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Maroc : un an après le séisme, la solidarité à l’œuvre

Mis à jour le par Pierre Lemarchand
Un volontaire du FJT, l’un des partenaires marocains du Secours populaire, réconforte une femme après le séisme du 8 septembre 2024.
Un volontaire du FJT, l’un des partenaires marocains du Secours populaire, réconforte une femme après le séisme du 8 septembre 2024. ©FJT/SPF

Les premières actions de solidarité du Secours populaire au Maroc remontent au terrible séisme d’Agadir en 1960. Depuis, avec ses partenaires locaux, il n’a cessé d’apporter son soutien aux familles victimes de la pauvreté ou de catastrophes. Aussi, quand la terre a tremblé à nouveau le 8 septembre 2023, il a répondu présent dès les premières heures du drame. Un an après, retour sur les actions conduites auprès des sinistrés, avec les associations locales FJT et IFLAN.

C’est le vendredi 8 septembre 2023 au Maroc ; une soirée semblables aux autres. Il est 23 heures et Abdelrrahim Hamdi, serveur dans un restaurant d’Agadir, est en pause. Il appelle sa mère et sa sœur pour leur souhaiter une bonne nuit. Elles vivent dans son village natal, Amghernis, sur les hauteurs de Taroudant, sur les contreforts de l’Atlas. Sa sœur se met soudain à crier, la conversation est recouverte par un fracas épouvantable puis coupée net. « C’est à ce moment-là que j’ai ressenti la secousse, témoigne le jeune homme. J’ai tout de suite compris que le tremblement de terre devait avoir fait d’immenses dégâts vers Taroudant. » Le Maroc est en train de subir l’un des pires séismes de son histoire : la région d’Al-Haouz, ou se trouve l’épicentre du séisme, ainsi que celle de Taroudant, sont ravagées. 3000 morts, 6000 maisons détruites et plus de 20 000 endommagées – le bilan est terrible. Abdelrrahim, accompagné de quelques proches, se rend sur place. « Nous avons marché plus de 40 kilomètres. Au petit matin, nous avons découvert l’horreur. Notre village était entièrement dévasté. Nous avons vécu un véritable enfer pendant 48 heures. Nous avons secouru les personnes ensevelies, extirpé des corps sans vie. Nous avons perdu huit membres de notre famille. En tout, 42 villageois étaient morts. »

Abdelrrahim se rend ensuite à Ouled Bheril, la ville la plus proche, pour aller chercher du secours et des denrées pour les vivants. « C’est là que nous avons rencontré les personnes du Secours populaire et de FJT. Ils ont répondu tout de suite présents. Depuis, le FJT est resté à nos côtés », éclaire-t-il. Dès l’annonce du séisme, le Secours populaire a pris contact avec ses partenaires marocains, le FJT – le Forum des Jeunes de Targa – ainsi qu’IFLAN – l’Association pour la culture et le développement – afin de les assurer de son soutien et de les accompagner dans l’organisation de la solidarité sur place. Trois jours après le drame, une première mission du Secours populaire se rendait sur les lieux : c’est elle que rencontre Abdelrrahim. A la famille du jeune homme, comme à toutes les familles sinistrées et endeuillées qu’ils rencontrent, le Secours populaire et ses partenaires apportent leur aide ; celle-ci s’inscrit dans l’immense mouvement de solidarité de la société civile marocaine, en lien avec l’action des autorités. Le 12 septembre, Houria Tareb, secrétaire nationale du Secours populaire et membre de la mission, témoigne, bouleversée : « Le pays est dévasté, des villages entiers ont été rayés de la carte. De nombreuses familles ont perdu un ou plusieurs des leurs. Toutes les personnes que nous rencontrons sont touchées et veulent en parler. » 

L’aide a été acheminée, aux lendemains du séisme, dans les villages les plus reculés de l’Atlas. Ici, des panneaux photovoltaïques à Douard Algou. ©Stéphane Duprat/SPF.

