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Des grains de sable contre les expulsions locatives

Mis à jour le par Laurent Lefèvre
Charges trop lourdes, loyers trop élevés, chômage, les personnes précaires rencontrent de cruelles difficultés à se maintenir dans un logement.

La trêve hivernale qui débute le 1er novembre est un répit pour tous ceux qui sont obligés de quitter leur logement : en dix ans, les expulsions avec recours à la force publique ont augmenté de 46 %. Pour prévenir ces drames, les bénévoles accompagnent dans la durée les familles en grande difficulté identifiées dans les permanences juridiques ou lors de distribution d’aide alimentaire.

La trêve hivernale, qui démarre vendredi 1er novembre, est un répit bienvenu pour tous ceux qui sont obligés de quitter leur logement : en dix ans, les expulsions avec le recours de la force publique ont augmenté de 46 %. Si elle suspend les expulsions locatives, cette trêve ne met pas fin aux procédures qui peuvent aboutir à cette décision. Dès que des personnes accueillies mentionnent ces courriers (relances du bailleur…) lors d’une permanence juridique, d’accueil ou au cours d’une distribution alimentaire, les bénévoles du Secours populaire se mobilisent afin de prévenir toute expulsion. « Vivant une situation d’insécurité, de peur, d’évitement des problèmes, elles viennent à nos permanences avec une lettre du bailleur ou des allocations familiales et souhaitent être reçues dans le bureau portes closes », souligne Christine Ermacora, secrétaire générale du comité de Saint-Cyr-l’École (Yvelines).

« Remettre en selle »

« J’ai eu de la chance : j’ai été bien entourée et accompagnée [pendant un an et demi] », se réjouit madame Boo, mère isolée avec deux enfants menacée en mars 2015 d’être expulsée de son logement social de Saint-Cyr-l’École. Pour elle comme pour les autres personnes aidées par le comité de cette ville située au sud-ouest de Paris, un protocole d’apurement de la dette locative a été négocié avec l’un des trois bailleurs sociaux du secteur avec lesquels les bénévoles ont des contacts privilégiés. Tant que la personne respecte ce contrat – généralement une mensualité hors loyer de 50 euros –, cela suspend le risque d’expulsion.

Ces familles qui ont contracté des dettes locatives rencontrent bien souvent d’autres soucis, notamment de budget, avec des difficultés pour le gérer. « Il y a des accidents dans leur vie et elles sont prises entre l’affectif – aider leurs enfants – et la rationalité de la lutte contre l’expulsion, souligne Christine Ermacora. Sortir de cette expérience douloureuse n’est jamais simple ni linéaire : elles décrochent à un moment et il faut les remettre en selle jusqu’à ce que tout risque soit écarté. » En cinq ans, une dizaine de familles ont été aidées par quatre bénévoles du comité qui assurent au long cours un suivi personnalisé et régulier fondé sur la confiance.

Un accord gagnant-gagnant

À Colomiers (Haute-Garonne), le comité accompagne une centaine de foyers, qui vivent ou ont connu des problèmes d’endettement locatif, dont une huitaine menacés d’expulsion. « Ici, le plus important, c’est l’accueil : on peut tout dire, même les choses que l’on n’ose pas confier à sa propre famille », témoigne un père isolé avec trois enfants, menacé en 2017 d’être expulsé de son logement social. Grâce au soutien du comité, il a pu trouver un nouvel hébergement et avance vers l’autonomie.

« Nous avons un partenariat depuis plus de vingt ans avec le bailleur social de la ville, avec lequel nous réalisons un travail de prévention de l’endettement des familles aidées par le comité ou identifiées par le bailleur comme à risque », souligne Benjamin Blanc, le secrétaire général du comité de Colomiers.

Avant que la procédure soit lancée – au bout de deux mois de loyers impayés, les APL peuvent être gelées –, « nous agissons comme médiateur et facilitateur pour la mise en place d’un plan d’apurement adapté au budget des personnes, qui sont ensuite accompagnées individuellement par un membre du comité ». Grâce à ce suivi, 80 foyers ont aujourd’hui résolu leur problème d’endettement et les autres sont en bonne voie pour en sortir : un accord gagnant-gagnant qui satisfait tout le monde, y compris le bailleur social !

Anticiper et accompagner

Toute l’année, les fédérations et les comités du Secours populaire mènent des actions pour l’accès ou le maintien dans le logement. Par exemple en Haute-Marne, une commission d’urgence composée de bénévoles attribue des aides financières pour le paiement des loyers, du chauffage et soutient des foyers en précarité énergétique. À Sainte-Tulle-Manosque (Alpes-de-Haute-Provence), le comité apporte des aides à la location (prise en charge ponctuelle des loyers, paiement de cautions, d’assurances habitation) et à la consommation énergétique – 70 % des aides financières apportées par ce comité concernent le logement.

Les personnes aidées arrivent parfois un peu tard, mais tout est possible et sauvable, résume Christine Ermacora. Celles qui se sont tournées vers nous n’ont jamais été expulsées.


1. Débutant le 1er novembre, la trêve hivernale, qui se termine mardi 31 mars 2020 à minuit, suspend également les coupures de gaz et d’électricité en cas d’impayées.

 

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