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Reims : sport et solidarité dans le même panier

Mis à jour le par Pierre Lemarchand
Reims. Secours Pop Cup, tournoi de basket solidaire organisé par le Secours populaire.
Le 22 mai 2024 à Reims, au gymnase Lapique, s’est tenue la première édition de la Secours Pop Cup, tournoi de basket solidaire organisé par le Secours populaire. ©JM Rayapen/SPF

Le tournoi solidaire de basketball « Secours Pop Cup », qui s’est déroulé le 22 mai à Reims, a permis au Secours populaire de collecter des fonds afin de soutenir ses actions d’accès au sport pour toutes et tous. La fédération de la Marne du Secours populaire s’est fixé pour objectif de financer 100 licences sportives à la rentrée 2024 pour des jeunes issus de familles en difficulté. Sur le plan national, ce sont 10 000 licences que le Secours populaire compte offrir.

Quand on franchit les hautes portes vitrées du gymnase Lapique, à Reims, ce 22 mai en tout début d’après-midi, on est saisi par l’odeur. Celle, traditionnelle, qui mêle sueur, humidité et polymère du revêtement de sol a comme disparu et cédé la politesse aux fragrances délicieuses de café et pâte à crêpe. Ajoutez à cela les sourires qui surmontent les gilets bleus des bénévoles du Secours populaire et le décor est planté. La première édition de la Secours Pop Cup s’y déroule et les participants arrivent par petites grappes. En tout, ce sont plus de cent jeunes du grand Reims qui se sont inscrits à ce tournoi de basket solidaire, via leur collège, leur lycée, leur CFA, leur centre de loisirs ou leur maison de quartier. Leurs hautes silhouettes dégagent l’énergie et un peu de cette gaucherie propres à l’adolescence – elles et ils ont entre 11 et 18 ans et arrivent aux couleurs de leur équipe. Anne-Marie remet à Clément, trois têtes de plus qu’elle, un dossard, une bouteille d’eau et lui glisse un petit mot d’encouragement. Elle lui indique l’endroit où s’installer dans les gradins, qui occupent tout un côté du gymnase, divisé en trois terrains de basket. Une autre silhouette virevolte, se portant auprès des groupes, répondant aux questions, entourant les bénévoles. C’est Mohamed Elhamdioui, directeur de la fédération du Secours populaire de la Marne – en sueur déjà, car l’organisation d’un tel événement est un sport de haut niveau.

« En participant à ce tournoi, vous devenez acteur de la solidarité. »

« L’objectif de la Secours Pop Cup est de collecter des fonds pour soutenir la campagne d’accès au sport du Secours populaire, notamment le financement des licences sportives des enfants issus de familles précaires, témoigne-t-il, enthousiaste. Il y a aussi un objectif éducatif : sensibiliser les jeunes à la solidarité, dans l’esprit de notre mouvement « Copain du Monde ». Ils ont tous participé à hauteur de 5 euros, le montant de leur inscription. Le troisième objectif, c’est la mixité. Les équipes sont composées de filles et de garçons, qui viennent de milieux sociaux très divers. » Il est 14 heures et Mohamed se dirige vers le centre du terrain. Il y rejoint Patricia Le Corvic, secrétaire générale de la fédération de la Marne du Secours populaire, ainsi que certains des partenaires[1] qui ont rendu possible cette première édition. « Chacune de vos contributions a permis de faire grandir la solidarité », les remercie Patricia. Puis, s’adressant aux jeunes joueurs : « En participant à ce tournoi, vous devenez acteur de la solidarité en aidant d’autres enfants. Il existe d’innombrables façons d’aider les personnes en difficulté en France et dans le monde. » Les prises de paroles s’enchaînent, partagées entre détermination et émotion et émaillées de quelques éclats de rire – « Secours Pop Cup » n’est décidément pas facile à prononcer ! Une fois les règles élémentaires rappelées, le tournoi peut commencer.