Le Secours populaire, grâce aux 150 000 € qu’il débloque en urgence, accompagne les équipes de FJT ainsi que celles d’IFLAN, son autre partenaire mobilisé, dans la conduite d’une solidarité concrète, chaleureuse, immédiate. Aux familles qui ont tout perdu sont remis des tentes collectives, des sacs de couchage, des réchauds et ustensiles de cuisine, des lampes solaires, des batteries, ainsi que des couvertures et des vêtements chauds – car se font sentir, au cœur de la détresse, les premières morsures de l’hiver. Aussi, du matériel de déblaiement est remis aux familles : « Les personnes sinistrées veulent à tout prix rester chez elles et fouillent les décombres à la recherche d’effets personnels à sauver », témoigne Houria. Enfin, des jouets sont offerts aux enfants. Comme toujours lors de telles catastrophes, les achats se font sur place, pour être le plus réactif possible et au plus près des usages, ainsi que faire vivre l’économie locale. La solidarité se destine aux populations vivant dans les zones les plus reculées et difficilement accessibles : le matériel est acheminé à dos d’âne. Ali Zined et son épouse, habitant le village d’Imouzzer des Ida-Outanane, font partie des familles secourues aux lendemains de la catastrophe. « Nous avons tout perdu : des dizaines d’années de notre histoire, tous nos souvenirs, notre bétail. Le FJT et le Secours populaire sont venus voir notre maison en ruine, notre tristesse, notre malheur, témoigne Ali. Alors, un peu d’espoir est revenu. C’est ce qui nous avait manqué le plus jusqu’à ce qu’ils viennent à nous : de l’aide psychologique, des paroles, du réconfort, de la présence, de savoir que nous n’étions pas seuls dans cette épreuve. » 

Nous avons tout perdu dans le séisme. La peur reste forte et, aujourd’hui, nous savons que tout ne tient qu’à un fil. Mais on a vu que beaucoup de gens étaient encore généreux et solidaires. Grâce à FJT et au Secours populaire, je suis en train de reconstruire une nouvelle maison. La vie va pouvoir recommencer.

Ali Zined, 65 ans, habitant d’Imouzzer.

Pour Abdelrrahim et sa famille, pour Ali et sa famille, c’est le début d’un accompagnement qui se poursuit encore aujourd’hui. Avec le soutien du Secours populaire, le FJT a enclenché un programme d’aide aux victimes du séisme pour 750 familles de la région de Soussa Massa, dans la province de Taroudant. Pour 40 d’entre elles, une aide à la rénovation ou la reconstruction de leur maison est apportée. Une aide matérielle, par le biais de colis alimentaires et de produits d’hygiène, est remise à 600 familles démunies. Pour cent autres, afin qu’elles puissent reprendre pied, un poulailler, six poules et un coq sont offerts. Et, toujours, un soutien psychosocial est assuré pour ces hommes, ces femmes et ces enfants traumatisées. « Nous avons continué avec les premiers bénéficiaires et élargi notre présence dans les villages voisins d’Ouled Berhil, éclaire Momo Oudra, président de l’AFT. Nous avons choisi d’apporter de l’aide dans des villages éloignés où l’aide avait échoué à parvenir. »

Momo Oudra, président de l’association FJT, aux côtés de l’épouse de Ali Zined, sur le chemin de leur nouvelle maison. ©Stéphane Duprat/SPF

Au lendemain du drame, tandis que le FJT déploie ses efforts dans la zone de Taroudant, l’autre partenaire du Secours populaire, IFLAN, se porte auprès des sinistrés de la région d’Al-Haouz. Assurées du soutien du Secours populaire, ses équipes de volontaires apportent également aux familles aide psychologique et matérielle. Œuvrant dans le champ de l’éducation, c’est naturellement qu’une des premières actions conduites par IFLAN est d’édifier, à l’aide de tentes collectives et en apportant tout l’équipement en mobilier et fournitures, une école provisoire pour plus de 175 enfants dans le douar de Tassa. C’est dans la continuité de cet acte fondateur, qui met au cœur de l’action d’urgence l’enfance et l’avenir, que s’imagine le grand projet de solidarité mis en place par IFLAN avec le Secours populaire dès le printemps 2024 : la caravane des droits de l’enfant. Celle-ci a visité jusqu’à présent 16 écoles sinistrées de la province d’Al-Haouz. Pour plus de 7000 enfants ont ainsi été organisées, au fil des semaines, des activités éducatives sur l’environnement et la citoyenneté, artistiques, ludiques et sportives, ainsi que la remise de cadeaux. En cette rentrée des classes, la caravane s’apprête à reprendre sa route.

