Séisme Turquie / Syrie : les bénévoles se mobilisent partout

Mis à jour le par Olivier Vilain
Les bénévoles de Bonneuil-sur-Marne (94) collectent sur les marchés de la commune. Leur appel à la solidarité pour les sinistrés de Syrie et de Turquie a reçu un bon accueil : les images sont dans toutes les têtes.

Les images sont fortes. L’émotion immense. Les bénévoles collectent sur tout le territoire pour apporter au plus vite les moyens nécessaires aux sinistrés des zones de Turquie et de Syrie ravagées par le séisme de magnitude de 7,8 qui a frappé le 6 février.

Dans les heures qui ont suivi le drame, le Secours populaire français a organisé une mission humanitaire avec son partenaire libanais DPNA. L’association a débloqué 100 000 euros et lancé une collecte populaire pour apporter de l’aide dans la durée. Dans les départements, les fédérations ont pris le relais. Sur le marché de Moulins, dans l’Allier, les bénévoles étaient présents le week-end des 11 et 12 février.

« On fait tout très rapidement car il s’agit d’une urgence vitale, explique Françoise Vis, secrétaire générale du Secours populaire dans le département. On le voit dans les reportages : les rescapés se retrouvent par moins 10. Ils manquent de quoi se chauffer, de nourriture, d’eau, de tout. » En effet, selon tous les rapports provenant des zones sinistrées, des centaines de milliers de rescapés affrontent la faim et le froid dans les gravats et les décombres.

La mobilisation internationale est indispensable : les besoins dépassent les ressources locales

Pour Françoise, la mobilisation populaire est d’autant plus importante que les besoins dépassent les capacités de la Turquie, qui a appelé la communauté internationale à l’aide. Elle est aussi importante pour les Syriens dont le pays est toujours divisé entre diverses factions et restait, en plus, soumis, du moins dans les premiers jours, à un embargo de la part de plusieurs pays occidentaux. « Avec cette situation politique, les sinistrés ne peuvent compter que sur l’aide humanitaire des ONG dans certaines des régions ravagées. »

Le Secours populaire français a lancé une collecte populaire pour apporter de l’aide dans la durée aux sinistrés de Syrie et de Turquie. Pour faire un don, cliquez sur l'image ci-dessus.

Le Secours populaire français a lancé une collecte populaire pour apporter de l’aide dans la durée aux sinistrés de Syrie et de Turquie. Pour faire un don, cliquez ici.


En France, dans tous les départements, dans tous les comités, les bénévoles mettent leur gilet bleu, prennent leurs troncs et vont collecter. Ils vont sur les marchés (comme à Nice, à Montreuil en Seine-Saint-Denis, à Moulins), dans les centres commerciaux, à l’entrée des gares, devant des magasins partenaires, comme Decathlon en Seine-et-Marne. « Depuis l’annonce du tremblement de terre, les bénévoles se mobilisent, indique Brigitte Berlan, secrétaire générale du Secours populaire dans ce dernier département. On vit avec des personnes originaires des pays concernés, ça nous touche très concrètement. »

C’est le cas d’Amal, une réfugiée syrienne, qui vit à Bussy-Saint-Georges depuis 6 ans. Jeudi 9 février, elle était avec d’autres bénévoles sur le marché de la ville. Sa famille restée à Alep est heureusement indemne. Mais, comme les centaines de milliers de sinistrés, elle doit faire face au froid et aux pénuries. Amal décrit la situation aux passants : « Il n’y a rien à acheter, plus rien pour se chauffer. Douze années de guerre et maintenant cette tragédie… », murmure Amal, émue à chaque fois qu’un passant fait un don.

Sur les marchés, les gens font preuve d’un grand élan de solidarité à l’égard des populations sinistrées

« Pour beaucoup, ça nous a remis en tête que la guerre faisait toujours rage en Syrie, même si cela ne fait plus les gros titres de la presse », raconte Freddy Cabrimol, secrétaire général du Val-de-Marne du Secours populaire. Il confirme l’émotion ressentie dans la population. « Lors du week-end des 11 et 12 février, nous collections pour alimenter l’aide d’urgence et les gens nous demandaient si le Secours populaire fournirait aussi de l’aide humanitaire en Syrie. » Les bénévoles les ont rassurés. « C’est la même catastrophe pour tout le monde. »

Les sinistrés doivent faire face au froid et aux pénuries, alerte Amal, une réfugiée syrienne devenue bénévole à Bussy-Saint-Georges (94) depuis 6 ans : « Il n’y a plus rien pour se chauffer. Douze années de guerre et maintenant cette tragédie… »

Le club Copain du Monde de Fenouillet (Haute-Garonne) a apporté 200 euros que ses membres avaient collectés sur les marchés de Noël en vendant des cartes postales et des décorations. La fédération de la Loire a débloqué 1 500 euros. Dans les Yvelines, la Seine-et-Marne et le Val-de-Marne, chaque fédération a abondé le fonds d’urgence de 5000 euros. « Comme à chaque fois qu’il y a une telle mobilisation, on fonce », résume Freddy Cabrimol, du Val-de-Marne.

