Sur le campus de la fac de sciences de Tours, la solidarité est devenue indispensable

Mis à jour le par Anne-Marie Cousin
Une fois par mois l'antenne étudiante de Tours organise une distribution pour des étudiantes précaires. Le 25 janvier dernier ils étaient 172 à venir chercher de l'aide.

Avec une trentaine d'antennes étudiantes réparties sur toute la France, le SPF est venu en aide à 68 000 étudiants en 2020. A Tours, ville qui recense 30 000 étudiants, l’antenne du campus de sciences assure une distribution mensuelle de produits alimentaires et d’hygiène. Reportage. 

Malgré un froid glacial et des températures négatives ce matin, Simone, Jean-Pierre, Martine, Lucie et Inès ont répondu présent pour cette distribution aux étudiants du campus de sciences de Tours. Comme tous les mois depuis un an et demi maintenant, plus d’une centaine d’étudiants disposent de produits alimentaires et d’hygiène grâce au SPF et à l’association Fali Bala, qui regroupe des étudiants en pharmacie. Pour l’alimentaire, le SPF dispose des produits du FEAD ; quant aux produits d’hygiène, ils proviennent des collectes faites par les étudiants dans trois magasins du quartier. Une fois les tables installées, la distribution peut commencer. Après avoir donné leur numéro, chaque étudiant peut prendre les produits disponibles ce jour-là. « En règle générale nous avons toujours des produits secs, de la confiture, des compotes, de l’huile, du beurre, du lait et parfois des fruits comme aujourd’hui avec 1 kg de pommes par personne. A cela s’ajoutent des produits d’hygiène qui sont vraiment les bienvenus », précise Simone la responsable de l’antenne.

Une distribution pour 172 étudiants

Thomas, étudiant en biologie, est un habitué de cette solidarité organisée sur le campus. « Sans cette aide, je crois bien que je ne mangerais pas tous les jours ». Ayant perdu sa bourse suite à un redoublement, il ne bénéficie même plus du repas à un euro au restaurant universitaire. Alors pour lui, comme pour les 172 étudiants présents ce jour-là, l’aide des associations est indispensable. Simone, bénévole au SPF depuis bientôt dix ans maintenant, connaît bien le monde des étudiants : ancienne professeure de pharmacie de l’université, elle a vu leur situation se dégrader au fil des ans. « Certes la pandémie a mis en lumière leur précarité mais elle existait bien avant. Le Covid n’a fait qu’aggraver des situations déjà extrêmement fragiles. Nous sommes sur la création de cette antenne depuis 2018 car, déjà, nous avions constaté de grands besoins chez les étudiants. Aujourd’hui, même si la vie semble reprendre son cours, nous allons continuer à venir. »

Perte de bourses, de petits boulots, aides insuffisantes, manque d’aide familiale, loyers exorbitants, APL trop faibles… Les raisons de cette précarité étudiante sont nombreuses. Et à ces difficultés matérielles s’ajoutent également pour certains des problèmes psychologiques et de renoncement aux soins. Assise derrière sa table, Martine essaie de prendre le temps de leur parler. Malheureusement, tous sont très pressés car ils ont profité de leur pose déjeuner pour venir à la distribution. Difficile dans ces conditions d’établir le contact et d’échanger. Néanmoins attentive à leurs tenues un peu trop légères pour la saison, elle en invite certains à venir chercher des vêtements chauds au vestiaire. 

Sur le campus de la fac de sciences de Tours, la solidarité est devenue indispensable.

Et même si les étudianst ont peu de temps, les bénévoles essaient de nouer le contact pour leur expliquer les dispositifs d’aides auxquels ils peuvent prétendre.


 

 

 

Lara et Marine, originaires de Bourges, sont étudiantes en médecine. Elles avouent que sans ce rendez-vous mensuel, elles ne pourraient pas manger à leur faim. « On se rend compte que tout est plus cher qu’avant. Avec 45 euros, j’arrivais à faire mes courses mensuelles ; aujourd’hui, il me faut plus alors que je n’achète que des premiers prix. Parfois, avec d’autres étudiants, on achète des lots que l’on se partage, cela fait baisser les prix ». Inquiète, Lara, qui ne dispose que de 100 euros de bourse, reconnait que cette situation pèse énormément sur son moral et que cela l’empêche d’étudier sereinement. Elle pense déjà à sa prochaine rentrée car son frère, qui vient de quitter la maison, ne sera plus rattaché au foyer fiscal, ce qui va supprimer sa bourse. Avec de petits salaires, ses parents ne pourront pas faire face. Son projet : travailler tout l’été et garder cet argent pour les premiers mois de sa prochaine rentrée universitaire…

