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Portraits de femmes : quatre parcours d’engagement

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Illustration réalisée par Cécile Dormeau

A l'occasion du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, nous avons souhaité mettre à l'honneur quatre femmes d'âges, de conditions et d'horizons divers, dont le point de convergence est de s'engager au Secours populaire. La solidarité que pratiquent, à leur mesure, ces femmes témoigne de leur volonté de jouer pleinement leur rôle dans la société et de contribuer à ce qu'elle devienne plus juste et plus humaine. Et vérifie le fameux vers d'Aragon : "L'avenir de l'homme est la femme".

Maria. Une vie aussi belle qu’en Russie

Maria vient de Russie, toute sa famille vit à Sotchi, au bord de la Mer Noire. Elle est arrivée en France il y a trois ans et demi, après avoir rencontré un français vivant à Rennes. Ils se sont mariés, on eut un garçon. Elle est désormais divorcée. « Mon premier contact avec le Secours populaire a été ses cours de français pour adultes. À mon arrivée, je ne savais pas du tout le parler », dit-elle avec son fort accent et en cherchant ses mots, mais utilisant un vocabulaire devenu très large et avec une syntaxe impeccable. Seuls les verbes n’apparaissent pas toujours sous une forme habituelle ; et certaines trouvailles sont assez savoureuses. Très déterminée, la trentenaire avait été orientée vers l’association par Pôle emploi. « J’ai un niveau d’étude de Master 1 en comptabilité et j’ai travaillé en analyse financière en Russie. Mon but est donc d’apprendre la langue du pays pour socialiser et travailler. Mon objectif est de me constituer ici une vie aussi intéressante que celle que j’avais en Russie. »

Elle s’est séparée de son ancien mari assez rapidement. Ce dernier lui promettait de la faire renvoyer dans son pays, lors de disputes. « Il voulait me faire croire que je ne pouvais rien faire sans lui. C’est un type de violences psychologiques assez difficile à supporter. La situation était compliquée. » Mais, à Rennes, elle découvre une association de Russes et s’enfuit, avec sa fille et leur fils, chez une des membres avec qui elle a sympathisé. Au bout d’un mois, elle obtient une ordonnance d’éloignement et le divorce est prononcé dans la foulée. « Une telle vitesse est très rare, j’en ai bien conscience », reconnait la jeune femme de 34 ans.

Une assistante sociale l’a ensuite orientée vers le Secours populaire pour obtenir de l’aide alimentaire. Elle se rend une fois par semaine aux distributions. Maria est depuis devenue bénévole. « Je m’occupe de la comptabilité, ce qui me permet en même temps de me familiariser avec les règles françaises qui sont un peu différentes de celles que j’utilisais en Russie. » Ce sera un atout pour retrouver du travail.

Depuis son arrivée en France, elle a découvert la Bretagne en voiture : Quimper, Saint-Malo, Dinan… « Je suis très curieuse, j’aime apprendre, découvrir, voyager en famille. En Russie, on dit : si tu bouges, tu vis. Je me sens très bien en France. » Depuis sa séparation, plus question de partir à l’aventure, faute de revenus suffisants. « L’été dernier, le Secours populaire m’a permis de partir en séjour à Biarritz. C’était formidable toutes ces montagnes à proximité de la mer ; ça m’a rappelé Sotchi. »

« Portraits

Maria, au Secours populaire de Rennes, en Ille-et-Vilaine. Photographie de Jean-Marie Rayapen.

 

Joëlle. La solidarité dans l’ADN

Joëlle Guichard est bénévole depuis plus de trente ans. Son histoire avec le Secours populaire semble comme une évidence pour elle, une suite logique à des années d’engagement pour les autres en tant qu’élue à l’action sociale de son village. C’est à 18 ans qu’elle commence « à militer », comme elle le dit elle-même. Chez elle, son père, ses grands-parents, tous étaient militants. Alors consacrer une partie de son temps à venir en aide aux autres, c’est normal. « La solidarité c’est dans mon ADN », lance-t-elle. Quand on lui a proposé de prendre la direction du comité, ses hésitations ont très vite été balayées par le soutien et les encouragements de son mari. Aujourd’hui, quand on l’interroge sur la situation des femmes, elle est intarissable. Et son expérience au SPF lui permet de porter un regard juste sur ce que beaucoup d’entre elles vivent au quotidien. Les femmes sont celles qui portent la famille, « elles viennent chercher du soutien chez nous mais, quand on prend le temps de leur parler, on constate à quel point elles sont fortes ».

