Accompagner

  • Accès aux droits

Des impayés au surendettement, une situation alarmante

Mis à jour le par Olivier Vilain
A Saint-Cyr-L'Ecole, une permanence juridique se tient régulièrement. Les personnes aidées viennent avec les documents nécessaires pour leurs démarches administratives et pour de l'aide relatives aux factures impayées.
A Saint-Cyr-L'Ecole, une permanence juridique se tient régulièrement. Les personnes aidées viennent avec les documents nécessaires pour leurs démarches administratives et pour de l'aide relatives aux factures impayées. @J-M. Rayapen/SPF

DOSSIER. Avec l'envolée des prix, les familles n'arrivent plus à payer leurs factures et la spirale de l'endettement guette. Les bénévoles trouvent des solutions.

Associations de solidarité et banquiers sont pour une fois d’accord : avec la hausse violente des prix depuis la fin 2020, la pression sur les familles ne cesse d’augmenter. Électricité, gaz, essence, alimentation… de plus en plus ont du mal à joindre les deux bouts, les factures s’accumulent ; les découverts aussi et l’endettement guette.

Sur le plan national, les bénévoles du Secours populaire français accompagnent plus de 10 000 foyers confrontés aux impayés et au surendettement (*). « Les problèmes d’impayés concernent principalement le loyer et les charges liés au logement, comme le chauffage, l’électricité », explique Danielle, bénévole depuis plus de 20 ans à la permanence juridique du Secours populaire à Saint-Cyr-L’Ecole, dans les Yvelines.

De son côté, l’association Crésus, qui aide les particuliers à sortir ainsi la tête de l’eau, s’inquiète de voir que désormais ces dossiers de surendettement ne sont plus constitués principalement de ménages qui n’arrivent pas à rembourser de nombreux crédits, comme c’était le cas traditionnellement, mais de familles qui n’ont pas les ressources pour faire face à l’augmentation des charges courantes (Voir, plus bas, notre Parole d’experte).

Même avec un CDI, l’endettement peut être rapide

La Banque de France ne dit pas autre chose : les tensions s’accumulent au niveau des incidents de paiement, depuis plusieurs années. « Il y a une part croissante de dossiers sans dettes de crédit, déposés par des ménages qui n’arrivent plus à assurer les charges courantes », relevait au moment de l’apparition du Covid-19 Mark Béguery, directeur des particuliers à la Banque de France (Le Monde, 07.02.20). Les personnels de l’établissement public se disaient déjà « très vigilants » pour l’avenir, « en raison du risque de hausse du chômage ».

Même avec un CDI, la spirale peut être rapide, comme dans le cas de Blandine, une jeune femme de 25 ans qui vit dans l’Allier, (F3 Auvergne Rhône-Alpes, 11.09.2023) : « Tout a commencé en 2020. (…) J’avais souscrit un leasing pour une voiture. Au bout de cinq jours, j’ai eu un accident de voiture. Les réparations coûtaient très cher et je n’avais absolument pas les moyens de les payer. J’avais pris un prêt sur une petite durée, mais cela m’a complètement mis dans le rouge ». Rapidement, elle n’arrive plus à payer des mensualités de 200 à 300 euros. « Moralement c’était très dur (…). Je ne voyais pas comment m’en sortir. »

Le problème, c’est que les salaires n’augmentent pas et les allocations familiales non plus, alors que les charges, surtout celles liées au logement, montent de manière importante

Danielle, bénévole à Saint-Cyr-L’Ecole
A Nancy, un homme se débat avec la précarité énergétique. Il se tient dans sa cuisine.
Les prix de l’énergie et de la nourriture s’envolent alors que les revenus stagnent. La pression augmente sur les ménages modestes qui ne peuvent pas faire face à l’ensemble des factures. @P. Montary / SPF

Le nombre de dépôts de dossiers de surendettement a bondi récemment : « En Auvergne-Rhône-Alpes, entre janvier et fin août 2023, cela a augmenté de 9,7 %. Au niveau national, la hausse est de 6,2%. C’est assez flagrant : en août, généralement, il y a un fléchissement du nombre de dépôts mais pas cette année », relève Olivier Danès, directeur de la Banque de France à Grenoble (F3 Auvergne Rhône-Alpes, 11.09.2023).