Quant à Stéphane, qui se passionne depuis toujours pour les mathématiques, il est obligé de jongler entre ses cours et des petits boulots « alimentaires ». « Le système n’est pas fait pour aider les étudiants alors que nous représentons l’avenir, je trouve cela bien triste. J’ai le sentiment qu’étudier est plus un luxe qu’un droit », estime-t-il. Il reconnait se débrouiller comme il peut, mais a conscience de cette précarité et avoue qu’après avoir payé toutes ses charges, il ne lui reste que 150 à 200 euros pour vivre chaque mois. Son quotidien : compter tous les jours ce qui lui reste pour manger. « C’est une véritable obsession ! », avoue-t-il. Alors aujourd’hui, lorsqu’il repart avec deux gros sacs remplis de nourriture et de produits d’hygiène, il sait que pendant une semaine il aura l’esprit plus léger pour se consacrer à ses partiels qui vont bientôt commencer.

« J’ai le sentiment qu’étudier est un luxe »

Si la précarité étudiante a explosé avec la crise sanitaire qui a frappé notre pays, celle-ci est aussi structurelle et ne cesse de freiner l’égalité des chances. L’enquête publiée par l’UNEF en 2021 révèle que le coût de la vie pour les étudiants augmente de 2,50 % contre une inflation de 1,5 % pour le reste de la population, soit une évolution 67 % supérieure. 2,50 %, cela représente 247,38 € par an, soit une hausse de 20,61 € par mois. Des sommes importantes sur des budgets qui, bien souvent, ne dépassent pas 200 euros par mois. De son côté, la FAGE (Fédération des associations générales étudiantes), qui depuis 20 ans maintenant étudie les conditions de vie étudiante, fait le même constat.

Pour Paul Mayaux son président, la situation se dégrade. « Si cette précarité sociale s’intensifie, c’est qu’elle est souvent due à une précarité financière qui ne permet pas à la famille, au jeune, à l’étudiant de pouvoir vivre dignement. Depuis trop longtemps, la FAGE et bien d’autres alertent sur l’urgence de la situation, notamment chez les jeunes et les étudiants. Là encore, les chiffres ne font que nous confirmer la réalité d’un trop grand nombre d’entre nous : 20 % des jeunes vivent en France, en 2019, sous le seuil de pauvreté. »

Sur le campus de la fac de sciences de Tours, la solidarité est devenue indispensable.

L’association Fali Bala s’associe au SPF pour collecter et distribuer des produits d’hygiène. Un plus essentiel pour les étudiants aux faibles revenus.


 

 

 

Certes, l’alimentaire pèse dans les budgets étudiants mais les produits d’hygiène, eux, sont devenus quasi inexistants dans les paniers. Des enquêtes révèlent que certains utilisent même du produit vaisselle pour laver le linge. C’est pourquoi l’association Fali Bala, partenaire du SPF, organise trois fois par mois des collectes de produits d’hygiène qu’elle distribue ensuite sur le campus. Lucie Sawa, en troisième année de pharmacie, nous en explique les objectifs. « Pouvoir prendre soin de soi et maintenir son hygiène est essentiel, cela va de pair avec l’estime de soi. Avec les produits de base comme le savon, le shampoing et le dentifrice, nous apportons le minimum ; mais nous distribuons aussi des crèmes pour le corps, du baume à lèvres. C’est important de pouvoir prendre soin de soi. Quand on est bien dans son corps, on est bien dans sa tête. »

Des réductions pour les étudiants

L’aide apportée par le Secours populaire aux étudiants de Tours ne se limite pas à cette distribution alimentaire mensuelle. En effet, deux fois par semaine, la boutique et le vestiaire solidaires leur sont ouverts avec des tarifs préférentiels. Ainsi, ils peuvent se vêtir et équiper leurs logements. C’est en les voyant acheter une fourchette, un couteau et un gant de toilette que les bénévoles ont compris que les prix de l’espace solidarité étaient encore trop élevés pour leurs budgets. « Quand ils s’installaient à la rentrée en septembre et qu’ils prenaient tout en petite quantité, nous avons décidé de faire 50 % de réduction pour les étudiants sur présentation de leur carte », explique Martine qui gère cet espace en centre-ville.

A Tours comme partout en France, le Secours populaire travaille en réseau avec les associations étudiantes, des enseignants et certains présidents d’université. Sans ces partenariats, Simone le sait, l’action n’aurait pas autant de portée.  Son objectif pour les mois à venir : « développer l’action sur d’autres campus et élargir les aides aux étudiants ».

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