Séisme Turquie / Syrie : une nouvelle mission sur place

Mis à jour le par Olivier Vilain
Les bénévoles distribuent 4.000 kits de produits d'hygiène dans un camp accueillant 10.000 rescapé.e.s. Les milliers de tentes se situent près de la ville de Kahramanmaraş, qui est à la verticale de l'épicentre du séisme meurtrier de février dernier.

Deux mois après le terrible séisme du 6 février qui a fait plus de 40 000 morts en Turquie et en Syrie, le Secours populaire y a mené sa 3e mission humanitaire. De retour dans la zone sinistrée, Françoise Vis, secrétaire générale de la fédération de l’Allier, témoigne du dénuement des sinistrés, mais aussi de leur solidarité. Parallèlement aux distributions de produits d’hygiène réalisées dans un camp d’urgence, le Secours populaire a étudié sur place le soutien au redémarrage d’une école.

Où vous êtes-vous rendus exactement et de quelle situation avez-vous été les témoins ?

Nous sommes arrivés à Adana, le 2 avril vers 20h, après une escale à Istanbul, avec nos partenaires libanais DPNA et Besme. Adana est une ville moyenne du sud-est de la Turquie, située à une heure de l’épicentre du séisme du 6 février dernier. Elle a été impactée, mais moins que Kahramanmaraş, où nous nous sommes rendus le lendemain, après 1h30 de route. Cette dernière ville est à la verticale de l’épicentre. Là, tout est dévasté, tout est détruit. Partout, il n’y a que des gravats, des tonnes et des tonnes de gravats ; il ne reste que quelques bâtiments encore débout et près à tomber… Même les personnes vivant sur place m’ont dit n’avoir jamais vécu ça, même avec le séisme d’Izmit en 1999.

Dans quelles conditions vivent les rescapés dans le sud-est de la Turquie alors que les habitations ont été dévastées ?

Les gens sont relogés dans des camps de toile et vivent sous des tentes. Les conditions de vie sont tout à fait spartiates, en l’absence d’eau et d’électricité. Dans celui où nous nous sommes rendus, 10 000 personnes vivent avec seulement quelques points d’eau, gérés par les équipes du Croissant rouge. C’était difficile de se tenir sous les tentes par 30 degrés alors que ce n’était même pas encore la période des fortes chaleurs. Il y a quelques aires de jeux pour enfants et des lieux pour se réunir, manger ensemble. Dans le camp se trouvent à la fois des Turcs et des Syriens, sans qu’on sache très bien faire la distinction entre ceux qui étaient déjà réfugiés avant le séisme et ceux qui sont hébergés depuis cette catastrophe.

De quoi vivent les sinistrés ? De quelles ressources disposent-ils ?

La région est très agricole et même les champs, d’oliviers par exemple, sont détruits. Donc, en matière de revenus, de production de richesses, là aussi, la région est sinistrée. Les gens ne vivent ici que de l’aide extérieure, qu’elle soit internationale ou acheminée par les autorités nationales. On suppose que les hommes étant absents, ils sont partis travailler ailleurs et qu’ils envoient une partie de leurs salaires. En outre, une crise écologique est sans doute en cours, car il y a aussi des usines détruites. Elles sont éventrées, ce qui veut dire que les produits qu’elles utilisaient doivent s’infiltrer dans les nappes phréatiques.

Françoise Vis, secrétaire générale de la fédération de l’Allier

Françoise Vis, secrétaire générale de la fédération de l’Allier

 

Quelles actions avez-vous réalisées auprès des sinistrés ?

Dans le camp à proximité de Karamash, nous avons distribué 4 000 kits d’hygiène, qui comprennent du savon, des protections périodiques, du dentifrice, etc., essentiellement pour les femmes et les enfants. Nous sommes passés de tentes en tentes, avec l’aide des volontaires du Croissant rouge. Les sinistrés rencontrés sont la plupart du temps des femmes, des enfants et des personnes âgées car il n’y a que très peu d’hommes. Ce qui m’a aussi frappée est l’état de sidération dans lequel reste une partie des gens : ils ne répondaient pas à nos sollicitations, étaient hagards, anéantis. La distribution a quand même été l’occasion d’avoir des échanges. Ils sont très émus, très reconnaissants, en général. Quand on va à leur rencontre, ils voient qu’ils sont pris en compte et attendent beaucoup de l’aide, qu’elle soit internationale ou locale. Ces gens vont être sous les tentes pendant encore longtemps, ils n’ont plus rien mais restent généreux, solidaires : lors de la distribution, certains partageaient avec nous leur thé.

En dehors des aides d’urgence, nécessaires, le Secours populaire a-t-il des projets de reconstruction, des programmes de long terme ?

Oui, c’est pourquoi le second jour, nous sommes allés à Ousmanie rencontrer l’équipe d’une école endommagée. Une partie des travaux a déjà été faite. Mais les enfants ne reviennent pas tous, pour le moment. Les classes accueillent 370 enfants sur les 1 000 qu’elles comptaient avant le séisme. Leur retour se fait donc petit à petit. Les parents ont peur de mettre leurs petits à l’école. Ils ont été traumatisés par l’effondrement des bâtiments publics, comme les écoles, et par les nombreuses répliques du tremblement de terre initial. Les familles logent depuis la catastrophe de février dans des tentes au pied de leurs immeubles à moitié debout. Toujours est-il que l’équipe éducative nous attendait. Nous avons évoqué la construction d’une ludothèque et d’une bibliothèque. Nous prévoyons aussi de les aider à ouvrir une seconde classe pour des enfants en situation de handicap. Mais ce que nous pourrions faire le plus rapidement serait d’aménager une aire de jeux dans la cour de l’établissement, qui avec sa pelouse est assez proche d’un jardin. Les familles sont affectées par la catastrophe et ses suites mais j’ai senti la volonté de l’équipe éducative de les aider à surmonter cette situation.

Le Secours populaire et ses partenaires locaux sont déjà intervenus plusieurs fois en Syrie et en Turquie, avant votre mission, prévoyez-vous d’autres actions dans la zone ?

Très vite après le séisme, avec DPNA, nous avons distribué des couvertures et des kits d’hygiène (savons, serviettes hygiéniques, peignes, brosses à dents, dentifrice, serviettes, coupe-ongles et shampoings) auprès de 1 000 familles en Turquie et autant en Syrie. Des projets sont à l’étude, comme celui de l’école ou de faire venir en France des enfants d’ici pour participer à des villages « Copain du Monde ». Ce qui est clair quand on est sur place, c’est que compte tenu de l’étendue des dégâts, il leur faudra des années pour reconstruire. Rien que pour enlever les gravats, le chantier est gigantesque. D’ailleurs pour le moment les débats existent pour trancher la question de l’endroit où il faudra reconstruire : au même endroit, c’est-à-dire sur une faille sismique ? ou ailleurs ?

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