Plus de deux heures durant se déroulent les phases de poule, en un ballet savamment orchestré par les bénévoles aux manettes. Les équipes, de cinq joueurs chacune, s’affrontent en des matches de 15 minutes sur les trois terrains accolés. Que Jean-Marie, Monsieur Loyal, micro en main, n’ait pas perdu sa voix au cours de l’après-midi est un miracle. Autre miracle : que les deux journalistes de France 3, équipées de caméra et perche son, plantées au milieu du gymnase, ne se soient pas fait assommer par un ballon. Adriana, 16 ans, joueuse aguerrie au sein de l’Académie de basket du Grand Reims, quand elle ne joue pas, intègre la petite équipe d’arbitres. A l’instar de tous les joueurs, elle se donne à fond. « Aujourd’hui, je ressens le plaisir de jouer mais aussi de pouvoir donner mon temps pour que des personnes en situation de précarité puissent partager la même passion que moi. Il y a beaucoup de bonheur aujourd’hui sur le terrain ! Il y a des joueurs qui découvrent le basket alors on joue doucement – on est fair-play », témoigne-t-elle à l’issue d’un match qui a opposé son équipe à celle de la Maison de quartier d’Orgeval. Sur le sport, qui constitue la passion de sa vie, Adriana est intarissable. « Dans le sport, on a une équipe sur qui compter dans les moments difficiles. Être solidaire : c’est ça qui fait la beauté du sport. Il permet d’être en meilleure santé et se faire des amis, se donner une discipline et se fixer des objectifs à atteindre. »

Rater mieux

Si sur le terrain, l’ambiance est électrique, les gradins ne sont pas en reste. On encourage, on vibre, on applaudit et, comme de tradition, on s’insurge contre les erreurs d’arbitrage – « Hey Yacine, tu as avalé ton sifflet ou quoi ? » Laetitia, responsable jeunesse de la maison de quartier Europe, se réjouit. « Je suis venue avec dix jeunes qui ne pratiquent pas de sport au quotidien. Certains découvrent le basket. C’est une grande chance pour eux. » Dès qu’elle a eu connaissance du tournoi, elle les y a inscrits. Le Secours populaire, elle lui fait « totale confiance » car elle le connait bien. « Une équipe de bénévoles vient tous les lundis à la maison de quartier tenir une permanence d’accueil et distribuer de l’aide alimentaire, éclaire Laetitia. Je travaille dans un quartier en grande précarité alors il m’est déjà arrivé d’orienter des familles vers le Secours pop. Nos jeunes participent bénévolement aux distributions : ça les sensibilise à la solidarité. » La fin des 1/4 de finale à 16h30 annonce l’heure de la pause. Le stand de crêpes est pris d’assaut par une horde de sportifs affamés mais Annie et Anne tiennent le rythme : le duo a acquis une solide expérience au fil des années. Rien ne saurait les faire dévier de leur tâche – pas même le ballon qui atterrit à leurs pieds, lancé depuis le terrain à quelques dix mètres de là – « trois points, au moins ! » La dernière phrase du tournoi approche. Mais avant que ne se déroulent les quatre derniers matches – demi-finales et finales des 13-15 et 16-18 ans -, comme dans les rencontres les plus prestigieuses de la NBA, une animation est prévue.

Les Tigres, danseuses d’une des quatre démonstrations offertes par le Studio 511.
Les Tigres, danseuses d’une des quatre démonstrations offertes par le Studio 511, ont fait vibrer tout le gymnase. ©JM Rayapen/SPF

Ce sont quatre spectacles qu’a prévus Ismaël Taggaë, directeur de l’école de danse urbaine le Studio 511 mais aussi figure rémoise : double champion du monde de breakdance, il est porteur de la flamme olympique pour les Jeux de Paris 2024. Dès l’entrée des Baby Gals, la température dans le gymnase monte d’un cran. La musique crache des enceintes et les « petites » dansent sur le thème du braquage – mais ce qu’elles désirent braquer, ce sont les applaudissements du public. Elles emportent le pactole. Les Cheers, dont la plus jeune n’a que six ans, dansent dans la grande tradition des supportrices américaines – leurs pompons scintillent dans la lumière et le cœur du public chavire. Tout le monde bouge avec elle, les gradins ondulent comme une immense vague. Entrent alors en scène les Tigres. Des filles, là encore, qui évoluent en compétition et impressionnent par la synchronicité toute féline de leurs danses hip hop. Sur leurs visages alternent les sourires de plaisir et la tension de la concentration. Annie et Anne, derrière leur stand, reproduisent les gestes des danseuses – hits et breaks n’ont bientôt plus de secrets pour elles. Enfin, le dernier show est offert par le groupe de breakdance, constitué de différents danseurs dont certains évoluent en championnat du monde. « La danse, comme le sport, c’est la première langue du monde. Dans n’importe quel pays, ils permettent de communiquer avec les autres », témoigne Ismaël Taggaë. L’athlète, dont les figures et les saltos ont mis le public sens dessus dessous, ajoute : « A chaque fois qu’on danse, on échoue mieux. On ne rate pas un mouvement, on le rate mieux. Cette valeur de l’effort que véhicule le sport, j’espère que les jeunes s’en serviront à l’école puis dans leur vie d’adulte. »

