Manouchian et le Secours populaire : des histoires de résistance qui se croisent

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Hommage à Missak Manouchian en 2015 à Marseille en présence d'une délégation du SPF conduite par Julien Lauprêtre.©Joël Lumien/SPF

Le Secours populaire français, enfant de la Résistance, salue l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian, résistant, communiste, poète et ouvrier, le 21 février 2024. Il entre au Panthéon, 80 ans après son exécution. Cet événement a profondément marqué le président fondateur du Secours populaire français, Julien Lauprêtre qui, incarcéré avec lui, a entendu son message et a pris la décision de faire œuvre utile sa vie durant.

En octobre 1943, le dernier groupe de résistance de Paris, les FTP-MOI – les francs-tireurs et partisans – main d’œuvre immigrée – est décimé par les brigades spéciales de la police française.  Le groupe, composé de vingt-trois communistes (dont vingt étrangers : espagnols, italiens, arméniens et juifs d’Europe centrale et de l’Est) est arrêté, placé en détention à la prison de la Santé. Ils seront ensuite jugés devant le tribunal militaire allemand du Grand-Paris puis fusillés au Mont-Valérien le 21 février 1944.  A ce moment particulier de l’histoire de la Résistance, deux membres du Secours populaire croisent leur destin. Julien Lauprêtre, jeune résistant de 17 ans, est arrêté en octobre 1943. Il se retrouve en salle des prévenus de la préfecture de police avec d’autres hommes menottés, enchaînés, torturés.  Relâché quelques mois plus tard, il remarque les Affiches rouges placardées dans Paris et reconnait ceux qu’il a côtoyés en prison. Il en gardera un souvenir impérissable qui sera une inspiration dans sa vie de militant. Il deviendra secrétaire général du Secours populaire français en 1954 puis président jusqu’en 2019.

Fin 1943, Pierre Kaldor, à peine évadé de la prison de Châlons le 8 novembre 1943, est chargé de reconstituer le Secours populaire plongé dans la clandestinité. Il se rend à l’inhumation des vingt-deux fusillés au cimetière d’Ivry, ce qui, de son aveu même, « était un peu aventureux ». Il cherche à contacter les familles des victimes pour apporter condoléances et solidarité du mouvement communiste.  Ce jour-là, il voit « débarquer les camions de la Gestapo ou de l’armée allemande ; des cercueils de bois blanc aux parois à peine rabotées étaient largement tachées du sang des martyrs exécutés la veille ».  Il deviendra le premier secrétaire général du Secours populaire à la Libération. Le 21 février 2024, Missak et Mélinée Manouchian entreront au Panthéon. Sur leur tombeau seront gravés les noms de tous les autres membres du groupe*. Jusqu’au bout, ils auront assumé la volonté consciente d’agir contre l’injustice et la barbarie en résistant.

*Celestino Alfonso Espagnol de 27 ans ; Olga Bancic, Roumaine de 32 ans, [décapitée à Berlin, les Nazis ne voulant pas exécuter les femmes en France] ; Joseph Boczov, Hongrois de 38 ans ; Georges Cloarec, Français de 20 ans ; Rino Della Negra, Italien de 19 ans ; Thomas Elek,  Hongrois de 18 ans ; Maurice Fingercwejg, Polonais de 19 ans ; Spartaco Fontano , Italien de 22 ans ; Emeric Glasz, Hongrois de 42 ans ; Jonas Geduldig, Polonais de 26 ans ; Léon Goldberg, Polonais de 19 ans ; Szlama Grzywacz, Polonais de 34 ans ; Stanislas Kubacki, Polonais de 36 ans ; Arpen Tavitian, Arménien de 44 ans ; Césare Luccarini, Italien de 22 ans ; Missak Manouchian, Arménien de 37 ans ; Marcel Rayman, Polonais de 21 ans ; Roger Rouxel, Français de 18 ans ; Antoine Salvadori, Italien de 43 ans ; Willy Szapiro, Polonais de 29 ans ; Amédéo Usséglio, Italien de 32 ans ; Wolf Wajsbrot , Polonais de 18 ans ; Robert Witchitz , Français de 19 ans, Joseph Epstein, 33 ans, chef FTP de la région parisienne, arrêté en même temps que Manouchian et fusillé le 11 avril 1944

Sources :  
Maitron – Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et social https://maitron.fr/ Anatomie de l’Affiche rouge. Annette Wieviorka. Seuil Libelle, 2024
Archives du Secours populaire français
Archives personnelles de Pierre Kaldor