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A vos fauteuils roulants : 3, 2, 1… partez !

Mis à jour le par Olivier Vilain
Sur la ligne de départ, une trentaine d'enfants porteurs de handicaps et leur accompagnateurs. Tous et toutes s'apprêtent à réaliser une performance sportive, entre 1 et 8 km de course, mais avant tout à partager un moment inoubliable, cheveux au vent.

Qui a dit que les enfants en fauteuil roulant, en déambulateur, atteints de syndromes autistiques n’avaient envie de rien ? Certainement pas les bénévoles du comité de Montreuil qui ont organisé une belle initiative autour du sport et du handicap : une course en binôme avec un adulte. Tous les participants ont passé un super moment et veulent renouveler l’expérience.

Un beau soleil inonde de lumière le parc de Guilands, à Montreuil. Ce dimanche 25 septembre, il est encore de bonne heure quand tous les participants à la course « Boucle solidaire – part’âge » se rassemblent autour des barnums aux couleurs du Secours populaire. Nadine est venue avec son mari et leurs quatre enfants. Leur fille Clélia est emmitouflée dans son fauteuil roulant, les yeux mi-clos, entourée de l’amour de toute sa famille. « Ça nous fait très plaisir d’être là. Tous les enfants ont besoin de faire du sport. Ma fille a besoin de faire comme tous les garçons et les filles de son âge », s’enthousiasme la jeune femme de 38 ans, qui raconte comment dans les transports en communs ou pour aller à l’hôpital elle doit toujours se battre pour que les enfants comme sa fille soient pris en compte. « C’est un combat de tous les jours. ». Arrive Romain. Le jeune homme athlétique salue Nadine, son mari et leurs enfants. Il fera le parcours avec Clélia, en poussant son fauteuil. « J’ai vu les annonces et je me suis dit que plutôt que de courir seul, je serais heureux de partager un moment comme ça », confie Romain, en enlevant son sweat-shirt et en ajustant ses baskets.

Des enfants qui ont envie de faire comme tout le monde

La course se déroulera en binôme, un enfant et un adulte. L’important est de participer. C’est cela la performance. Chacun, en fonction de ses possibilités, pourra courir pendant un kilomètre, au minimum, et jusqu’à 8 au maximum. « L’idée est d’organiser un événement sportif pour des enfants qui ont envie de faire comme tout le monde et qui, le plus souvent, ne le peuvent pas. C’est aussi parce qu’on a envie de lutter contre les préjugés liés aux handicaps », détaille Lara, bénévole au Secours populaire, qui s’est particulièrement impliquée dans l’organisation.

Autour d’eux, les bénévoles s’activent. Cathy, secrétaire générale du comité local de l’association, accueille tout le monde, tout en s’assurant que les boissons et les sandwichs sont rangés au fur et à mesure sur les tables, à l’ombre de la toile. « C’est une première, et c’est un peu magique. Nous sommes contents et nous le sommes d’autant plus que nous avons réuni autour de cet événement des associations locales et des services de la mairie, qui a assuré une partie importante de la logistique. » La journée a été organisée après que le Secours populaire a répondu à un appel à projet dans le cadre des Jeux Olympiques de 2024, qui se dérouleront principalement en Seine-Saint-Denis.

Sport, école, espaces publics ne sont pas inclusifs

C’est important de réunir pour un événement sportif des enfants porteurs de handicaps, car ils sont le plus souvent laissés de côté. « Peu de choses sont prévues en France dans les espaces publics, le domaine du sport ou à l’école. De ce point de vue, nous pourrions prendre exemple sur des pays comme la Norvège qui pensent l’inclusivité depuis des décennies », relève tout en inscrivant les derniers arrivants Mélanie, l’un des kinés qui suit toute l’année les enfants.

Une matinée de "Boucle solidaire", au parc Guilands à Montreuil, avec le très dynamique comité du Secours populaire et un ensemble d'associations, a fait naître de beaux moments de complicité entre athlètes, grands et petits.

Une matinée de « Boucle solidaire », au parc Guilands à Montreuil, avec le très dynamique comité du Secours populaire et un ensemble d’associations, a fait naître de beaux moments de complicité entre athlètes, grands et petits.


Deux secouristes descendent Mouna et son fauteuil roulant de l’ambulance qui l’a prise à son domicile. Tolgay est venu à sa rencontre. Ils vont constituer l’un des 30 binômes de la course, qui commencera à 10h00, dans à peine une demi-heure. « On va s’encourager mutuellement », dit l’athlète au grand cœur. Après quelques minutes d’échauffement collectif, assuré sur une grande pelouse par le club de boxe adaptée, tout le monde se dirige vers le début de la course. Il y a des handicaps moteurs, qui se traduisent par l’emploi de fauteuils, de déambulateurs, de béquilles, et de beaucoup de ténacité ; mais aussi des handicaps mentaux, qui ne peuvent pas se voir, comme 80 % des handicaps.

