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Du RMI au Revenu universel d’activité

Mis à jour le par Olivier Vilain
L'esprit pratique, Danielle est l'une des bénévoles qui assurent la permanence d'accès aux droits à Saint-Cyr.

La concertation nationale sur le futur Revenu universel d'activité vient d’être lancée par le ministère de la Solidarité et de la Santé. Celui-ci devrait regrouper plusieurs prestations. Retour sur les trois décennies marquées par la création du RMI, devenu RSA.

« D’habitude, je suis forte, mais là j’ai eu les larmes aux yeux. » Marie était aidée par le Secours populaire et d’autres associations, il y a quelques années, car le RSA était trop faible pour lui permettre d’élever seule son fils et sa fille. Ayant arrêté d’enchaîner les postes d’intérimaire, au restaurant ou à l’usine, lorsqu’elle attendait son premier enfant, la séparation d’avec son compagnon a plongé la famille dans les privations et la peur des lendemains.

Les « larmes aux yeux » ? La jeune femme se souvient d’une scène pénible vécue à l’époque à la supérette de son quartier, à Monistrol-sur-Loire, en Haute-Loire. Arrivée à la caisse, elle avait sorti des bons d’achats fournis par une association pour payer des couches et du lait. Là, elle entend distinctement une cliente, plus loin dans la file, la désigner à ses enfants comme une « profiteuse ». Ce type de stéréotypes à l’encontre des personnes qui recourent aux aides sociales « nous tombe sans cesse dessus, dans la rue et même en famille », déplore Marie.

Des modalités trop strictes

Les personnes confrontées à la précarité et les travailleurs pauvres sont très nombreux à ne pas faire appel aux aides sociales auxquelles elles ont pourtant droit. Les contrôles et les démarches pour la prime d’activité ou pour le RSA sont souvent trop complexes, trop lents, trop tatillons. « Les travailleurs précaires, en contrats courts, aléatoires, ou les intérimaires, préfèrent souvent sans passer plutôt que d’avoir à entreprendre plusieurs fois par an ce type de procédure », relève Brigitte Berland, bénévole à l’antenne de Melun.

La première chose que vérifient les bénévoles, comme au comité de Saint-Cyr-L’Ecole, est justement de voir si les personnes aidées perçoivent les ressources auxquelles elles peuvent prétendre. Parfois, c’est par ignorance, parfois parce qu’elles sont débordées, mais souvent, c’est par peur d’être « cataloguées » comme « profiteuses » que les personnes en difficulté se passe d’aide sociale, selon les études de l’Odenore, un institut spécialisé dans l’étude au non-recours. Au total, les aides non demandées pourraient représenter jusqu’à 6 milliards d’euros.

Une aide automatique ?

La piste suivie par le gouvernement est de fusionner plusieurs prestations sociales. Ainsi, le RSA et d’autres aides sociales, mais aussi l’Aide personnelle au logement, pourraient être remplacés par le Revenu universel d’activité (RUA). Ce nouveau dispositif est en cours de discussion entre le gouvernement et les associations, qui ont souhaité être à la table des négociations. En créant une indemnité unique, « sous condition de ressources et d’activité », comme le soulignent les association, le nouveau dispositif pourrait réduire le non-recours aux aides sociales, au moins sur le papier.

Le monde associatif soulève plusieurs problèmes. En voici deux : si le nombre de personnes indemnisées augmente, l’enveloppe doit augmenter aussi. D’autant que les associations impliquées dans la consultation veulent un relèvement du montant de l’aide sociale. Pour elles, le RSA s’élève à 550 euros pour une personne seule, ce qui est insuffisant pour vivre dignement. Elles suggèrent plutôt un montant de 850 euros pour le RUA.

La révolution du RMI

Depuis 30 ans, les aides sociales ont été totalement bouleversées. La création du Revenu minimum d’insertion (RMI), en 1988, marque un tournant. Il introduit un élément général d’assistance, déconnecté de toute cotisation liée au travail. « C’est une révolution par rapport aux choix faits depuis l’après-guerre », observe le sociologue Nicolas Duvoux. La loi de 1998 crée le pendant du RMI dans le domaine de l’accès avec la création de la Couverture maladie universelle (CMU).

Le RMI intégrait une mission de la collectivité, celle d’offrir les outils pour que les personnes en difficulté se réinsèrent. Une dimension qui s’est perdue à partir de 2003, date à laquelle le RMI est transformé en Revenu de solidarité active (RSA), dont les conditions d’obtention et de maintien sont rendues plus strictes. Il est grand temps de changer le regard de la société sur les personnes qui perçoivent les aides sociales : elles ont droit de vivre dignement et souhaitent massivement retrouver du travail.

Le sentiment le plus vil que je connaisse est l’aversion pour les opprimés, comme si l’on devait justifier leur écrasement par leurs défauts. Des philosophes très nobles et très intègres ne sont pas exempts de ce sentiment.

Elias Canetti, Le Collier de mouches, 1992.

A noter, la réflexion sur un revenu inconditionnel et ouvert à tous est en plein essor ces dernières années. Certains prônent un partage du travail par réduction du temps légal consacré à l’activité professionnelle, d’autres favorise « un salaire à vie inconditionnel financé par l’extension du système de la cotisation », voire « de multiplier des îlots de gratuité », qui comprendraient et dépsseraient « les services universels élémentaires (logement, nourriture, santé, enseignement, services de transport, services informatiques, etc.) ». Ces élements pourraient enrichir le débat public.

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