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Niger : HED-Tamat, un arbre dans le désert

Mis à jour le par Pierre Lemarchand
Une éleveuse, soutenue par l'association HED-Tamat, auprès de son troupeau - Dagaba, Niger, Novembre 2021. ©ArtisanProd/SPF

Si, depuis plus de vingt ans, le Secours populaire peut apporter la solidarité auprès de la population du Niger, c’est qu’elle peut compter sur HED-Tamat, son association partenaire sur place. Dans HED se nichent les trois mots-clés de l’action de l’ONG nigérienne : Homme,  Environnement et Développement. Quant au Tamat, c’est un arbre – l’un des plus résistants de la planète - qui pousse dans le désert du Ténéré. Hed-Tamat fut fondée en 1996 par des étudiants désireux d’apporter leur contribution à la consolidation de la paix dans leur région natale d’Agadez. Mohamed Akser, l'un d'eux, en est aujourd’hui le secrétaire général. Rencontre.

Homme Environnement Développement : le propos d’HED-Tamat est synthétisé dans son acronyme…

Comment l’homme peut-il promouvoir son développement et atteindre à sa résilience tout en respectant son environnement, en évitant tout gaspillage ? Voici notre objectif : sauvegarder les valeurs socio-culturelles des populations, promouvoir leur développement et préserver leur cadre de vie. Nous œuvrons à ce que chacun puisse accéder aux éléments essentiels de la vie – l’eau, l’éducation, l’alimentation – et que cela se fasse dans le respect de la dignité de chacun, c’est-à-dire en prenant en compte les valeurs et usages des populations. Dans nos régions, les principales activités sont l’élevage et l’agriculture. Les populations sont initialement nomades : elles nomadisent sur un très large territoire pour chercher du pâturage pour leurs animaux. Depuis 1973, on a commencé à enregistrer des sécheresses qui frappent durablement le pastoralisme parce qu’elles provoquent la mort des animaux. Pour survivre, les populations se sont mises à faire du maraîchage. 

« Nous œuvrons à ce que chacun puisse accéder aux éléments essentiels de la vie – l’eau, l’éducation, l’alimentation – et que cela se fasse dans le respect de la dignité. »

Le Niger subit donc les effets du réchauffement climatique depuis un demi-siècle… Vous aidez les populations à s’adapter pour continuer à vivre dans leur environnement ?

Oui, les populations doivent abandonner certaines pratiques et en adopter de nouvelles qui leur permettent d’être résilientes par rapport à ces chocs extérieurs, tels les sécheresses. Aujourd’hui, ces populations pratiquent l’élevage semi-extensif, c’est-à-dire qu’une partie de la famille s’occupe des animaux tandis que l’autre pratique le maraîchage. Elles sont donc à présent fixées : il demeure des mouvement pour amener les animaux vers les meilleurs pâturages mais il y a toujours des retours vers le point d’attache. C’est pour accompagner ces populations, dans leur volonté de préserver leurs valeurs culturelles et leurs habitudes, que l’ONG HED-Tamat met en place des programmes de développement en concertation avec ces populations. Dans chaque village, hameau, vallée ou campement où se déroulent nos actions, sont mis en place des comités villageois de gestion. Des membres, élus lors des AG des comités, sont formés par HED-Tamat pour recenser les besoins et initier des actions de développement en conséquence. C’est ainsi que sont élaborés les dossiers de projet qu’HED-Tamat soumet à ses différents partenaires, dont bien sûr le SPF, pour demander un appui financier à leur réalisation.

Pouvez-vous donner des exemples de cette participation des populations aux projets ?

Lors de la construction d’un puits pastoral, c’est-à-dire destiné aux animaux, les populations qui en sont bénéficiaires participent à sa construction par le creusage de la ventrue. Puis c’est HED-Tamat qui va consolider le puits en béton. Quand nous mettons en place un moulin à grain, ce sont les populations qui construisent le local puis HED-Tamat y installe le moulin. Ensuite nous formons un meunier et un mécanicien afin de pérenniser l’action.

Un proverbe dit que ce qu’on fait pour les autres sans les autres est contre les autres. Si l’on veut qu’une action de développement soit pérenne et profitable, il faut que les populations se l’approprient. En y participant, elles se sentent concernées et veillent ensuite à l’entretien des outils, des infrastructures. Quand on met en place une école, on ne se contente pas de construire une salle et d’y installer un maître à l’intérieur : on met en place un comité de gestion de l’école composé de parents. Ceux-ci participent aux étapes de construction de la classe puis s’impliquent dans le fonctionnement de l’école. L’implication des bénéficiaires dans la planification et la réalisation des actions est une valeur qui nous rapproche du SPF.

« Un proverbe dit que ce qu’on fait pour les autres sans les autres est contre les autres. Si l’on veut qu’une action soit pérenne, il faut que les populations se l’approprient. »

Niger : HED-Tamat, un arbre dans le désert
Des pasteurs font boire leurs bêtes à un puits construit par HED-Tamat – Dagaba, Niger, novembre 2021. ©ArtisanProd/SPF

Pourriez-vous résumer les projets qui ont lié HED-Tamat et le SPF ?

