Qui de l’oeuf ou de la poule est solidaire?

Mis à jour le par Anne-Marie Cousin
Dans le village de Bénanou en Côte d'Ivoire les villageois disposent de protéines animales grâce à l'opération "les cocottes solidaires" conduite par les copains du Monde des Bouches-du-Rhône.

Il y a quelques semaines, les copains du Monde de Marseille décidaient de soutenir les familles du village de Bénanou en Côte d’Ivoire. Grâce à des collectes, ils espèrent financer l’achat de milliers de poussins. Pour y parvenir, ils ne manquent pas d’idées. Retour sur une belle histoire de solidarité.  

 

Alors que plus de 6 000 kilomètres séparent Marseille de Bénanou, village situé en Côte d’Ivoire, les enfants copains du Monde des Bouches-du-Rhône ne se sont jamais sentis aussi proches des enfants ivoiriens. En lien avec l’association Regards Solidarité créée en 1999, le Secours populaire des Bouches-du-Rhône travaille actuellement à la création d’un poulailler solidaire et à l’achat de denrées alimentaires pour des familles démunies. Le village de Bénanou compte environ 1000 habitants, il est situé́ à 2km de Daoukro, ville chef-lieu du département du même nom, situé au centre est du pays, dans la région de l’Iffou. Plus de 95% des villageois sont des cultivateurs qui vivent dans des maisons en terre et sont exposés à une grande précarité car régulièrement touchés par des épisodes de sécheresse qui réduisent considérablement les récoltes, ainsi que de fortes pluies qui endommagent leurs habitations. Pour permettre une autonomie alimentaire plus grande ainsi qu’un apport en protéine indispensable, notamment aux enfants, Cathy Kouamé, la présidente de Regards Solidarité a imaginé un projet de poulailler solidaire. Mais, comme elle l’explique, « les poules pondeuses sont rares et les paysans qui en possèdent ne veulent pas s’en séparer ; c’est pourquoi nous avons décidé d’acheter des poussins que nous allons élever puis donner aux familles du village. Les œufs sont des produits chers mais essentiels pour l’équilibre alimentaire ». Soutenu par le SPF des Bouches-du-Rhône, ce dernier projet est dorénavant entre les mains des enfants copains du Monde de Marseille, de Châteauneuf-les-Martigues et de Gardanne, qui n’ont de cesse de se mobiliser pour atteindre l’objectif de collecte qu’ils se sont fixé, soit 3000 euros.

Des cocottes en papier pour chaque don

En centre-ville de Marseille, le club copain du Monde qui rassemble une quinzaine d’enfants a lancé une opération « Cocottes solidaires ». Celle-ci est simple : se rendre dans des lieux publics, être présent lors de braderies du Secours populaire et demander 5 euros pour l’achat d’un poussin. En échange, chaque donateur se verra offrir une très belle cocotte en papier. Actuellement, c’est le mercredi après-midi que les copains du Monde se réunissent pour confectionner ces beaux objets de collecte. Pour donner une plus grande visibilité à ce projet, Aliciane et Marie-Luce, toutes deux « copines du Monde », ont réalisé un tuto qu’elles proposent sur TikTok. Pour ces toutes jeunes bénévoles, qui ont rejoint le mouvement il y a à peine six mois, l’engagement et la motivation sont au rendez-vous. « Faire des cocottes en papier c’est facile, tous les enfants savent en faire. Et puis c’est logique : on collecte pour que des familles aient des poules alors on offre des poules en papier ! Aujourd’hui, nous sommes un peu limités car, avec les règles sanitaires, nous ne pouvons pas vraiment organiser de collectes publiques. Mais quand tout sera redevenu normal, nous irons dans les rues pour faire connaître notre projet », précisent-elles. Pour la suite, les deux jeunes filles pensent déjà au village copain du Monde programmé cet été dans le Lubéron et auquel elles espèrent bien participer. Un temps fort de la solidarité des clubs où tous pourront réfléchir à la suite de cette mobilisation pour la Côte d’Ivoire. Et pourquoi pas envisager des échanges WhatsApp avec les enfants de Bénénou ? Aujourd’hui les quelques euros déjà collectés font leur fierté et les copains du Monde affirment qu’ils ne « lâcheront rien » pour atteindre l’objectif initialement fixé. Car, comme le précise Marie-Luce, « les familles et les enfants de Bénanou ont besoin de nous ». A croire que cet enthousiasme est contagieux : le club de Châteauneuf-les-Martigues, qui vient de se créer, a décidé de s’investir dans cette opération de cocottes solidaires. Les quatre « petitous » du club, comme les appelle Jean-Claude, ont souhaité eux aussi apporter leur aide à cette action. Eric, Séléna, Patricia et Lola ont donc décidé d’organiser une loterie sur le marché de Chateauneuf-les-Martigues avec une poule vivante. Très créatifs, les enfants ont même écrit un appel, l’appel de Kokote(1), destiné à faire connaître leur projet au grand public les jours de marchés. A Gardanne, l’idée de rejoindre l’opération fait aussi son chemin, avec la confection d’attrape-rêves comme objets de collecte pour l’été.

