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A Lyon, de jeunes Pères Noël verts venus de loin

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Une cinquantaine de Pères Noël verts ont collecté, le 15 décembre dans les rues de Lyon, afin que Noël n'oublie personne.

Dans les rues de Lyon, des migrants, mineurs et isolés, sont devenus des Pères Noël verts, samedi 15 décembre. Le Secours populaire organisait une grande collecte afin que les fêtes de fin d’année soient chaleureuses pour tout le monde. Texte : Pauline Ranger / Photos : Camille Abadie / Edition : Olivier Vilain

Le froid n’entame pas leur détermination. Une cinquantaine de mineurs isolés aidés par l’antenne locale du Secours Populaire bravent les températures glaciales pour vendre porte-clés, bloc-notes et bracelets aux couleurs de l’association.

C’est un petit défi qui leur est lancé, car c’est aussi un jour de manifestation pour les gilets jaunes, place Bellecour. Il leur faudra aussi tenter de convaincre les acheteurs de cadeaux de Noël toujours pressés…

« Les gens sont généreux »

Amadou, un Guinéen de 16 ans, le dit avec un regard malicieux : « Je n’ai pas peur d’aborder les gens dans la rue. » Et souvent, ça fonctionne… « Ils sont généreux », glisse le jeune Père Noël vert, fier de ce qu’il arrive à collecter.

C’est naturellement qu’Amadou et ses amis se mobilisent. « On m’a aidé, je suis devenu ce que je suis grâce à cela, donc je veux aider à mon tour pour que les autres s’en sortent aussi », explique l’adolescent qui est bénévole dans plusieurs associations, malgré son jeune âge. Plus tard, il aimerait conduire des camions humanitaires, quitte à retourner dans des pays en guerre.

Amadou collecte dans les rues de Lyon. Ici à l'arrière-plan, il n'hésite pas à aborder les passants: c'est pour la solidarité.

Amadou collecte dans les rues de Lyon. Ici à l’arrière-plan, il n’hésite pas à aborder les passants: c’est pour la solidarité.

 

A Lyon, le Secours populaire a ouvert, en juin dernier, une permanence pour les migrants, mineurs et sans parents. En six mois, 800 en ont franchi la porte, la plupart venus d’Afrique subsaharienne. Une grande majorité d’entre eux (70%) n’ont bénéficié d’aucune aide sociale, ni de l’État ni des collectivités locales.

L’aide dispensée à cette permanence, et qui n’est pas seulement matérielle, est précieuse pour Amadou : « Ils m’ont aidé dans tous les domaines. » Emu, il évoque le matin où Dominique, une bénévole, est venue tôt lui apporter le manuel qui lui manquait pour suivre ses cours au lycée. Sans lui, il risquait l’exclusion. « C’est notre Lucie Aubrac à nous ! »

Ne pas être passifs

Quand on lui parle de cette grande figure de la résistance, Dominique minimise. Engagée auprès des migrants mineurs depuis trois ans, elle a rejoint le Secours Populaire à l’ouverture de la permanence : « C’était devenu une nécessité. Il y a trois ans, on en voyait passer de temps en temps, aujourd’hui, c’est tous les jours… » A l’antenne, « on cherche à leur permettre d’être des hommes et des femmes comme les autres, à s’émanciper », analyse Dominique. Cela implique qu’ils soient acteurs du processus, ne surtout pas rester passifs. 

Les bénévoles assurent un accompagnement juridique. Pour être reconnu comme mineur, et obtenir ainsi la protection qui leur est due (hébergement, scolarisation…), les jeunes migrants doivent constituer un dossier auprès de l’Aide sociale à l’enfance.

La démarche est compliquée, l’évaluation très restrictive. Pour toute réponse administrative (positive ou non), les adolescents doivent attendre souvent plus d’un mois, sans aucune ressource. C’est pourquoi, ils trouvent à la permanence du Secours populaire une cantine, des vêtements, un coiffeur et des professeurs.

Marie-Madeleine (à droite) est bénévole auprès des migrants, mineurs et isolés. Elle leur enseigne le Français et les Mathématiques (sans le bonnet des Pères Noël verts).

Marie-Madeleine (à droite) est bénévole auprès des migrants, mineurs et isolés. Elle enseigne le Français et les Mathématiques (sans bonnet).

Poursuivre leurs études

Marie-Madeleine leur donne des cours de Français et de Mathématiques. Comme les autres bénévoles, elle est aussi là pour leur faire partager la culture de leur nouveau pays : « Bien sûr, ils ont des difficultés en raison de ce qu’ils ont vécu. Parfois, le système qu’ils ont connu n’a rien à voir… »

Ce qui frappe Dominique, c’est leur soif d’apprendre : « La première chose qu’ils demandent en arrivant, c’est d’aller à l’école. » Marie-Madeleine renchérit : « C’est l’arme par laquelle ils pourront s’en sortir. »

Au terme de la collecte dans les rues de Lyon, Amadou fait un rapide bilan : « C’était un peu compliqué au début, mais on n’a pas lâché ! » Un défi de plus remporté par ces Pères Noël verts hors du commun.

Témoignages

Depuis toujours, quand je vois quelqu’un qui souffre, j’aide. Même si je suis moi-même en difficulté. Si je pouvais, j’aiderais des milliers de personnes, c’est ce que mon âme me dicte.

En 2016, j’ai dû fuir la Guinée Conakry et les menaces de son gouvernement. J’ai vécu un an en Italie, dans un camp de réfugiés.

Mon objectif est de rester en France, même si je suis conscient qu’obtenir une régularisation est difficile. En Europe, mon pays, c’est la France !

Pour Sadou, le bénévolat vient de loin

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