Sans nostalgie aucune, Joëlle repense à la vie de sa grand-mère. « Ce n’était pas facile, mais plus que maintenant. Certes des progrès ont permis de les libérer de certaines tâches, mais leur place dans la société reste toujours en retrait ». Une situation contre laquelle elle se bat chaque fois qu’elle le peut : en discutant, en proposant l’engagement bénévole ou en les invitant régulièrement à des moments où elles se retrouvent entre elles. C’est ainsi que, depuis plusieurs mois, une jeune femme du Kosovo, mère de 6 enfants, vient une fois par semaine faire du bénévolat au comité. « Quand elle arrive dans nos locaux, elle nous dit « j’ai l’impression d’être en vacances » ». Cette année, crise sanitaire oblige, la journée culturelle loin du village, organisée par les bénévoles le 8 mars, n’aura pas lieu. Mais pour Joëlle, ne rien faire était inconcevable, alors toutes se retrouveront un après-midi en extérieur. Thé, café, petits cadeaux, discussions et musique manouche seront au programme.

Sur l’avenir, elle est optimiste, tout en étant consciente de la triste réalité qui l’entoure. Plus de misère, moins de militantisme, plus d’individualisme et surtout une vie toujours très difficile pour les femmes. 

Femme engagée, femme militante, femme au grand cœur, difficile de trouver le bon adjectif pour Joëlle. Peut-être tous à la fois. Aujourd’hui, mère de deux grands garçons et plusieurs fois grand-mère, quand elle regarde derrière elle, elle ne regrette rien de ses choix, bien au contraire. Car son énergie et sa force, elle les tire de son engagement. 

 

Larissa. Pour les gens et avec les gens

Au cœur des vallons verdoyants et lumineux de l’Allier, une moto trace son chemin entre prairies et cultures, bois et étangs. Elle épouse les courbes de la route et progresse tranquille, décidée. C’est Larissa Brunot, qui s’offre un de ces moments de balade qu’elle affectionne. « J’aime me saisir de ces moments de liberté, faire une coupure dans la nature : m’évader », confie-t-elle. Cette jeune femme de 30 ans, conseillère en économie sociale et familiale, est aussi bénévole au Secours populaire de sa ville, Yzeure. Là, elle peut aussi satisfaire ce désir de liberté : « Au Secours pop, tout semble possible. La diversité des champs dans lesquels on peut intervenir semble infinie : la solidarité internationale, copain du Monde, l’aide alimentaire… Au SPF, on peut être force de proposition et mettre en œuvre rapidement des actions de solidarité, pour les gens et avec les gens. » 

Elle découvre le SPF en 2014 à l’occasion d’un service civique à Clermont-Ferrand où elle réside alors pour ses études. Elle y participe aux activités collectives organisées afin de lutter contre la solitude. « J’imaginais des sorties culturelles ou sportives afin de créer du lien entre des personnes isolées », précise-t-elle. Parallèlement, elle s’investit dans toutes les initiatives que propose l’association, comme c’est le cas aujourd’hui, à Yzeure : « Quand je suis revenue dans l’Allier, j’ai cherché à continuer mon engagement au SPF. » Larissa participe, à sa mesure, aux activités quotidiennes de solidarité. Mais elle est aussi chargée de tisser des liens forts entre le Secours populaire et la jeunesse : mobiliser de nouveaux bénévoles ainsi qu’aller au-devant des jeunes en difficulté. Son énergie est telle qu’à partir de 2018, l’association lui propose de participer aux travaux nationaux du SPF sur les questions de la jeunesse. 

