Premier bilan des Cahiers de doléances

Mis à jour le par Olivier Vilain
Dix ans après les cahiers de doléances, Le dire pour agir à de nouveau fait entendre la voix des précaires.

« Après le 5 du mois, c’est la galère. J’ai la rage de ne pouvoir subvenir aux besoins de mes enfants. » À 25 ans, Cindy est serveuse et aussi femme de ménage. Son conjoint est au chômage. Elle s’est confiée dans les Cahiers de doléances que le Secours populaire a rouvert pour faire entendre la voix des plus pauvres dans le cadre du grand débat national, et au-delà.

L’association continue de tenir des Cahiers de doléances dans lesquels les personnes et les familles accueillies peuvent s’exprimer (elle reprend ainsi une opération lancée en 1989, dont les affiches illustrent cet article). À Brest, Marseille, en Isère, dans le Puy de Dôme, en Ile-de-France elles sont nombreuses à faire part de leur « ressenti, des besoins et des colères exprimés par ces citoyens modestes », relève Francette Noël, Secrétaire générale de la fédération du Tarn-et-Garonne du Secours populaire.

L’emploi, première doléance

Trois grands thèmes apparaissent : en premier lieu l’emploi, son absence ou sa perte. Les difficultés à retrouver un poste pour pouvoir s’accomplir et subvenir à ses besoins, en particulier pour les personnes handicapées qui ont des difficultés supplémentaires à trouver un travail. Autre enjeu, le niveau trop faible des salaires en particulier pour les intérimaires ou les personnes en contrats courts. Au-delà du salaire, le niveau des prestations sociales est aussi jugé trop bas, en particulier celui du RSA. Son niveau est en effet moitié plus faible que le seuil de pauvreté…

En 1999, des cahiers de doléances sont mis en circulation pour que les gens frappés par la précarité puissent s'exprimer.

En 1989, des cahiers de doléances sont mis en circulation pour que les gens frappés par la précarité puissent s’exprimer.

 

La menace de l’endettement

Autre préoccupation : les difficultés financières. Les personnes aidées témoignent de leurs problèmes d’endettement, voire de surendettement. Un phénomène qui est lié en partie à l’explosion du coût de la vie, notamment l’envolée des coûts pour se loger, se chauffer et se transporter. « Dès le lendemain où on reçoit la paye on est à découvert, constate Priscilla, mariée, deux enfants. « Je ressens de la peine, de la frustration, de la colère, de la haine. On ne peut même pas emmener nos enfants au ‘’Mac do’’ alors que mon mari travaille. J’ai peur pour nos retraites mais surtout pour nos enfants. Pendant qu’on taxe les plus démunis, les plus riches s’enrichissent. » Dans son discours pointe aussi la dénonciation des inégalités.

Dernier thème qui revient le plus : le pouvoir d’achat. « Pour moi, il n’y a pas de lendemain. Je vis au jour le jour », confie Alain, la cinquantaine. Il élève, comme il peut, sa fille avec son allocation adulte handicapé. Les coûts liés au transport sont fréquemment évoqués. Les personnes aidées témoignent de la nécessité d’avoir un véhicule, surtout dans les banlieues ou à  la campagne.

Un coût de la vie prohibitif

Or, le coût d’une automobile est prohibitif pour les petits budgets. Le coût des réparations est aussi souligné, ainsi que celui du permis de conduire et du carburant. Dans le domaine du logement, les loyers trop élevés et les difficultés d’accès au logement ou de l’électricité ou de l’usage de l’eau sont pointées du doigt. Enfin, la nourriture saine et équilibrée est hors de portée pour les personnes ayant témoigné. « Nous sommes à découvert le 6 du mois. Sans la solidarité, on ne pourrait pas vivre dans ce pays ! », écrit une personne aidée qui a voulu rester anonyme.

Le Secours populaire remet en place des cahiers de doléances pour faire avancer "deux ou trois mesures" à même d'améliorer la vie des catégories populaires.

Le Secours populaire remet en place des Cahiers de doléances pour faire avancer « deux ou trois mesures » à même d’améliorer la vie des catégories populaires.

 

Des pistes pour l’avenir

Les souhaits exprimés se concentrent sur la question de l’emploi. Trouver un CDI adapté aux capacités physiques et intellectuelles, semble être la priorité numéro un. Avoir des loisirs, faire des sorties, partir en vacances sont des souhaits très souvent évoqués. Par ailleurs, les Cahiers de doléances expriment la volonté très large d’une revalorisation des prestations sociales comme les pensions d’invalidité, le RSA, les prestations familiales pour permettre d’élever dignement les enfants. L’accès aux produits de première nécessité pourrait être facilité par une baisse de la TVA.

Autres souhaits, pour financer ces hausses de revenus, les personnes interrogées expriment la volonté d’une meilleure répartition des richesses à travers le rétablissement de l’ISF, la taxation des principales niches fiscales et la suppression des paradis fiscaux. « Je crois que le devoir de nos enfants va être de descendre dans la rue pour dire ‘’Stop à l’engraissement des riches’’ ! », note une personne aidée anonyme. Toujours est-il qu’à travers les Cahiers de doléances les personnes en difficultés montrent qu’elles ne manquent pas d’idées et d’audace pour changer le cours des choses.