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Femmes précaires : Une Journée pour soi

Mis à jour le par Olivier Vilain
A Versailles, les femmes étaient invitées à se voir différemment.

La deuxième édition de l’opération Une Journée pour soi s’est ouverte le 6 mars en accueillant 400 femmes d’Ile-de-France à Versailles, au château du Roi Soleil. Organisée à l'occasion de la Journée Internationale des droits des femmes par le SPF et LVMH, cette journée était entièrement consacrée au lâcher prise.

« Je suis heureuse ! », s’exclame Djamila, demandeuse d’asile qui a fui la Lybie avec ses quatre enfants, mais sans son mari qui n’a pas pu partir. Petite, les cheveux couverts par un beau foulard beige, le grand sourire qui illumine son visage arrondit en même temps ses joues : « Aujourd’hui, maquillage, détente, visite, discussions, je me suis laissée porter. En plus, le midi, c’est un homme qui m’a servie : c’était la fête au village ! »

« C’est un homme qui m’a servie »

Cette ancienne professeure d’arabe à l’université de Tripoli fait le bilan de sa journée, assise à une table qui semble minuscule entre les colonnes de marbre de la grande Galerie des victoires du château de Versailles, sous son immense plafond en arc de cercle, dont la verrière diffuse la lumière du jour sur des dizaines de tableaux monumentaux de champs de batailles, de Bouvines à Austerlitz. L’ensemble doit trancher avec le logement HLM de Djamila : « C’est la fête ! », répète-t-elle alors que le groupe avec lequel elle est venue s’apprête à partir dans le Val-de-Marne.

Ce vendredi 6 mars, le château a accueilli plus de 400 franciliennes aidées par le Secours populaire dans le cadre de la seconde édition de l’opération « Une Journée pour soi », en partenariat avec LVMH. Au total, celle-ci accueillera, dans six sites prestigieux et jusqu’au 31 mars, 700 femmes accompagnées par le Secours populaire.

« J’oubie le balai, le mari, les gosses et le travail »

Les plus exposées à la pauvreté sont les femmes qui élèvent seules leurs enfants, les « mères de familles monoparentales ». Sur le plan national, ce type de ménage représente une famille sur cinq et, surtout, 30 % d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté, selon l’Insee car l’adulte y est « plus régulièrement au chômage, en situation précaire ou [dans] des emplois moins rémunérés ». Elles composent en grande partie le groupe venant de Grigny (Essonne), la ville la plus pauvre d’Ile-de-France.

Chaque groupe était très attentif durant la visite des appartements de la reine et la description des contraintes qui pesaient déjà sur les femmes sous l'Ancien régime.

Chaque groupe était très attentif durant la visite des appartements de la reine et la description des contraintes qui pesaient déjà sur les femmes sous l’Ancien régime.

L’idée de l’opération est de faire passer aux invitées une journée hors de chez elles, loin de leurs tracas quotidiens. « Aujourd’hui, j’oublie le balai, j’oublie le mari, j’oublie les gosses et le travail », dit d’un ton énergique Catherine, secrétaire médicale à temps partiel, qui enchaîne les doubles journées : tenir son poste, s’occuper des enfants, de « mon mari quand il rentre », des tâches domestiques, sans oublier l’énergie nécessaire pour joindre les deux bouts… « J’ai prévenu tout le monde, toute la semaine, que je serai ici et qu’il ne fallait pas compter sur moi, pour une fois. Personne n’était content. »

Soins du corps et de l’esprit

Prises dans ces contraintes (inégalités professionnelles, inégalité du travail domestique), les femmes aidées par le Secours populaire s’oublient souvent, par fatigue, par manque de temps, de moyens, et à cause de la charge mentale qui repose sur elles. La journée pour elles a pour but d’inverser cette situation, au moins momentanément, afin de les aider à reprendre pied.

Un temps de pause et de bien être dans une vie marquée par la précarité. Les 400 invitées étaient ravies.

Un temps de pause et de bien être dans une vie marquée par la précarité. Les 400 invitées étaient ravies.

Le programme était constitué d’une séance de maquillage digne de stars, devant des miroirs entourés d’ampoules façon loge de music-hall. Les professionnels étaient très attentifs, échangeant beaucoup, les conseillant souvent. Puis, pour aider les invitées à se recentrer, quinze à vingt minutes de méditation était organisées par petits groupes, tout au long de la journée. Les femmes se sot confortablement assises sur des poufs en raffia, disposés derrière des paravents en papier de riz, pour mieux faire le calme intérieur. Mains dans les cheveux, sourire, tête renversée, chacune a tour à tour posé sous l’objectif de photographes renommés, dans une autre galerie, bordée de statues d’éclesiastiques en prière. Les stars d’un jour sont toutes reparties avec un clichés d’elles, pour leur plus grand plaisir.

« Je me suis libérée de certaines choses »

Le travail autour de l’estime de soi reposait aussi sur une visite patrimoniale de la Galerie des glaces et des appartements de la Reine. La guide a habilement présentée les contraintes qui reposaient sur les épaules de cette dernière, en matière d’apparat, de représentation, d’obéissance à son mari, etc. « Alors imaginez la vie des autres femmes », dont, en plus, la subsistance pour la plupart était incertaine, indique la guide.

Ces femmes peuvent s’appuyer sur ces moments de bonheur pour continuer à avancer, à questionner les contraintes qui pèsent sur elles. L’une des participantes de la première édition, Nora, se souvient : « Je me suis libérée de certaines choses », grâce à cette journée où enfin elle a pu faire le point, entouré de bienvaillance. Jointe à l’accompagnement du Secours populaire et à sa force intérieure, Nora a réussi à reprendre pieds dans la vie.

La sortie au château de Versailles est l'occasion de partager des moments de convivialité.

La sortie au château de Versailles est l’occasion de partager des moments de convivialité.

La suite du programme :

– Lundi 9 mars, à Cognac, au Château de Bagnolet de la Maison Hennessy.

– Jeudi 12 mars, à Lyon, au Musée des Confluences.

– Lundi 16 mars, à Angers, au Domaine national du château d’Angers.

– Vendredi 20 mars, à Grasse, aux Fontaines parfumées.

– Mardi 31 mars, à Lens, au Louvre-Lens.

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