« Pour le moment, nous ne voyons pas plus de cas d’endettement qu’avant mais les gens compriment leur consommation encore plus que d’habitude », relève Danielle, à Saint-Cyr-L’Ecole. Les personnes se restreignent même lors des braderies de vêtements organisées par le Secours populaire. Celle-ci leur permettent de repartir avec des articles à 50 centimes, un manteau pour 4 euros… « En général, beaucoup repartent en ayant fait pour 25 euros de courses, mais je n’en ai pas vu lors des dernières braderies. Même ça, c’est devenu hors de leur portée malgré leur peu de dépenses : pas de livres, pas de sorties… » Comme s’ils faisaient extrêmement attention pour ne pas se retrouver dans l’incapacité de payer leurs frais incompressibles.

L’énergie et l’alimentation, la double épée de Damoclès

Le problème, pour la bénévole expérimentée, « c’est que les salaires n’augmentent pas et les allocations familiales non plus, alors que les charges, surtout celles liées au logement, montent de manière importante. » Il y a aussi une question de seuil pour les aides sociales : « Pour quelques dizaines d’euros ‘’en trop’’, vous perdez vos aides alors que votre niveau de vie ne vous distingue pas de ceux qui les perçoivent. » L’ancienne enseignante donne l’exemple d’une famille qu’elle connait bien. Le mari gagne 1500 euros par mois, « madame ne travaille pas ». « Mariés, un enfant mais pas d’allocation familiale. Une fois leurs charges déduites, il ne leur reste pour vivre que 6 ou 7 euros. »

Dans ces conditions, ces ménages basculent facilement quand les prix de l’énergie et de l’alimentation explosent depuis 3 ans. Surtout, si à côté, il faut faire face à des dépenses imprévues : si le réfrigérateur, la machine à laver le linge ou la voiture tombent en panne ; ou s’il faut rembourser un trop perçu à la Caisse d’allocations familiales (Le Monde, 24.04.23). La spirale peut aussi se déclencher quand les revenus diminuent brutalement, en cas de fin de contrat, de chômage ou de congés parental (Le Monde, 07.02.20).

On peut penser que si la pression inflationniste se maintient, un certain nombre de ménages ne seront plus en mesure de tenir dans la durée : certains budgets sont désormais tellement en tension que le moindre accroc peut les faire basculer 

Ana Perrin-Heredia, chercheuse au CNRS, membre du laboratoire Cerlis
Moment de détente entre une personne aidée et une bénévole, au libre-service alimentaire à Lyon
Une fois qu’ils ont payé les dépenses liées au logement, beaucoup de ménages n’ont plus de quoi acheter à manger.
@J-M.Rayapen/SPF

A Saint-Cyr, un salarié qui n’a pas pu régler son loyer s’est retrouvé en procédure d’expulsion. Danielle y a mis un terme devant le tribunal après avoir contacté le bailleur pour lui apprendre que la personne s’était retrouvée sans ressources après être tombé gravement malade et qu’un imbroglio administratif l’avait empêché de percevoir ses indemnités de la part de la Sécurité sociale. « On a négocié avec le bailleur un peu de patience et on a monté un dossier pour le juge ! », se rappelle la bénévole très pugnace. A la même permanence juridique, une mère de famille vivant seule avec ses deux enfants était elle aussi menacée d’expulsion. Ses ressources se constituaient seulement d’allocations familiales et de l’allocation adulte handicapé (AAH).

Mais, en fonction des mois et des démarches, la Sécu suspendait l’AAH, puis la remettait, puis la suspendait à nouveau. « Dans cette situation, la dette apparait, puis grossit. Il a fallu entrer en action. » Les étrangers se retrouvent dépendant de la préfecture dont les choix apparaissent difficilement lisibles. « Elle ne renouvèle pas les papiers de gens qui parfois avaient déjà été titulaires de deux cartes de séjour de dix ans et dont les enfants sont scolarisés, etc. » Plusieurs personnes se sont tournées vers le Secours populaire une fois qu’elles n’avaient plus de papiers et que leurs employeurs s’étaient séparés d’elles pour cette raison administrative.

