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Pologne : l’entraide après les inondations

Mis à jour le par Pierre Lemarchand
Un homme et une petite fille portent un bateau gonflable alors que la rivière Nysa Klodzka a inondé la ville de Lewin Brzeski dans le sud-ouest de la Pologne, le 19 septembre 2024.
Un homme et une petite fille portent un bateau gonflable alors que la rivière Nysa Klodzka a inondé la ville de Lewin Brzeski dans le sud-ouest de la Pologne, le 19 septembre 2024. ©Beata Zawrzel / NurPhoto via AFP

Les 14 et 15 septembre, les pluies torrentielles entraînées par la tempête Boris ont provoqué en Europe centrale et orientale des inondations meurtrières (on décompte 23 décès) et dévastatrices. Maisons éventrées et emportées, villages inondés, torrents de boue, ponts et barrages arrachés, coupures générales d’électricité, populations évacuées : l’existence de dizaine de milliers de personnes est bouleversée. Dès les premières heures du drame, le Secours populaire débloque 50 000 € de son fonds d’urgence et prend attache avec ses partenaires locaux, en Pologne et en Roumanie, afin de leur témoigner de sa solidarité et soutenir leurs efforts. Sergo Kuruliszwili, directeur de PKPS, association polonaise de lutte contre la pauvreté et partenaire du Secours populaire, revient sur l’action déployée par ses équipes pour venir en aide aux sinistrés.

Votre association, PKPS, est présente sur tout le territoire polonais. Vous avez des antennes dans les voïvodies particulièrement sinistrées d’Opole et de Basse-Silésie, dans le sud-ouest du pays. Quelles furent les premières actions des équipes de PKPS ?

Elles sont allées au-devant des personnes sinistrées pour répondre à leurs besoins. Ceux-ci changent au fur et à mesure que les crues se déplacent. Au début, les gens n’ont plus rien, leurs besoins sont immenses alors nous collectons tout ce que nous pouvons pour leur distribuer : des effets de première nécessité comme des couvertures, des sacs de couchage et des serviettes de toilette, de la nourriture, des produits d’hygiène, des bouteilles d’eau, etc. Puis, quand l’eau se retire, c’est par exemple de déshumidificateurs d’air dont les gens ont besoin – car tout, absolument tout, est trempé. C’est aussi, alors, du petit matériel de nettoyage, déblaiement et reconstruction qu’ils nous demandent. 

Auprès de qui collectez-vous ?

Nous collectons auprès de nombreux donateurs particuliers comme auprès des magasins, des supermarchés et des grandes enseignes de bricolage. Il nous est également possible d’utiliser les produits issus du Soutien européen à l’aide alimentaire, le programme de l’Union européenne pour soutenir les Européens pauvres, pour les redistribuer aux personnes qui ont tout perdu. Cela nous facilite beaucoup la tâche.

Comment s’organise l’aide de vos équipes sur le terrain ?

Nous n’agissons pas seuls, mais en lien constant avec les autorités. Et en partenariat avec d’autres associations de solidarité mais aussi avec les voisins qui se mobilisent pour venir prêter main forte – tout cela reste très spontané, la catastrophe est arrivée si vite… Et sur le terrain, tout le monde travaille ensemble. Je vais vous donner un exemple : une association dispose de produits mais n’a pas de véhicules pour les acheminer jusqu’aux sinistrés. Eh bien, ce sont des bénévoles de PKPS qui vont les transporter. Le contraire est aussi vrai : si les bénévoles d’une autre association vont dans un village sinistré, nous leur donnons de nos produits pour qu’ils les remettent aux familles. 

Combien d’équipes de PKPS sont mobilisées ?

En tout, il y en a une quarantaine. Tout d’abord, une vingtaine dans les grandes villes de chacune des voïvodies [régions administratives de la Pologne, au nombre de seize – ndlr], où nos locaux et entrepôts sont des points de collecte et de stockage. Dans les petites villes, au plus près des sinistrés, une vingtaine d’autres équipes de PKPS sont mobilisées, pour collecter également et bien sûr distribuer, apporter la solidarité. Ces équipes ont tissé des liens très étroits avec les familles frappées par la catastrophe. 