Il y a d’abord eu, à partir de 1999, des projets ponctuels qui ont permis de construire notre relation, notamment dans le champ de l’éducation par la construction et l’équipement de salles de classe[1]. En 2006, une mission du SPF a fait la tournée des différents campements et nous avons recensé les besoins les plus impérieux des populations. Ainsi est né notre programme d’accès à l’eau : la construction de 100 puits (pastoraux, maraîchers ou villageois). Finalement nous en avons construit 108 ! C’est le plus grand programme que nous avons conduit ensemble, de 2006 à 2011… Nous avions appelé ce programme : « Aman Iman » – « L’eau c’est la vie », en tamasheq, la langue touarègue.

Récemment, nous avons soutenu les ménages agro-pastoraux impactés par les conséquences de la Covid-19. Ce programme concerne tous les foyers qui ont été victimes des mesures qu’a pris le gouvernement du Niger pour contrecarrer la pandémie. Ces mesures ont contribué à couper, pour les populations rurales, les approvisionnements en vivres, en intrants agricoles et pastoraux. Nous avons remis à ces ménages des vivres pour traverser cette période difficile, puis avons distribué des semences et du matériel agricole pour aider à la reprise des activités maraîchères. Enfin, pour les populations pastorales, nous avons mis en place des banques d’aliments pour leur bétail.

Et puis, à chaque fois qu’il y a une urgence au Niger, que ce soit une sécheresse ou bien une inondation par exemple, le SPF est toujours présent, et nous aide à soutenir les populations qui en sont victimes.

« A chaque fois qu’il y a une urgence au Niger, le SPF nous aide à soutenir les populations qui en sont victimes. »

Niger : HED-Tamat, un arbre dans le désert
Une famille, dont les revenus ont été impactés par la crise liée au Covid-19, se nourrit après avoir reçu une aide alimentaire de HED-Tamat. Dagaba, Niger, novembre 2021. Une famille, dont les revenus ont été impactés par la crise liée au Covid-19, se nourrit après avoir reçu une aide alimentaire de HED-Tamat. Dagaba, Niger, novembre 2021. ©ArtisanProd/SPF

Vous conduisez aussi un programme destiné à promouvoir la jeunesse de votre pays…

Nous nous attelons aujourd’hui à un sujet très difficile… La région sahélienne est en proie aux activités des groupes djihadistes terroristes qui ont complètement désorganisé les communautés : des ménages ont dû se déplacer, des écoles et des centres de santé ont fermé. C’est une zone immense, qui est également frontalière avec le Mali et le Burkina Faso. L’activité de ces groupes est surtout alimentée par les jeunes : ce sont nos enfants que les djihadistes recrutent et s’ils sont des proies faciles, c’est parce qu’ils n’ont pas été à l’école, qu’ils n’ont pas connu l’existence de l’état à travers une école ou un centre de santé. Ils sont dans des zones où l’état n’a pas déployé l’administration. Pour lutter contre cette violence et en préserver notre jeunesse, nous avons mis en place un programme d’insertion socio-économique. Nous offrons aux jeunes les bases d’une formation professionnelle selon leur choix puis nous les accompagnons vers l’emploi. Par exemple, nous formons des plombiers à qui on donne un matériel de plomberie. Nous faisons aussi des formations en création et gestion des entreprises, en couture, en coiffure, etc. Et, à chaque fois dans ces formations, nous mettons l’accent sur l’engagement républicain ; on explique à ces jeunes les valeurs de la République et de la citoyenneté.

Cela résonne fortement avec votre préoccupation pour l’éducation et cela rejoint la motivation initiale des fondateurs d’HED-Tamat : préserver la paix.

Oui, absolument. Nous avons, plus généralement, un grand programme de culture de la paix que nous conduisons à travers l’organisation de forums, de caravanes de sensibilisation, d’activités de cohésion sociale entre les différentes communautés, pour que la crise actuelle ne débouche pas sur une crise communautaire, que nos localités ne soient pas en proie au désordre et à la désolation.


[1] Le premier partenaire de HED-Tamat fut la fédération du Rhône. L’Association nationale, la fédération des Yvelines puis celle de Seine-Maritime ont ensuite soutenus les programmes développés par HED-Tamat.


Niger : HED-Tamat, un arbre dans le désert

« La solidarité est pour moi le rendez-vous humain du donner et du recevoir. C’est la mobilisation des êtres humains partout sur la planète pour que chacun, où qu’il soit, quelle que soit son origine, son ethnie, son histoire, sa religion, puisse s’épanouir, se nourrir et s’éduquer. Pour que chacun puisse vivre dans la dignité. »

Mohamed Akser, secrétaire général de l’association nigérienne Hed-Tamat