Un Français sur cinq vit tous les mois à découvert

Toute diminution de ressources, même minime, peut faire basculer le budget d’une famille de catégorie populaire (ouvriers ou employés, peu qualifiés et peu rémunérés), comme l’a montré la sociologue Ana Perrin-Heredia (**). « On peut effectivement penser que si la pression inflationniste se maintient, un certain nombre de ménages ne seront plus en mesure de tenir dans la durée : certains budgets sont désormais tellement en tension que le moindre accroc peut les faire basculer », souligne la chercheuse au CNRS, membre du laboratoire Cerlis. Elle rappelle la mécanique implacable de « la multiplication des incidents de paiement » et des « frais qu’ils entrainent » qui peuvent conduire les ménages dans la spirale de l’endettement.

Parfois, c’est toute une catégorie qui voit ses revenus diminuer. Faisant écho aux craintes de la Banque de France, Crésus s’inquiète de la baisse programmée des revenus des chômeurs mais aussi de l’attitude des banques qui multiplient les frais et qui n’accompagnent pas assez leurs clients dont la situation est fragile. Chômeurs ou pas, la situation est très tendue pour nombre de familles. En septembre dernier, le 17e baromètre de la pauvreté et de la précarité mené par Ipsos pour le Secours populaire a montré qu’un tiers des Français et des Françaises arrivent tout juste à boucler leur budget et que 18 % ont des revenus si insuffisants qu’ils « vivent à découvert ». Plus les revenus sont bas, plus le cas est fréquent. C’est pourquoi, la proportion des ouvriers, employés et personnes dont le niveau de formation est inférieur au bac, qui déclarent vivre à découvert est encore plus élevée.

266 familles sur les 300 que nous accompagnons ne disposent que de 3 euros maximum par jour et par personne, une fois payés leurs frais incompressibles 

Danielle, bénévole à Saint-Cyr-L’Ecole
Une femme âgée s'éloigne en sortant d'un vestiaire du Secours populaire.
Souvent, la honte accompagne les ménages confrontés à la dette. Alors que des structures, notamment associatives, sont là pour les aider à passer le cap. @J-M.Rayapen/SPF

Dans ces conditions, il n’est pas étonnant de retrouver dans les commissions de surendettement les employés, les ouvriers et les personnes sans activité professionnelle. En effet, confirme pour sa part l’association Crésus, les gens qui se retrouvent le plus souvent en situation d’impayés sont principalement des titulaires de contrats précaires, CDD, intérim, saisonniers de l’hôtellerie-restauration. Un quart des personnes surendettées sont au chômage, en particulier des chômeurs et des chômeuses en fin de droits, mais aussi des commerçants ayant mis la clé sous la porte et qui s’étaient portés caution à titre personnel (Le Monde, 20.10.21) ; ou encore les autoentrepreneurs, dont le revenu moyen est de seulement 590 euros, selon l’Insee.

« Certes, il leur arrive de faire des erreurs de gestion, de laisser aller les dépenses au point de devoir finalement payer des pénalités ou de tomber dans le surendettement, relève le sociologue Denis Colombi, dans son ouvrage Où va l’argent des pauvres (Payot, 2020). Mais cela ne les distingue pas vraiment des autres catégories sociales. » La différence réside dans le fait que les conséquences sont plus graves pour les plus pauvres.

Au total, plus de deux tiers des ménages surendettés avaient un niveau de vie inférieur au SMIC en 2022. « Les gens que nous recevons dans nos permanences d’accueil vivent avec très, très, peu : 266 familles sur les 300 que nous accompagnons pour l’aide alimentaire, vestimentaire, les vacances, l’aide administrative, ne disposent que de 3 euros maximum par jour et par personne, une fois payés leurs frais incompressibles », analyse Danielle en regardant dans les fichiers du comité de Saint-Cyr. Pour elle, comme pour beaucoup d’observateurs, « il y a vraiment un problème de niveau de ressources, trop basses et qui n’augmentent pas au rythme des charges de la vie quotidienne ».

—————————————————–

(*) Source : Atrium, la base de données du Secours populaire, consultée le 17.10.23. Chiffre recueilli sur 70 % des fédérations de l’association.