Des actions prévues dans les écoles

Pour Gaëlle Salado, responsable du mouvement copain du Monde et de la solidarité internationale à la fédération des Bouches-du-Rhône, ce projet a tout de suite fait l’unanimité auprès des clubs. « Les premiers retours sont très encourageants et, à terme, nous aimerions que dans chaque structure, il y ait un relais de cette opération. Nous avons aussi pris des contacts dans certains établissements scolaires. Mais avec la situation sanitaire, cela semble plus compliqué. Il nous faudra peut-être attendre la rentrée pour concrétiser certaines actions. » En 2020, le SPF des Bouches-du-Rhône a également apporté son soutien dans le cadre de la crise sanitaire aux habitants de Bénanou. En effet, pour faire face à l’isolement de nombreuses familles (non accès aux informations, illettrisme…), les bénévoles de Regards Solidarité sont allés à leur rencontre pour les sensibiliser aux gestes barrières afin d’éviter la propagation du virus et leur fournir du gel hydroalcoolique, des savons et des masques. Dans un second temps, une distribution alimentaire de produits de première nécessité a été organisée pour les plus démunis du village.  La crise liée au Covid a sévèrement touché le pays. Les ménages les plus pauvres et surtout 7 ménages sur 10 ont subi une baisse de revenus et peinent à faire face à leurs dépenses de base (Source/BMI). Pour Cathy Kouamé, « la situation de la Côte d’Ivoire n’est certes pas celle de l’Éthiopie », comme elle le dit, « mais reste extrêmement fragile ». Longtemps bénévole au Secours populaire en France, elle est retournée vivre dans son village natal en 1999. Aujourd’hui, elle poursuit son engagement pour les autres avec les mêmes valeurs, autonomie et dignité. Quand elle apprend ce qui se fait dans les clubs copains du Monde, elle est émue et très touchée de cette solidarité qui s’organise pour son village.

 

 

(1)          Appel de Kokote   

                     Salut j’m’appelle Kokote !

Aujourd’hui, ben j’ai la cote

Je viens me vendre sur le marché

Pour de la Solidarité

  Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire

  De poulailler en Côte d’Ivoire !

Les petits copains ivoiriens,

Afin de lutter contre la faim,

Ils vont construire un poulailler

Pour pouvoir s’alimenter.

  Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire

  De poulailler en Côte d’Ivoire !

Toutes mes amies et mes copines

Vont leur donner des vitamines.

Ce sera un peu grâce à toi

Et ces billets de tombola.

  Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire

  De poulailler en Côte d’Ivoire !

Sur le grand marché de Châto

Tu peux m’gagner pour 2 euros.

Ne passe pas et viens me voir

Même si c’est loin la Côte d’Ivoire.

  Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire

  De poulailler en Côte d’Ivoire !

Contre la faim dans le Monde

Arrête-toi, là, sur mon stand.

Faire de la solidarité

C’est un pari qu’on veut gagner !

 

Mots-clefs