A ces petits meurtris et, pour beaucoup, encore traumatisés, IFLAN souhaite offrir ce dont chaque enfant sur notre planète a besoin : des moments de bonheur, un accompagnement éducatif, de l’attention et de la tendresse. Le passage de la caravane, dans les villages dévastés, a participé à l’indispensable retour à la vie, rappelant que les âmes doivent, tout comme les bâtis, être reconstruites. « On a vu la joie dans les yeux des enfants, mais aussi de leurs parents et professeurs. La caravane a créé des moments de bonheur dans tous les villages visités et a soutenu les familles sur le plan psychique », se réjouit Othmane Aziz, l’inspecteur pédagogique académique de la région d’Al-Haouz. « Le séisme a laissé une profonde empreinte dans nos cœurs, révélant l’ampleur de la responsabilité individuelle et collective qui nous incombe, songe quant à lui Momo. C’est dans cet esprit que notre partenariat avec le Secours populaire s’est concrétisé, incarnant la solidarité humaine et la coopération internationale dans leur plus belle expression. »

Deux élèves de l’école Oulad Yahya, visitée par la caravane des droits de l’enfants en mai 2024. « Ils ont oublié le choc du séisme », témoigne Mohamed, membre de l’association des parents d’élève. ©IFLAN/SPF

Deux exemples de fédérations engagées : l’Hérault et Paris

La solidarité avec les populations sinistrées du Maroc n’est possible que parce que les bénévoles se mobilisent partout en France pour collecter et sensibiliser. Sur le terrain, les fédérations tissent des liens privilégiés avec les partenaires locaux et dessinent les contours de projets originaux, nés de l’expertise de ces partenaires et des besoins exprimés par les populations. Voici les exemples de l’Hérault et Paris, deux fédérations parmi tant d’autres.

L’HERAULT
Une délégation de la fédération de l’Hérault s’est rendue au Maroc au printemps 2024 afin de rencontrer deux partenaires locaux du Secours populaire : le Forum des jeunes de Targa et Tighza Atlas pour le développement, mobilisée sur des projets de scolarisation des jeunes filles en milieu rural. De cette rencontre est né un projet de reconstitution de cheptels pour les familles. Lors du séisme, la grande majorité des animaux domestiques ont disparu, ensevelis sous les décombres. Les chèvres, les moutons et les poules sont une ressource alimentaire et financière essentielle pour ces populations et les équidés (ânes, chevaux), des auxiliaires indispensables dans ces zones de montagne où les routes sont rares. Chaque famille rembourse son « micro-crédit animal », aussitôt qu’elle le peut, en offrant des petits nés de son élevage à une autre famille. C’est ainsi une chaîne de solidarité à long terme qui se met en place. Comités, bénévoles, enfants « Copain du Monde » et personnes aidées participent à cette action.

PARIS
La fédération de Paris s’est engagée aux côtés de la fondation YTTO, une organisation qui œuvre pour l’hébergement et la réhabilitation des femmes victimes de violences. Ensemble, ils ont conduit un programme de construction de bungalows et toilettes dans trois villages montagneux au nord d’Oued Behril dans l’Haouz. Au-delà de ces solutions d’hébergement, des caravanes socio-médicales ont été mise en place, afin d’offrir un soutien psychosocial à ces femmes et enfants sinistrés, leur permettant de défendre leurs droits et s’autonomiser. Les bénéficiaires ont activement participé à l’organisation (réception des matériaux, établissement des listes des bénéficiaires, mise à disposition du projet de leurs parcelles, etc.). Au total, près de 300 villageois bénévoles sont mobilisés pour plus de 6000 bénéficiaires.  La fondation collabore avec les autorités locales pour assurer une reconstruction pérenne, prenant en compte les défis climatiques et logistiques. Elle sait pouvoir compter sur la fédération de Paris pour l’accompagner financièrement et humainement dans ce projet à long terme.

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