(**) Ana Perrin-Heredia, « De si “petites” différences. Conduites économiques et segmentation sociale », in Nicolas Duvoux, Cédric Lomba (dir.), Où va la France populaire ?, Paris, PUF, coll. « La vie des idées », 2019

Photo @N. Bardou/SPF

PAROLE D’EXPERT

Dettes : « Il y a un problème de niveau des ressources par rapport aux charges contraintes »

Pauline Dujardin, Juriste fédérale chez Crésus. @DR

Juriste chez Crésus, la principale association de conseils aux particuliers confrontés aux difficultés de paiement, Pauline Dujardin décrit une situation où les budgets des ménages voient s’accumuler des tensions de plus en plus fortes. Cela pourrait déboucher sur hausse des cas de surendettement.

« La situation actuelle est plutôt inquiétante. Bien sûr, quand on regarde le nombre de dossier de surendettement, on constate une diminution depuis la loi Lagarde de 2010. Celle-ci a imposé aux établissements bancaires et aux organismes de crédit une plus grande rigueur dans la distribution de prêts, ce qui protège les particuliers.

Si le nombre de dossier de surendettement a diminué de moitié en 10 ans, nous n’en sommes pas moins toujours inquiets. Beaucoup des gens passent au travers du dispositif et ceux qui viennent nous demander des conseils ou entamer une procédure de surendettement, sont mis en difficulté par leurs charges courantes. En général, ils n’ont aucun crédit en cours, ce qui faisait traditionnellement basculer le budget des ménages, il y a quelques années.

Il s’agit donc d’un problème de niveau de ressources rapporté au montant des charges contraintes (loyer, énergie, téléphone, abonnements, essence, assurances…). Leur poids augmente dans le budget domestique alors que les salaires ne bougent pas. Le début d’année a aussi été une période où les locataires ont reçu beaucoup de très grosses régularisations de charges d’énergies. C’est typiquement ce qui fait tomber les familles dans les difficultés. Dans ce contexte, nous sommes très inquiets de l’augmentation du crédit à la consommation, constaté par la Banque de France en début d’année. Nous craignons qu’une partie de ces prêts ait été contractée par les familles dans le seul but de payer des crédits existants avec cet apport de trésorerie. Et, à terme, cela pourrait se traduire par une hausse des cas de surendettement. »

Photo @N. Bardou/SPF

REPORTAGE

Un partenariat pour empêcher les expulsions pour impayés

Dalila travaille dans le nettoyage avec un compte en permanence dans le rouge. Ne pouvant plus payer son loyer, elle est allée voir le Secours populaire de Colomiers qui a un partenariat avec le bailleur social de la ville pour éviter les expulsions. @J-M. Rayapen/SPF

A Colomiers, dans la banlieue de Toulouse, le Secours populaire a passé un partenariat avec le bailleur social de la ville. Il intervient et accompagne les locataires dès le premier impayé de loyer. L’intervention rapide et bienveillante permet de couper court à la galère et empêche les expulsions. Précieux à un moment où les difficultés de paiement augmentent sur le plan national.

Dalila sort de son immeuble. Elle habite seule un grand 5 pièces au 4e étage de l’un des nombreux logements sociaux de Colomiers, une ville populaire en périphérie de Toulouse (Haute-Garonne). Elle se dépêche de prendre sa voiture pour partir au travail. Quand le photographe du Secours populaire la prend en photo, le sourire de Dalila est légèrement crispé. Cela traduit sa situation actuelle : elle n’est pas sortie d’affaire, même si elle a évité l’expulsion.

« En juin dernier, je n’avais rien dans le frigo. C’était la dégringolade », se remémore Dalila. « Et encore, Dalila est venue assez rapidement, avant que sa situation devienne incontrôlable », observe Benjamin Blanc, secrétaire général du comité du Secours populaire à Colomiers. Au premier impayé de loyer, le Secours populaire lui a octroyé une aide et l’a reçue pour commencer une aide alimentaire, qu’elle vient chercher toutes les deux semaines.

« Ces derniers mois, j’ai un découvert de 3000 euros. C’est rouge vif. »

En temps normal, Dalila fait habituellement partie des 18 % des Français vivant à découvert (baromètre de la pauvreté 2023, Ipsos / Secours populaire). « Je termine le mois à -1000, -1200 euros, mais avec ma paie, je repasse toujours dans le positif. » Elle a dû aider son fils de 23 ans et pour cela contracter un prêt de 1600 euros auprès de sa banque. Cela a complètement déstabilisé son budget. « Je suis toujours dans le rouge, pendant tout le mois, ça me fait près de 3000 euros de découvert et j’ai beau demander des solutions auprès de ma banque, elle se contente de me prélever des frais. »

L’aide du SPF intervient dans le cadre d’un partenariat avec Altéal, l’unique bailleur social de la commune : entre 80 % et 90 % des personnes aidées par le Secours populaire de Colomiers sont aussi locataires chez ce dernier. Avec plus de 4 000 logements sur la commune, il loge environ un tiers des habitants.