« Sur le terrain, tout le monde travaille ensemble. (…) J’ai retrouvé ce même élan de solidarité qui avait uni le pays quant a éclaté la guerre en Ukraine. »

Sergo Kuruliszwili, directeur de PKPS (Comité polonais d’aide sociale, partenaire du Secours populaire)

Quels sont les besoins les plus criants aujourd’hui ? 

Les gens ont toujours besoin de produits de première nécessité car ils sont encore dans l’urgence. Nos collectes fonctionnent bien et nous sommes en mesure d’apporter aux sinistrés de quoi boire et se nourrir, ainsi que le matériel qui leur permettra de réintégrer leur maisons quand celles-ci n’ont pas été trop endommagées. Il nous faut parfois acheter ces produits si nous ne les collectons pas. Ce qui nous pose problème, c’est le transport. Les voitures des bénévoles, cela ne suffit pas. Il nous faut des moyens pour louer des véhicules, notamment des camionnettes. Et, si nous sommes en mesure aujourd’hui de pourvoir à ces besoins premiers, il nous faut des moyens pour mettre en place l’accompagnement des personnes sinistrées sur le long terme. Elles auront par exemple besoin d’une aide psychologique ; elles n’ont pas perdu la vie, n’ont pas été blessées, mais elles ont perdu tout ce qu’elles possédaient, beaucoup ont perdu leur maison. Elles sont dans une grande souffrance morale. D’autant plus que certaines de ces personnes ont déjà dû faire face à de telles inondations, il y a quelques années ou décennies. Elles avaient reconstruit leur maison, étaient repartis de zéro et, aujourd’hui, ça recommence. Certaines n’ont plus la force de se relever. Il va falloir les aider.

Quel regard portez-vous sur le travail accompli par les volontaires de PKPS ? 

Mon premier réflexe, c’est de vous répondre que nous ne faisons que notre travail ; aider les gens, c’est notre raison d’être. Que ce soit une inondation ou un cas de violence conjugale, cela ne fait au fond aucune différence pour nous : nous nous portons au secours des personnes qui en ont besoin. Ce qui me rend fier, c’est la capacité que nous avons eu à nous unir, à faire société. J’ai retrouvé ce même élan de solidarité qui avait uni le pays, et au-delà, il y a deux ans et demi, quand a éclaté la guerre en Ukraine. Nous avions uni nos forces pour accueillir et aider tous ces réfugiés. Que notre société puisse être guidée par la solidarité, cela me réconforte. 

Selon vous, quelle est la chose la plus importante que les volontaires de PKPS, et plus largement tous les volontaires mobilisés, apportent aux personnes sinistrées ? 

Un soutien. L’assurance qu’on n’est jamais seul quand on fait face à des difficultés. Qu’on n’est pas abandonné. Cela peut être une aide matérielle, un conseil, une orientation. Parfois juste être réconforté, pris dans les bras. C’est un soutien qui donne la force de continuer à avancer.


En Roumanie, le Secours populaire mobilisé auprès de son partenaire Magic Associatia

L’association roumaine Magic vient elle aussi en aide aux familles sinistrés de la tempête Boris. Elle soutient notamment les familles d’enfants souffrant de cancer, qu’elle accompagne tout au long de l’année. Dans les régions de Galați et de Vaslui, quarante familles ont ainsi reçu des kits de produits de première nécessité, contenant de l’eau potable, des médicaments, des produits d’hygiène, des désinfectants, des couches et de la layette pour bébé, des vêtements, des serviettes, des couvertures, des oreillers et du linge de lit. Du matériel de nettoyage a également été offert à ces familles afin qu’elles puissent réintégrer dignement leurs maisons. Dans le même temps, Magic intervient pour remettre rapidement en route le centre éducatif de Pechea qui soutient 50 enfants en difficulté. Ce centre pourvoit le seul repas de leur journée et met en place des activités de loisirs. Très endommagé, il nécessitera un effort important de réhabilitation.