Séminaires populaires : partager et enrichir les savoirs

Mis à jour le par Laurent Lefèvre
Consacré à l'immigration, le séminaire du 27 septembre organisé à Paris au siège du SPF a permis des échanges fructueux entre la salle et la tribune.

Créés en 2007, les séminaires populaires sont un lieu de croisement de savoirs et d’expertise. Celui sur l’immigration du 27 septembre dernier a été marqué par la qualité des interactions entre intervenants et participants, gage de réussite de ces séminaires conçus comme des espaces d’échange.

Lancés en janvier 2007, les séminaires populaires sont nés d’une idée collective, d’une volonté de l’association de créer un espace de production de savoirs. « Dès l’origine, c’est un lieu de croisement d’expertise et de savoirs », précise Susana Henriquez, chef de projet formation, qui participe à leur élaboration avec beaucoup d’enthousiasme. Accès aux sports, au logement, à l’alimentation, droits de l’enfant…, les sujets abordés reflètent la diversité des problématiques rencontrées quotidiennement sur le terrain par les membres du Secours populaire.

Croisement des savoirs et des regards

« Ces séminaires sont une initiative originale : faire dialoguer deux cultures, deux approches d’un même sujet », précise Marianne Berthod, qui a animé de nombreux séminaires. Conçus comme un espace d’échanges, ils rassemblent ceux qui intellectualisent une problématique et ceux qui la vivent, avec la volonté de donner la parole à ces derniers. Par exemple lors des deux séminaires sur la santé, les contributions de médecins du Secours populaire ont permis de mieux comprendre les difficultés des personnes reçues lors des permanences santé.

« La chose importante, c’est de mettre en contact des membres du Secours populaire, qui sont dans l’action avec des chercheurs, des universitaires qui se situent sur le terrain de la mise en perspective, de la réflexion plus globale afin que chacun bénéficie des approches de l’autre », résume Marianne Berthod.

« Mélanger savoirs chauds et savoirs froids »

« Seul le vécu, éclairé par des “décryptages” pourra entraîner une prise de conscience : mélanger savoirs chauds et savoirs froids ne donne pas des savoirs tièdes, mais un orage ! », souligne Adeline de Lépinay (1)  sur son blog consacré à l’éducation populaire. « Pratiquer l’éducation populaire, ce n’est pas apporter une réponse, mais encourager des questionnements, être des catalyseurs […] de puissance d’agir ».

Un séminaire réussi

L’interaction, les échanges entre les intervenants et les participants – comme cela a été le cas lors du séminaire sur l’immigration du 27 septembre dernier – est un critère de réussite. À différentes reprises, il est arrivé que le débat parte dans la salle, entre plusieurs groupes qui échangeaient des arguments entre eux, sous le regard de la tribune. Parfois cette rencontre ne fonctionne pas, comme lorsque le sociologue Jean-Pierre Worms a rappelé – devant la désapprobation de son auditoire – que l’engagement bénévole dans une action ne se fait que parce que chacun en tire un bénéfice, symbolique bien sûr pour les bénévoles(2).

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Hervé Le Bras, démographe, Catherine Wihtol de Wenden, politologue et Marie-Christine Vergiat, spécialiste de l’immigration et députée européenne sont à la tribune du séminaire populaire du 27 septembre sur l’immigration animé par Jean-Philippe Milesy [au centre].

« Une pause qui aide à la réflexion »

Depuis 2007, une trentaine de séminaires ont été organisés, soit un rythme de deux à trois par an. La majorité d’entre eux a lieu au siège du SPF dans le prolongement des thèmes qui travaillent l’association sur le moment . Chaque séminaire rassemble entre 150 à 200 personnes, dont les élus du comité national et des personnes extérieures au SPF – étudiants, membres d’associations partenaires, etc.

« Ces séminaires sont une pause qui aide à la réflexion », souligne Nicole Rouvet, secrétaire générale de la fédération du Puy-de-Dôme. « Cela m’apporte beaucoup et je réutilise dans mon département certains thèmes abordés », confirme Danielle Alexandre, secrétaire générale de la fédération de la Loire-Atlantique.

À la suite d’un séminaire, un intervenant peut se déplacer dans une fédération à la demande de celle-ci. À titre d’exemple, Geneviève Avenard, défenseure des enfants, a été invitée par plusieurs fédérations après être intervenue le 25 janvier 2019 sur les droits de l’enfant. La collection des savoirs populaires, dont les petits ouvrages rassemblent les textes des principaux séminaires, permet également de nourrir les débats des fédérations.

Créer et renforcer des partenariats

Montés en partenariat, certains séminaires ont lieu « hors les murs », comme celui consacré à la place du bénévolat dans la vie associative, qui s’est tenu en janvier 2011 au Conseil économique, social et environnemental. Organisé au Centre Georges-Pompidou, celui sur l’accès à la culture « a plongé » les participants au cœur de la thématique. Ce dernier, qui a permis de renforcer les liens avec le Centre Pompidou, s’est tenu le 27 janvier 2017 – dix ans jour pour jour après la création du premier séminaire populaire –, en présence de l’actrice et marraine du Secours populaire Ariane Ascaride, du journaliste Daniel Mermet, du sociologue Jacques Broda et de Jean-Michel Leterrier, syndicaliste et universitaire.

S’appuyer sur les personnes-ressources

Différentes personnalités ont participé aux séminaires, comme Christiane Taubira, dont l’intervention a marqué les esprits en 2016 (3), Jean-Paul Delevoye, présent en tant que médiateur de la République à celui sur le non-accès aux droits de septembre 2007. Des intervenants sont devenus des contacts privilégiés et des personnes-ressources pour l’association. Certains chercheurs, qui ont participé à un séminaire, continuent d’accompagner l’action du SPF, à l’instar de l’universitaire Hélène Duclos, qui contribue à l’évaluation des villages copain du Monde ou du sociologue Nicolas Duvoux, spécialiste des inégalités.

Avec ces séminaires, « nous sommes dans une démarche d’éducation populaire, aimait à rappeler Julien Lauprêtre, qui les a toujours soutenus. Notre objectif est de transmettre le savoir et de susciter parmi nos bénévoles la curiosité et l’envie d’aller plus loin. »


1. Auteure de Organisons-nous ! Manuel critique, ouvrage à paraître le 7 novembre 2019 aux éditions Hors d’atteinte.
2. Séminaire du 25 janvier 2008 consacré aux associations.
3. Séminaire sur une solidarité populaire et mondialisée du 23 septembre 2016.