La fonction d’un bailleur est quand même de maintenir les familles dans leurs logements et pas de les en sortir pour cause d’impayés 

David Ferrand, chargé de développement durable chez Altéal
Benjamin Blanc suit le dossier des impayés d’une centaine de familles. Il sera épaulé par un second bénévole prochainement. En coordination avec Benjamin, six autres bénévoles assurent des contacts réguliers avec ces familles jusqu’à ce que ces dernières sortent de la zone de turbulences. @J-M. Rayapen/SPF

« Nous travaillons avec le Secours populaire depuis des années et nous avons renforcé notre partenariat à la suite de la pandémie à cause des difficultés que rencontrent familles, d’abord à cause de l’arrêt de leur activité professionnelle durant les confinements, puis avec la hausse des prix », rappelle David Ferrand, chargé de développement durable chez Altéal, pour qui « la fonction d’un bailleur est quand même de maintenir les familles dans leurs logements et pas de les en sortir pour cause d’impayés ». Sur le plan national, les difficultés sont sévères pour les locataires des bailleurs sociaux dont 13 % « sont en situation d’impayés », selon le dernier baromètre de l’Agence nationale de contrôle du logement social.

« Il nous a semblé qu’il était intéressant d’intervenir au premier mois d’impayé, plutôt que d’intervenir quand la situation est déjà plus compliquée avec des arriérés qui s’accumulent, des relations qui se tendent et des privations aiguës pour les familles », explique Benjamin Blanc. Car à partir du premier impayé, un compte-à-rebours s’enclenche… Dès le second impayé, les APL peuvent être suspendues. Et l’aide du Fonds social pour le logement ne peut être déclenchée que si le locataire en difficulté fait preuve de sa bonne volonté en payant intégralement deux loyers en retard. « Sans les APL, c’est mission impossible. D’où l’intérêt de prendre les choses en main le plus tôt possible », appuie Benjamin Blanc.  L’intervention du Secours populaire veut dire une sortie de crise plus rapide, ce qui épargne aux familles des journées de privations, d’angoisse, de galère.

Le Secours populaire intervient dès le premier impayé

Deux cas de figures. Soit le bailleur alerte le Secours populaire, soit la personne en difficulté, comme Dalila, vient trouver l’association. Ensemble, ils font un bilan de la situation : les revenus sont-ils trop bas ? Le budget a-t-il été déstabilisé ? les charges ont-elles trop augmenté ? La personne perçoit-elle toutes les aides auxquelles elle a droit ? Puis, après discussion avec le ou la locataire, le Secours populaire présente sa solution au bailleur. Un échéancier est établi. Le Secours populaire peut monter un dossier pour une intervention du FSL et débloque, pour sa part, des aides financières pour passer la crise.

« Dans le cadre du partenariat, Altéal nous confie 10.000 euros par an, en plus de 10.000 par le fonds d’innovation sociale des Entreprises sociales de l’Habitat », précise Benjamin Blanc. Dans le cas de Dalila, le Secours populaire l’accompagne aussi auprès de son bailleur pour qu’elle déménage dans un appartement plus petit. « Niveau loyer, ce sera dur de trouver quelque chose pour 360 euros mais ce sera beaucoup plus économe en matière de charges, surtout de chauffage. » « Ça devrait bien se passer parce que les grands appartements sont recherchés par les familles », projette la femme de 60 ans, tout en soufflant l’air de sa cigarette.

« On se restreint sur tout : la voiture, les vêtements… A un moment, ça devient un choix entre remplir le réservoir de la voiture ou faire les courses.

