les plus éloignés des vacances le sont encore plus durant une crise de cette ampleur.

Alain Schmitt est directeur général de l’Agence nationale pour les Chèques-Vacances (ANCV), un partenaire incontournable du Secours populaire dans l’aide au départ en vacances.

Alain Schmitt est directeur général de l’Agence nationale pour les Chèques-Vacances (ANCV), un partenaire incontournable du Secours populaire dans l’aide au départ en vacances.

Comment avez-vous compensé la baisse de la demande adressée à vos programmes d’aide au départ ?

Grâce aux commissions qu’elle perçoit sur l’activité commerciale du Chèque-Vacances, l’ANCV a augmenté le niveau de ses aides financières. Ces dernières années, nous y consacrions de l’ordre de 25 millions d’euros par an. En 2020, le montant s’est élevé à 38 millions d’euros, ce qui est hors norme. Nous avons aussi assoupli nos conditions d’éligibilité aux aides, notamment en ouvrant le droit à partir d’une seule nuitée au lieu de quatre d’ordinaire. Nous avons aussi augmenté les taux d’aide, comme dans le cas des jeunes. Surtout, nous avons créé un dispositif temporaire en lien avec plusieurs régions et départements (Grand Est, Nouvelle-Aquitaine, Hauts-de-France, Sud, Corse, Martinique et Guadeloupe). Ces collectivités ont distribué des Chèques-Vacances à 138 000 personnes qui avaient besoin d’aide au départ, en fonction de critères comme le quotient familial ou le type d’activité pour favoriser les travailleurs dits de « seconde ligne » qui avaient continué pendant le premier confinement à assurer leur travail, ce qui a soutenu toute la société. Grâce à ce programme exceptionnel, nous avons maintenu, au total, le nombre de départs aidés. Ils ont aussi été soutenus par l’engagement de partenaires comme le Secours populaire, qui a accompagné 12 000 personnes, un chiffre similaire aux années précédentes, ce qui est une performance.

Quel regard portez-vous sur le partenariat noué avec le Secours populaire ?

Ce partenariat remonte au tout début de l’ANCV, dès les années 1980. L’association fait appel à plusieurs de nos programmes d’aide et son travail d’accompagnement est très efficace, comme on l’a encore vu en 2020 malgré le contexte très difficile de la Covid-19. Grâce au maillage territorial très serré du Secours populaire et à ses nombreux bénévoles, l’association lève les freins au départ des publics fragilisés par la crise, y compris les freins non financiers, comme l’absence d’habitude de prendre des vacances, la crainte de partir dans un endroit inconnu, etc. Signe de notre engagement de long terme, notre convention de partenariat est reconduite tous les ans. Avec le Secours populaire, nous nous sommes engagés sur un montant d’aide de 3 millions d’euros sur deux ans (2021 et 2022). Notre objectif est d’aider 28 000 personnes. Cela représente 5 % du public que nous comptons aider au cours de ces deux années.

Quels sont les catégories de personnes qui peuvent obtenir une aide de l’ANCV pour se mettre au vert ?

Les publics que nous aidons sont les familles précaires, les retraités isolés, les jeunes en difficulté, les personnes en situation de handicap… En 2019, 280 000 personnes ont ‘‘changé d’air’’ grâce à ces aides, qui sont attribuées à travers des partenariats avec des associations comme le Secours populaire, les organismes de Sécurité sociale, des établissements comme les Ephad ou encore des collectivités territoriales. Nos aides sont réparties en quatre grands programmes : en premier lieu, l’« Aide au projet vacances », qui est polyvalente et qui est utilisée par nos grands partenaires, y compris le Secours populaire. Nous avons aussi des dispositifs plus ciblés : « Seniors en vacances », pour les retraités non imposables, leurs conjoints et leurs aidants. « Départ 18:25 » s’adresse aux jeunes, en fonction d’un plafond de revenus ou du statut comme celui de boursier, d’alternant (apprenti, etc.) ou de volontaire du service civique. Enfin, « Bourse Solidarité Vacances » est une offre à tarifs solidaires offerte par des professionnels du tourisme et des loisirs.

Dans quelle direction mettez-vous l’accent 18 mois après le début de la crise liée à la Covid-19 ?

Nous mettons notamment l’accent sur les départs des 18-25 ans. Les jeunes avaient bien repéré notre offre en 2020 et c’est encore plus le cas aujourd’hui. L’année dernière, ils ont été 3 500 à l’utiliser. En 2021, ils sont d’ores et déjà 6 000. Pour cet été, l’État a souhaité que nous mettions en place un soutien considérablement renforcé : 90 % du coût du séjour dans la limité de 300 euros, contre 50 % et 150 euros avant la crise sanitaire. En parallèle, nous testons des formules expérimentales pour répondre à de nouveaux besoins.  Ainsi, des familles ont particulièrement souffert du confinement, que ce soit à cause de la violence ou du mal-logement. Nous expérimentons un outil appelé « Elles en vacances » pour favoriser le départ des femmes victimes de violences et de leurs enfants. De même, nous testons une aide pour les enfants qui sont sous protection judicaire. Une population qui compte 306 000 personnes, entre les tutelles et les placements. Nous voulons contribuer à leurs vacances avec leur famille d’accueil ou leur famille d’origine. Autre exemple, notre dispositif pour les jeunes des quartiers populaires, jusqu’à 17 ans, couvre désormais tout le territoire national.


Que fait l’ANCV ?

L’Agence nationale pour les Chèques-Vacances (ANCV) est un établissement public de l’État chargé d’une mission de service public : favoriser le départ en vacances du plus grand nombre à travers un service, le Chèque-Vacances, qui est un titre de paiement destiné à financer des dépenses de loisirs ou de vacances auprès d’un réseau de professionnels conventionnés. Les vacances jouent un rôle social. Elles contribuent au bien-être des gens, ce qui est d’actualité quand on voit que les indicateurs de santé se sont dégradés depuis 18 mois. Elles favorisent l’insertion sociale à travers une culture commune et permettent de maîtriser des compétences, par exemple d’organisation, d’adaptation à d’autres environnements… C’est, enfin, une participation à la citoyenneté.

 

Le Chèque-Vacances est distribué au sein des entreprises par le Comité social et économique. Pour les PME, les Chèques-Vacances sont directement achetés et distribués par l’employeur et les travailleurs indépendants peuvent aussi en bénéficier. Au total, 4,6 millions de travailleurs, salariés ou indépendants en sont bénéficiaires.  Si l’on ajoute leurs familles, ce sont 11 millions de personnes qui bénéficient de ce service. « Notre mission ne s’arrête pas là, complète son directeur général Alain Schmitt. L’activité des Chèques-Vacances permet de financer des aides à l’accès aux vacances pour les personnes les plus fragiles d’un point de vue social et économique : 280 000 personnes en bénéficient chaque année. »

Thématiques d’action