Le processus d’urgence est rodé : les équipes envoient un communiqué de presse à la presse locale pour annoncer la collecte monétaire, un mailing aux donateurs, des courriers pour demander aux communes un soutien financier (la ville d’Allonnes, près du Mans, va ainsi verser 1500 euros ; celle de Bonneuil-sur-Marne, 500 euros ; Montreuil et Bobigny, chacune 5000 euros).


Les sinistrés font face au froid et aux pénuries, alerte Amal, réfugiée syrienne et bénévole à Bussy-Saint-Georges (94) : « Douze années de guerre et maintenant cette tragédie… »


Et la mobilisation ne fait que commencer. Au Mans, grâce au partenariat avec le festival DiverScènes, une équipe de bénévoles collectera lors des concerts d’Hyphen Hyphen et d’Adé, notamment, en mars, en avril et en mai. La collecte du week-end dernier a reçu un très bon accueil. « Collectivement, on partageait tous la même émotion », décrit Valentin, qui a fait partie de l’équipe de bénévoles. Du côté de la Haute-Garonne, les « Copain du Monde » vont organiser une bourse aux jouets dans un peu plus d’un mois pour continuer de collecter.

Ils sont préoccupés par les enfants de Turquie et de Syrie qui se retrouvent dans la rue sans rien. Cela fait écho à leurs précédentes mobilisations en faveur des enfants dans la rue à Toulouse et à Saint-Pétersbourg ou en Ukraine

Marthe Garcia, responsable du club Copain du Monde de Fenouillet, près de Toulouse

« Ils sont préoccupés par les enfants de Turquie et de Syrie qui se retrouvent dans la rue sans rien. Cela fait écho à leurs précédentes mobilisations en faveur des enfants dans la rue à Toulouse et à Saint-Pétersbourg ou en Ukraine », réfléchit la toujours très dynamique Marthe Garcia, responsable du club. En Seine-Saint-Denis, les bénévoles de Bobigny collecteront le 17 février à la maison de la Culture. Deux semaines après, le dimanche 26 février, les bénévoles de Brest tiendront exceptionnellement une braderie en faveur des victimes du séisme, dans les locaux de la fédération du Finistère.

« Nous avons distribué des couvertures, des vêtements chauds et des colis d’urgence à 2 000 personnes totalement démunies », indique Alissar Aziz, volontaire chez DPNA, le partenaire libanais du Secours populaire, après sa première mission à Alep.

« Nous avons distribué des couvertures, des vêtements chauds et des colis d’urgence à 2 000 personnes totalement démunies », indique Alissar Aziz, volontaire chez DPNA, le partenaire libanais du Secours populaire, après sa première mission à Alep.


La première mission de DPNA, avec le soutien du Secours populaire, s’est déroulée, le 14 février, à Alep, la grande ville du nord-ouest de la Syrie, contrôlée par le gouvernement de Damas. Les 25 volontaires libanais et leurs 5 camions ont mis 5 heures pour faire le trajet depuis Beyrouth. « Une fois arrivés sur place, nous avons distribué des couvertures, des vêtements chauds et des colis d’urgence à 2 000 personnes totalement démunies », indique lors d’une interview via la messagerie Whatsapp, Alissar Aziz, volontaire chez DPNA, le partenaire libanais du Secours populaire.

De retour dans la capitale libanaise, l’équipe se prépare pour de futures missions car les Syriens ont besoin de tout. « Beaucoup de sinistrés errent au milieu des immeubles effondrés. Ils sont souvent blessés et leur situation est rendue très difficile par l’absence totale de sanitaires, d’eau, d’électricité, de couvertures, ou même de lait pour les enfants », témoigne Alissar, de retour après la première mission dans les ruines d’Alep. Le séisme a tout détruit, mais la pénurie existait déjà avant, à cause de la guerre civile. « Dans la région d’Alep, la survie des rescapés ne repose que sur les denrées acheminées depuis les pays limitrophes », selon Alissar. Mais les factions se partageant le pouvoir rendent aléatoire, voire interdisent, le passage des convois humanitaires.

« Papa, on va mourir ? », demande une fille de Serkan

La situation est différente en Turquie, mais là aussi les besoins excèdent l’aide acheminée. DPNA prévoit d’apporter son concours dans ce pays également, rapporte Alissar, hantée par l’image des enfants qu’elle a croisés : beaucoup cherchaient leurs parents au milieu des ruines, sans savoir s’ils étaient saufs. Le décompte des deux côtés de la frontière porte, au 17 février, à plus de 41 000 le nombre de morts. Le bilan pourrait encore doubler, selon l’ONU. Côté turc, 400 000 sinistrés ont été évacués des régions dévastées et 1,2 million de personnes ont été relogées sur place, tant bien que mal, y compris sous des milliers de tentes.

Serkan Tatoglu, sa femme et leurs quatre enfants, âgés de 6 à 15 ans, se sont réfugiés sous l’une d’elles, dans la ville de Kahramanmaraş, à 200 km d’Alep. La plus jeune des filles « n’arrête pas de demander « Papa, on va mourir ? » », confie Serkan Tatoglu, qui n’a pas encore informé ses enfants qu’une dizaine de membres de la famille avaient perdu la vie. « Avec ma femme, nous les serrons dans nos bras et leur disons « tout ira bien ». »

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