Pour une justice sociale et environnementale : rencontre avec Xavier Moya du PNUD

Mis à jour le par Pierre Lemarchand
Vivre dignement de son travail, en harmonie avec son environnement : les projets soutenus par le Secours populaire dans le monde obéissent à un modèle de développement durable.

Xavier Moya travaille au PNUD, le Programme des Nations Unies pour le Développement. Présent dans 170 pays et territoires, le PNUD, organisme multilatéral de développement, a pour mission d’éradiquer la pauvreté tout en protégeant la planète. Xavier Moya, ingénieur agricole mexicain, dirige le bureau de l’organisme pour le sud-est du Mexique ; c’est là que sa route a croisé celle du Secours populaire. Il répond à quelques questions sur le lien entre lutte contre la pauvreté et préservation de la planète.

 
 

Pourquoi pensez-vous que la justice sociale et la justice environnementale vont de pair ? En d’autres termes, en quoi le fait de prendre soin des humains, c’est aussi prendre soin de la planète ?

Une lutte ne peut être comprise sans l’autre. Peut-être que dans les années 70 et 80 (il y a presque 40 ans ou plus !), elles étaient séparées, voire opposées. Mais les réflexions plus contemporaines révèlent déjà qu’il n’est pas possible de parvenir à une justice sociale intégrale et durable sans un environnement sain, et vice versa. C’est une question de principes et de cohérence conceptuelle et méthodologique. Mais aussi, les preuves empiriques le confirment : les processus d’autonomisation et d’amélioration pérennes de la vie des communautés urbaines et rurales comprennent une position de gestion durable, de pouvoir de décision sur la gestion des ressources naturelles et dans de nombreux cas également, une prise de conscience que les êtres humains ne s’opposent pas aux écosystèmes dans lesquels ils vivent, mais qu’ils en font partie – y compris le macro-écosystème de la planète Terre !

Les êtres humains ne s’opposent pas aux écosystèmes dans lesquels ils vivent, mais ils en font partie !

En tant que membre du personnel du PNUD, vous êtes bien placé pour observer les ravages causés par le changement climatique. Quelle est, selon vous, la chose la plus urgente à faire pour freiner le changement climatique ?

Une action globale est nécessaire, tant au niveau de la société civile, des gouvernements que des agences internationales. Il est certain que le fait d’appliquer les accords de Paris, ou de ne pas les appliquer, fait une grande différence. Toutefois, dans une grande partie du monde, ces accords ne prévoient pas d’action locale simultanée…. Il se peut, par exemple, qu’un gouvernement signe les accords et, au niveau local, autorise la déforestation, l’installation d’une industrie polluante ou la violation des droits d’un peuple indigène cherchant à obtenir justice en matière d’environnement…. Il est assurément urgent de permettre aux actions locales contre le changement climatique (pour la justice sociale et environnementale) de se développer et de se connecter aux initiatives mondiales. Les pays doivent être tenus responsables de la manière dont ils dialoguent avec les initiatives locales (voire les encouragent) dans le cadre de leurs engagements en matière de climat. 

Les grands changements sont obtenus en combinant de petites actions avec de grands accords.

Les femmes sont souvent au centre des projets de développement durable ; pourquoi, selon vous ?

Ce n’est pas toujours le cas. Les femmes font souvent une grande partie du travail dans les projets de développement durable. Cependant, dans ces mêmes projets, les hommes sont beaucoup plus susceptibles de prendre les décisions, de posséder les ressources et de profiter des avantages. 

Les femmes réussissent à être au cœur du travail, des décisions et des bénéfices dans certains projets ; cela se produit à mon avis parce que ces projets visent explicitement à remettre en question non seulement les grands problèmes sociaux et environnementaux du monde, mais aussi les petites injustices, parfois invisibles, de chaque communauté, de chaque famille, de chaque groupe de travail, et à réaliser ainsi une transformation plus intégrale et durable. Dans ces projets, puisque les femmes se sont battues pour jouer un rôle central, elles l’assument également avec une plus grande responsabilité, ce qui leur profite, mais profite aussi au projet lui-même. 

Êtes-vous d’accord avec l’idée qu’il n’existe pas de « petite action » ; que toute action, aussi petite soit-elle, est toujours utile ? 

Oui. Les grands changements sont obtenus en combinant de petites actions avec de grands accords. 

 

Traduction Danièle SAINT-AMANS 


Xavier Moya, une vie au service du développement durable

Depuis trente années à présent, Xavier Moya est chercheur et consultant pour les gouvernements et les agences internationales. Au sein du PNUD, il est expert sur les questions de durabilité et de réduction des risques dans la région sud-est du Mexique. Il travaille toujours en lien étroit avec les communautés, qu’il conseille dans leurs projets visant à créer des activités génératrices de revenus, respectant à la fois la dignité des personnes et la préservation de leur environnement. Il écrit régulièrement dans des revues sur ces questions de développement durable qui l’animent depuis toujours. 
En 2010, il devient directeur du bureau du PNUD pour le sud-est du Mexique, situé dans l’état du Yucatán. Là est implantée l’association Muuch Kambal, partenaire mexicain du Secours populaire, que Xavier Moya accompagne dans ses actions qui promeuvent une agriculture biologique et une autonomisation des communautés mayas. Fin 2017, à la suite des tremblements de terre qui ravagent l’état d’Oaxaca, il apporte son savoir-faire à un autre partenaire du SPF, l’association Nääxwiin, afin de répondre à l’urgence et mettre en place des activités génératrices de revenus pour des groupements de femmes, notamment par la construction de fours traditionnels et antisismiques pour fabriquer des totopos, ces petites tortillas typiques du sud-Mexique. . 
Xavier Moya, au fil des ans et des projets, est devenu un partenaire précieux du SPF.

 

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