Nadia. La jeune femme s’est arrêtée de travailler pour veiller sur sa fille malade
David Ferrand, à gauche, travaille pour le bailleur Altéal. C’est lui qui est l’interlocuteur de Benjamin Blanc, du Secours populaire, dans le cadre du partenariat. Les deux se félicitent du travail fait en commun auprès des familles en difficulté. @J-M. Rayapen/SPF

L’aide du Secours populaire ne se limite pas à des fonds d’urgence et un accompagnement : dans certains cas, l’association intervient pour prévenir la tombée dans l’endettement et les impayés. « On se restreint sur tout : la voiture, les vêtements… A un moment, ça devient un choix entre remplir le réservoir de la voiture ou faire les courses », constate Nadia. La femme de 39 ans a déménagé en janvier dernier avec son mari et ses trois enfants dans un pavillon d’Altéal. Mais, le déménagement, le loyer plus élevé et la caution assèche les maigres économies de la famille. Pendant six mois, toute l’énergie de Nadia est tournée vers le paiement, coûte que coûte, des échéances de loyers.

« Il faut penser ces budgets [modestes] dans leur globalité et bien avoir en tête que pour celles et ceux qui ont le moins, le moindre écart de revenus, la moindre hausse des dépenses peut faire basculer des équilibres budgétaires nécessairement fragiles, analyse Ana Perrin-Heredia, sociologue au laboratoire du Cerlis. Quand tout se joue à si peu, le moindre euro compte et vaut cher. » Pour la chercheuse, le moindre changement, en particulier des retards dans le versement de prestations ou des variations dans les dépenses, peut avoir « des effets dévastateurs pour ces budgets précaires ».

La situation s’est stabilisée avec l’intervention du Secours populaire

En mai dernier, le CDD de son mari s’achève et contrairement à d’habitude, il ne trouve pas d’employeur. Nadia, elle, a dû arrêter en 2016 son activité dans le nettoyage quand une leucémie a été diagnostiquée chez sa fille aînée. « Heureusement, elle est en rémission et tout va bien maintenant. » Mais elle attend encore que ses enfants de 14, 12 et 4 ans grandissent un peu pour revenir sur le marché du travail. Besoin de souffler, elle se rend en juin dernier au Secours populaire, quand elle voit que malgré ses efforts les impayés guettent.

« On a analysé sa situation et nous avons payé un mois de loyer pour que la famille se renfloue », relève Benjamin Blanc. Depuis, le mari de Nadia a trouvé un CDI à la piscine municipale et les APL ont été rehaussées. En quelques mois, les ressources de la famille ont augmenté de moitié. Nadia doit toujours faire des budgets serrés et passer par un système d’entraides, via un large réseau de connaissances, mais la situation s’est stabilisée.

Il faut monter son sceau tout en haut, après l’avoir rempli avec de l’eau glacée du sous-sol. Je l’avais refusé jusqu’à maintenant

Dalila va nettoyer les escaliers d’immeubles pour faire entrer plus d’argent, au détriment de sa santé
Ce ne sont pas les difficultés qui effaceront le sourire de Nadia. Serrant son budget au maximum, elle a vu que le loyer allait coincer. Elle s’est rendue au Secours populaire pour une aide qui lui a permis d’éviter les impayés, le temps que son mari décroche enfin un CDI. @J-M. Rayapen/SPF

Devant les résultats positifs du partenariat, le Secours populaire et Altéal envisagent de l’étendre dans l’ancienne région Midi-Pyrénées, à terme. Et dès le printemps 2024, il s’enrichira d’un volet contre la précarité énergétique. « Là encore, on mettra en place des aides et un accompagnement », annonce le secrétaire général du Secours populaire de Colomiers. Une extension bienvenue dans la mesure où les frais de chauffage ont largement augmenté et qu’un quart des ménages s’est trouvé en difficulté pour payer ses factures d’énergie en 2021, selon l’Observatoire national de la précarité énergétique.

En attendant, parce que son compte en banque est profondément dans le rouge, Dalila fait le ménage à La Poste, dans les banques, les agences immobilières. Elle va même doubler ses horaires de travail en nettoyant aussi les escaliers d’immeubles. « Il faut monter son sceau tout en haut, après l’avoir rempli avec de l’eau glacée du sous-sol. Je l’avais refusé jusqu’à maintenant. » Pendant ce temps, le Secours populaire prévoit de l’épauler également dans ses négociations avec sa banque.

Thématiques d’action

Campagne

Mots-clefs