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« Le Secours populaire m’a tout de suite accueilli et fait confiance »

Mis à jour le par Olivier Vilain
Mamadou Diaby est arrivé en France il y a 3 ans. Bénévole au Secours populaire de Limoges, il a été élu "Limousin de l'année 2021" par les lecteurs du Populaire du Centre.

Mamadou Diaby est né à Bamako. Au terme d’un parcours d’asile, il s’est établi à Limoges. Infatigable bénévole du Secours populaire depuis plusieurs années, il vient de recevoir le prix du « Limousin de l’année » par les lecteurs du Populaire du Centre, le quotidien local. ENTRETIEN.

Comment réagissez-vous à votre élection de « Limousin de l’année » par les lecteurs du quotidien Le Populaire du Centre ? Cette distinction populaire vous évoque quoi ?

Je ne m’y attendais pas du tout compte tenu des 12 personnalités présentes sur la liste. C’est l’un des journalistes du Populaire qui m’avait prévenu qu’il me faisait concourir. Il m’avait rencontré au local du Secours populaire quand je suis devenu lauréat du Prix du bénévolat décerné par le Conseil départemental. Pour moi, le sens de cette distinction décernée par les lecteurs du Populaire est que c’est leur manière de me remercier pour ce que je fais au sein du Secours populaire. Même si, en vrai, je ne suis pas le seul à y faire du bénévolat et que je ne peux le faire qu’au sein d’une équipe ; que ce soit les colonies ou les sorties à la plage lors desquelles j’accompagne les enfants. J’accompagne aussi les familles monoparentales en centre de loisirs ; je participe aux maraudes et je tiens l’espace ‘‘brocante de meubles’’ qui permet de collecter un peu d’argent qui sert à financer les denrées du libre-service alimentaire. Tous les bénévoles de l’équipe se donnent à fond.

Qu’est-ce qui selon vous a interpellé les votants?

Le score de 25 % de votes, je n’y croyais pas… Je ne m’y attendais pas du tout. Je pense que mon parcours de migrant les a touchés. J’ai fui le Mali il y a quelques années, parce que le pays est en guerre. Je n’ai même pas pu terminer ma scolarité, je n’ai donc pas le bac. Je suis passé par la Libye. Là-bas, c’est tellement l’enfer que je n’ai pas hésité à prendre un bateau pour traverser la Méditerranée, malgré le risque de mourir noyé. Les passeurs ont assassiné les quelques migrants qui ont refusé de monter sur le bateau surchargé. Un cargo a fini par nous recueillir et nous débarquer en Italie. Je suis arrivé ensuite à Nice, puis à Limoges via un crochet par Paris. A chaque étape, des gens m’ont aidé et à Limoges c’est le Secours populaire qui m’a soutenu.

L’horreur de la Lybie, la Méditerranée, la précarité en Europe, je n’arrivais pas à me les sortir de la tête. J’ai contacté pas des associations. Le Secours populaire m’a répondu.

Pour quelles raisons êtes-vous devenu bénévole ? Pourquoi consacrez-vous une partie de votre temps à aider les autres ?

C’est très simple : dans mon parcours, si je n’avais pas été aidé, je ne serais pas là aujourd’hui. Or, j’estime que ce que l’on m’a donné, sans même me connaitre, il faut que je le redonne. Je le ferai tant que je le pourrai. Quand je suis arrivé à Limoges, je n’avais nulle part où dormir. J’ai contacté le 115, il n’y avait pas de place. Puis j’ai été hébergé par des gens que j’avais rencontrés, j’ai entamé ma démarche de demandeur d’asile. Et après ? Je n’avais rien à faire de toute la journée et les souvenirs de mon trajet depuis le Mali, l’horreur de la Lybie, la Méditerranée, la précarité une fois arrivé en Europe, je n’arrivais pas à me les sortir de la tête. J’avais envie de faire quelque chose de mes journées, de ma vie. J’ai donc contacté pas mal d’associations, qui finalement n’avaient pas besoin de bénévoles. Le Secours populaire m’a répondu. Je suis venu tous les après-midi pendant deux mois. Puis, ça me faisait tellement de bien, que je suis venu aussi tous les matins. Et pendant le premier confinement, j’étais là tout le temps parce qu’il y avait beaucoup de choses à faire et que les bénévoles plus âgés devaient rester chez eux, afin de se protéger.

Le parcours de l’exil du Mali en guerre jusqu’aux côtes européennes est extrêmement périlleux ; mais comment êtes-vous arrivé à Limoges ?

Dans l’exil, on vit une suite de concours de circonstances, de hasards. Arrivé à Nice, il y avait des policiers partout. Ils m’auraient renvoyé en Italie, parce que c’est le premier pays européen dans lequel j’ai mis le pied, mais c’est en réalité un pays avec lequel je n’ai rien à voir. Je n’en parle même pas la langue ; je parle bambara et français. Je suis alors entré dans un tabac. La patronne m’a rassuré. On a discuté. J’ai appris qu’elle avait un fils de mon âge. Elle m’a acheté un billet de train pour Paris. A Paris, une discussion avec des bénévoles de la Croix-Rouge m’a appris que les procédures d’asile étaient très longues et plus rapides hors d’Île-de-France. Toujours à la gare, je rencontre un étudiant malien. On se parle en bambara. Il vit à Limoges. Nous montons ensemble dans le train et il m’accompagne jusqu’à l’accueil des demandeurs d’asile.

Au début, je n’avais pas d’endroit pour dormir et les bénévoles du Secours m’ont hébergé pendant deux ans. Je m’entends avec tous les bénévoles, et ça me donne de la force.

Quels sont vos espoirs pour 2022 ? Quels sont vos projets ?

J’ai obtenu une carte de séjour d’un an et aussi la reconnaissance de mon statut pour dix ans. J’attends ma carte de séjour de dix ans. J’ai un logement. J’aimerais passer le permis mais il me faut d’abord ma carte des dix ans pour le faire ; et j’aimerais aussi continuer à voir ma nouvelle famille, les bénévoles du Secours populaire. J’ai d’ailleurs gardé le contact avec toutes les familles qui m’ont accueilli car sans l’accueil, tu ne peux rien faire dans la vie. On peut dire que le Secours populaire m’a recueilli et m’a fait d’emblée confiance. Il m’a accompagné dans ma demande d’asile et m’a soutenu quand ma première démarche a été rejetée, m’accompagnant dans mon recours. Au tout début, je n’avais pas d’endroit pour dormir et les bénévoles du Secours m’ont hébergé pendant deux ans, avant qu’une autre association finisse par m’héberger officiellement. Au milieu des bénévoles, je m’entends avec tout le monde, et ça me donne de la force.