Des kinés qui viennent aux anniversaires

Samah est venue avec son fils Heykel, qui marche difficilement mais qui est très motivé. « Ce sont nos super kinés qui nous ont parlé de cette initiative. Au-delà des séances, ce sont comme des membres de notre famille, ils viennent aux anniversaires et soutiennent mon fils quand ça ne va pas », raconte la jeune mère de famille, qui se dit très heureuse d’un événement qui ne met pas à part les enfants porteurs de handicaps. « C’est vrai qu’on fait le maximum, comme aller à l’école pour expliquer à la communauté éducative comment bien accueillir les enfants que nous suivons », explique Thomas, tout en vérifiant que tous les binômes sont prêts et que tout va bien pour tout le monde.

C’est parti. Tout le monde s’élance, à son rythme. La piste commence par une côte, la pente est faible mais la distance importante ; les coureurs et les coureuses vont dépasser des aires de jeux, avec toboggans et bateaux pirates. Kesya, une dizaine d’années, marche difficilement avec ses genoux tournés vers l’intérieur. Elle fait le parcours avec Samah. Tour à tour, le binôme s’arrête aux stands de ravitaillement. La petite fille s’assied sur une chaise mise à disposition par un trio de bénévoles. L’une lui propose de la compote, un autre un jus de fruits. Puis Kesya et Samah repartent.

Samah court avec Kesya sur son dos

Elles piquent ensuite vers les Mercuriales, les tours jumelles qui dominent le périphérique de l’Est parisien, pour ensuite faire un virage à 180 degrés et piquer vers le fond du parc. Samah s’enquiert régulièrement de savoir si tout va bien. A un moment, elles décident de faire la course avec un autre binôme, histoire de rigoler. Samah prend alors Kezya sur son dos. Elles s’encouragent mutuellement. Elles passent sous des rangées d’arbres puis reviennent vers l’arche de ballons multicolores qui marque la ligne d’arrivée sous les applaudissements des bénévoles et des familles et aux sons de la fanfare Tarass Boulba qui fait résonner sa section de cuivres.

Ce n'est pas la douleur qu'exprime Meryem après le franchissement de la ligne d'arrivée sous des applaudissements extrêmement nourris et les vivas. "Jamais je ne me serais crue capable de faire ça !", s'exclame-t-elle, le trop plein d'émotions évacué.

Ce n’est pas la douleur qu’exprime Meryem après le franchissement de la ligne d’arrivée sous des applaudissements extrêmement nourris et les vivas. « Jamais je ne me serais crue capable de faire ça ! », s’exclame-t-elle, le trop plein d’émotions évacué.


A l’arrivée. Kezya s’aide d’un déambulateur, sous le regard bienveillant de Samah et sous les applaudissements des bénévoles qui ont formé une haie d’honneur. Elles franchissent la ligne d’arrivée sous une bordée d’applaudissements et de « bravo », après avoir parcouru près de 4 km. Puis c’est au tour de Heykel, le fils de Samah, de marcher vers l’arche de ballons d’un pas rapide. Une fois la ligne franchie, sa mère le félicite tandis que s’approche l’actrice et réalisatrice Romane Bohringer pour lui remettre une médaille, comme à chaque participant. « Je suis une marraine discrète, mais je trouve formidable cette initiative pour les enfants, qui se déroule dans ma ville. » Toute contente de voir son « actrice préférée », Samah prend une série de photos, Romane, son fils, la médaille, les sourires.

Meryem avait commencé le parcours avec des difficultés dès le début, dans la côte. « Faut pas que j’oublie de respirer… » Sous le coup de l’effort et du stress, elle s’était contractée. Puis elle a pris ses marques. Et elle a tenu tout le parcours. Les derniers 200 mètres, tout le monde lui a fait une haie d’honneur, l’encourageant et la félicitant à la fois. Émue, la jeune fille de 19 ans a lâché ses larmes sur l’épaule de sa mère, une fois la ligne franchie. « Je n’ai pas l’habitude d’être le centre de l’attention, explique-t-elle, une fois remise. Je n’en reviens pas, j’ai du mal à croire que je l’ai fait ! Je suis fière de moi ! », dit-elle le visage rayonnant.

Les bénévoles se démènent toute l’année pour les petits

Elle est motivée comme jamais pour une seconde édition. L’idée faisait déjà son chemin parmi les membres du Secours populaire de Montreuil devant le bonheur des enfants et des familles. Avec 120 bénévoles, le comité est très dynamique. La plupart est arrivée pendant le premier confinement. Les nouveaux ont commencé par des distributions alimentaires aux étudiants en détresse et depuis les effectifs du comité ont été multipliés par près de dix. Toute l’année, une équipe suit les enfants qui ont participé à la course. « Nous aidons les familles dans les démarches auprès de la Maison départementale des personnes handicapées pour déclencher leur prise en charge, car les démarches sont très longues. Nous les mettons en contact avec les kinés et les Instituts médicaux éducatifs ; pour certaines familles, nous les aidons même dans leurs démarches auprès de la préfecture pour qu’elles obtiennent des titres de séjour », explique Lara, investie dans la commission santé du Secours populaire local. Un travail de longue haleine, mais pour le moment, tout le monde est grisé et profite du pique-nique dans un brouhaha joyeux.