Un air de fête

Deux équipes l’emportent, inévitablement. Le lycée Sacré-Cœur gagne la finale des 16-18 ans et la Maison de quartier La Nacelle la 13-15. Mais la grande gagnante de la Secours Pop Cup, c’est bien sûr la solidarité. « Jamais, elle n’a quitté les esprits, soutient Mohamed Elhamdioui. C’est ce qui me touche le plus aujourd’hui : le bonheur que ça procure à ces jeunes de pouvoir exprimer leur solidarité. » Avant la remise des lots, une autre démonstration se déroule : celle de l’équipe handisport de l’Espérance rémoise. Leurs joueurs, en fauteuil roulant, invitent les jeunes valides à les rejoindre sur le terrain. La force du sport, leur passion commune, gomme toute différence. Certains jeunes repartent avec une coupe, d’autres une médaille, tous avec de bons chocolats entamés sur le champ ainsi qu’un « diplôme d’ambassadrice ou ambassadeur de la solidarité ». Leur diplôme, les jeunes sportifs le brandissent sur les photos prises en rafale. Il règne, dans le gymnase Lapique, un air de fête. Quand toutes les équipes sont parties et que le silence se fait enfin, presqu’irréel, il est plus de 19h. Une petite fille est restée sur le terrain. Du haut de ses 4 ans, la tête pleine des images engrangées dans la journée, elle tente des paniers. Les rate. Elle donne le meilleur. Le panier est si haut, le ballon bien lourd. Elle tente à nouveau. Les bénévoles l’encouragent. Elle rate mieux. Et sourit.

La remise des prix a parachevé la Secours Pop Cup en beauté. ©JM Rayapen/SPF

[1] Les partenaires de la première édition de la Secours Pop Cup sont Groupama, le Crédit agricole, Décathlon, Cora, la Société générale et la ville de Reims.


« L’accompagnement des bénévoles est magique. »


Patricia Le Corvic,
secrétaire générale de la fédération de la Marne du Secours populaire

« Nous travaillons d’abord, avec les personnes que nous accompagnons, sur l’envie de faire du sport. Une fois cette envie suscitée, nous nous attelons aux obstacles qui ne leur permettent pas d’avoir une pratique sportive. Le premier obstacle est financier. Nous le levons grâce à nos collectes, nos partenaires et demandes de subvention. Le deuxième obstacle, c’est la mobilité. Nous recherchons avec les familles des lieux de pratique où leurs enfants ou elles-mêmes pourront se rendre facilement et de manière régulière. Nous mettons en place un accompagnement des enfants et de leurs parents. Ce travail effectué par les bénévoles est primordial car nous allons jusqu’au bout. Nous recevons les parents et l’enfant, construisons avec eux le projet sportif et, parfois même, nous sommes présents dans le club de sport lors de la première séance pour faciliter l’intégration de l’enfant, tout mettre en œuvre pour qu’il se sente véritablement attendu. L’accompagnement des bénévoles est en cela complètement magique car il va créer le lien. Une fois que le lien est noué, que le jeune est à l’aise dans sa pratique sportive, les bénévoles se retirent sur la pointe des pieds : ils ont réalisé ce qu’ils devaient faire. Ca n’empêche pas de les revoir ! On a vécu ainsi de belles histoires, par exemple des enfants qui s’illustrent en compétition. Et toujours, de grands mercis, qui sont pour les équipes bénévoles le plus beau des encouragements à poursuivre. »


« C’est la beauté du sport ! »