Mais attention à ne pas enfermer Larissa dans quelque case – elle s’en échapperait vite. « Avec le recul, ce qui m’a tout de suite profondément attachée au SPF, c’est de rencontrer des personnes de tous âges, de toutes origines, de toutes conditions, que je n’aurais peut-être jamais rencontrées sinon. Cette richesse est importante à mes yeux », détaille-t-elle. En sept années d’un engagement tous azimuts (local, départemental et national), Larissa a beaucoup appris. « Le SPF m’a fait comprendre qu’il fallait faire tomber les barrières. Aidé, être aidé, cela importe peu finalement… Je me souviens avoir rencontré des personnes aidées qui ont tout donné », songe Larissa, avant de préciser : « Il y a des gens qui se rencontrent, se soutiennent et s’apportent mutuellement. Ce sont ces échanges qui comptent avant tout. »

Dans les propos de Larissa, des mots reviennent comme des sésames : partage, rencontre, échange. Dans les journées de Larissa, s’incarne la solidarité en actes, se révèle l’humanité à l’œuvre. Il y a, chez la jeune femme, de la détermination et de l’optimisme. « Ce que j’espère pour l’avenir ? Que les gens n’aient pas peur d’aller les uns vers les autres et continuent de partager de beaux moments. »

« Portraits

Larissa, chez elle, à Yzeure, dans l’Allier. 

 

Nicole. Une infatigable femme d’engagements

Quand on lui a proposé de faire son portrait, elle a dit « pourquoi ? ». Pour comprendre comment cette femme s’était un jour engagée au Secours populaire pour faire de la solidarité auprès des jeunes. Nicole Emica, 46 ans, a accepté l’exercice, amusée et curieuse. Le jour dit, elle m’attend dans le hall de l’université de Paris 8 lors d’une distribution alimentaire pour les étudiants. Cette farouche militante de la solidarité se fait connaître par son engagement quotidien aux côtés des plus démunis.

Depuis la crise sanitaire, on constate que la solidarité est l’affaire de tous. Pour cette maman d’un fils âgé de 20 ans, l’engagement se comprend à deux niveaux : « être utile à la société », « agir de façon concrète ». Elle se donne à fond depuis qu’elle a franchi les portes du Secours Populaire de Seine-Saint-Denis. Nicole est une femme inspirante, elle a un message positif sur la solidarité et l’accès aux droits. Elle est sensible aux difficultés que rencontrent les jeunes et les personnes âgées. 

Nicole s’est très tôt intéressée à la question de l’entraide. C’est ce qui lui vaut à ce jour d’exercer le métier d’assistante de service social. Après avoir travaillé quatorze ans comme assistante de gestion administrative PME/PMI dans le privé, puis assistante de direction de tourisme. Nicole a toujours été fascinée par le monde associatif. En parallèle de son activité professionnelle, elle a été secrétaire au sein d’une association socioculturelle pendant 5 ans. Elle est une infatigable femme d’engagements.  Pour le droit aux loisirs, l’égalité des droits, le droit au logement… C’est sous son impulsion que se développent des journées culturelles, sportives, les arbres de Noël, séjours en France et en Europe, des débats sur des thèmes qui sensibilisent les jeunes dans son ancienne association.

Elle a aujourd’hui rejoint l’antenne du SPF de Montreuil pour développer de nouvelles actions de solidarité. Ces expériences riches en relations humaines, associées à son goût pour la communication, ont été à l’origine de sa reconversion professionnelle vers le secteur social. Pendant l’été 2020, après quelques mois passés au Secours populaire, elle a pris l’initiative de conduire des projets comme une visite de street art (tout public), une journée au parc d’attractions littéraires (familles), des balades « déconfinantes » à destination des seniors en coopération avec les maisons de quartier du territoire et la Fédération du SPF de Seine-Saint-Denis. Aujourd’hui, Nicole ne cesse d’alerter quant à la détresse des familles seules et des jeunes sans revenus. Elle est sur tous les fronts, très souvent dans l’aide au logement et l’accompagnement des familles, mais aussi interrogée dans les reportages télés et presse écrite.

Ce matin, après la distribution alimentaire et des produits d’hygiènes, « je pars avec plein d’enthousiasme et de bonne volonté », dit-elle avec un sourire qui se dessine sur son visage.

 

Ces portraits ont été rédigés par l’équipe de la rédaction : Olivier Vilain, Anne-Marie Cousin, Pierre Lemarchand et Kab Niang

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